Les ventes de panneaux photovoltaïques s’envolent alors que plusieurs centrales thermiques électriques du pays ne fonctionnent plus, faute de carburant et que la crise de l’énergie perdure. Nous avons 300 jours de soleil par an au Liban. Il faut en profiter ! Le photovoltaïque, c’est gratuit !  Vive l’indépendance énergétique !

Alors que les centrales thermiques d’Électricité du Liban ne fournissent plus qu’une à deux heures d’électricité par jour, que le prix du fuel pour les générateurs n’a de cesse d’augmenter et que particuliers et entreprises sont devenus totalement dépendants de la mafia des groupes électrogènes, de plus en plus de Libanais tentent de s’équiper en photovoltaïque et la demande a explosé au cours des derniers mois.

Après avoir été marqué par les pénuries et la levée des subventions sur les carburants qui rend le fuel inabordable pour la plupart des Libanais, dont le pouvoir d’achat s’est effondré avec la dévaluation de la livre et l’inflation, le solaire est désormais une option que beaucoup prennent comme appoint aux groupes électrogènes, à condition d’avoir des devises étrangères pour pouvoir se payer ces installations importées.

Grâce aux panneaux solaires, les citoyens peuvent jouir désormais de 24 heures d’électricité avec des factures un peu moins douloureuses de générateurs, qui avalent une bonne partie des salaires. De plus l’énergie solaire est abondante, renouvelable et propre.

Pour ceux qui ont installé les panneaux solaires, c’est la résurrection, un retour à une vie normale oubliée. "Ce n’est pas un luxe, mais une nécessité", affirme un usager. Avant d’ajouter: "C’est peut-être cher, mais à long terme c’est rentable. J’ai fait mes calculs au lieu de dépenser dans le générateur, j’économise".

Cette solution est rentable et demeure la meilleure dans un pays qui a quelque 300 jours d’ensoleillement par an. Elle est 100% viable pour le Liban.

Mais passer à l’énergie solaire reste cher pour une majorité de citoyens. Tout est importé, tout doit être payé en dollars. Un spécialiste explique: "Une famille a besoin de 15 ampères minimum, ce qui coûte au mieux environ 3.500 dollars pour  une qualité moins que moyenne".

Ceci n’est malheureusement pas accessible à tout le monde. La hausse des coûts des générateurs renforce les arguments des adeptes du photovoltaïque. Mais en pleine crise financière, les dollars ne sont pas facile à sortir.

Comment fonctionnent les panneaux solaires?

L’énergie solaire est captée par le biais de modules recouverts de cellules de silicium, un matériau semi-conducteur. La lumière du soleil (photons) frappe les cellules, qui transmettent leur énergie aux électrons contenus dans les panneaux. Ensuite, les électrons se déplacent et produisent un courant électrique continu. L’onduleur transforme enfin le courant continu en courant alternatif et le rend ainsi exploitable. L’électricité peut alimenter les appareils électriques de la maison ou bien être stockée dans une batterie pour une utilisation ultérieure dans le foyer (par exemple lorsque le courant du générateur et d’EDL sont coupés).

Une demande multipliée par dix

Les installations ont explosé selon les professionnels du secteur. Toutefois, aucune statistique ne permet de confirmer cette tendance. Selon le Centre libanais pour la conservation de l’énergie (LCEC), les installations photovoltaïques au niveau résidentiel représentaient une capacité maximale de 10,81 mégawatts peak (MWp) en 2020, soit 12% de la capacité totale photovoltaïque installée au Liban (89,85 MWp) et en augmentation de 3,1% par rapport à 2019, en ce qui concerne les installations dans les foyers.

Plusieurs experts interrogés par Ici Beyrouth assurent que la hausse de la demande a été multipliée par 10, voire par 15, pour des systèmes dont la capacité varie entre 3 et 5 kilowatts peak (kWp). L’on compterait aujourd’hui plus de 500 acteurs du photovoltaïque sur le marché local, selon les estimations du LCEC, contre environ 150 en 2020.

