Les fonctionnaires ont décrété une grève ouverte lundi dernier pour protester contre la détérioration sans précédent de leurs conditions de vie. Le secteur public est à l’agonie. 

Quatre cent quarante mille salariés du secteur public, regroupant des employés actifs et des retraités, sont en mode de survie. Le salaire moyen des fonctionnaires de la quatrième et de la troisième catégorie est passé respectivement de 1333 $ (2.000.000 LL) et 1666$ (2.500.000LL) à 80$ et 101$ sur base d’un dollar à 24.700 LL selon le taux de change de Sayrafa, la plateforme de la Banque centrale, sachant que ce taux était de plus de 30.000 LL pour un dollar mardi matin sur le marché parallèle.
Cela signifie que le fonctionnaire doit vivre avec une moyenne de rémunération par jour de moins de deux dollars. Une situation hallucinante, pour le moins que l’on puisse dire. Le comble est que les indemnités de déplacement mensuelles et les allocations sociales provisoires consenties par décret présidentiel le 22 janvier dernier aux salariés de la fonction publique, toutes catégories confondues, pour le mois de mai, n’avaient pas été versées au moment du lancement de l’ordre de grève. Ces indemnités et aides sociales, si elles sont décaissées, comme l’a affirmé lundi en soirée dans un communiqué le ministre des Finances, le seront avec un certain retard puisqu’elles interviendront dans la seconde quinzaine de juin. D’ici là, aucun fonctionnaire honnête ne pourra tenir la route. Pour rappel, le prix des vingt litres d’essence est de près de 666.000 LL selon le barème du ministère de l’Énergie, publié lundi 13 juin 2022.

Adaptation des horaires

Pour rester positif quand tout va mal et préserver la continuité du