Nadim Makhoul, partenaire de Aquarius, une société qui installe entre autres des systèmes photovoltaïques, précise que passer au solaire devient désormais "courant dans les milieux aisés, mais les clients appartiennent à toutes les catégories sociales. Même les personnes défavorisées veulent installer des panneaux, parce que la facture des générateurs engloutit le salaire. Ils prennent des petits systèmes, histoire d’éclairer et de faire fonctionner le réfrigérateur. En revanche, les entreprises et les usines installent des gros systèmes pour économiser avec le prix du fuel en augmentation constante". Il explique qu’avec les problèmes d’EDL et le rationnement des générateurs, les familles veulent surtout "sécuriser l’énergie". Et cela se voit: aujourd’hui, la majorité des toits d’immeubles sont recouverts de panneaux.

"Il faut aujourd’hui compter entre 11.000 et 15.000 dollars pour un système de douze panneaux avec un inverseur de bonne qualité et des batteries au lithium. Avec des batteries tubulaires, le prix varie entre 7.000 et 12.000 dollars", affirme Nadim Makhoul.  "Il faut environ une douzaine de panneaux de 540 watts pour une famille, ce qui fait 6.000 watts de panneaux solaires avec un inverseur de 5 KVA, qui peut donner pendant la journée jusqu’à 25 ampères quand le soleil brille. Le foyer est ainsi autosuffisant".  "Ces tarifs peuvent changer selon les équipements utilisés, leur provenance et leur structure. Cette dernière est primordiale pour une installation efficace et optimale", ajoute-t-il.

Mais quel que soit le coût, il reste une constante: c’est en dollars frais que ces installations doivent être payées. Cependant selon Nadim Makhoul, "cela reste rentable". "D’abord on investit dans une qualité de vie, l’électricité en permanence, puis et surtout on économise beaucoup sur la facture du générateur. Celui qui investit dans ce système le rentabilise en 2 à 3 ans. Il permet d’économiser plusieurs centaines de dollars par mois", confie-t-il.

Des habitudes de consommation qui changent

Il faut savoir qu’une conversion au solaire, même partielle, implique un changement dans les habitudes de consommation. En effet, on gère l’emploi du temps selon le soleil. Ainsi les machines à laver et chauffe-eau devraient être allumés quand l’astre est au plus fort. Il faut par ailleurs utiliser des ampoules à diodes émettrices (LED) et éteindre ce dont on n’a pas besoin pour profiter au maximum.

En effet, une installation solaire de 5 A, par exemple, n’est pas en mesure de fournir cette intensité tout le temps. Ceci est due aux batteries qui stockent le courant produit par les panneaux solaires et qui le déversent pendant les heures de rationnement.

Concernant les batteries précisément, les usagers doivent faire attention à leur composition. Les batteries au plomb, moins chères que celles au lithium, ont besoin de plus d’entretien et ont une durée de vie moyenne de 3 ans, alors que celles au lithium peuvent vivre une dizaine d’années et sont plus fiables, en fonction de la consommation de chaque utilisateur et des charges supportées.

Quid de la légalité

Concernant le côté légal de ces installations, le ministère de l’Énergie et de l’Eau a affirmé qu’aucune autorisation n’est requise pour installer des panneaux solaires. Le ministère a indiqué que pour ce qui est de l’énergie solaire, "les lois permettent la production d’électricité à usage personnel d’une capacité inférieure à 1,5 mégawatt sans autorisation préalable, à condition que certaines règles soient respectées. Ainsi, l’installation (structures et panneaux compris) ne doit pas dépasser 3 mètres de haut au-dessus du niveau du toit, dans les bâtiments dont la hauteur ne doit pas être de plus de 15 mètres, et 4,5 mètres dans les bâtiments plus élevés. Par contre, pour les autres cas, une autorisation est nécessaire".

Malheureusement, dans les immeubles en copropriété, des conflits émergent parfois entre voisins pour le partage de l’espace disponible sur les toits afin d’installer les panneaux solaires.

Le photovoltaïque au Liban se développe avec des investissements de particuliers et d’entreprises. Le solaire est certainement une énergie démocratique qui permettra de sortir des monopoles et de la mafia des générateurs. Certes, il ne révolutionne pas le système pourri actuel, en revanche sur la durée, il marque une évolution en attendant que l’État décide de mettre en place des centrales fonctionnant aux énergies renouvelables.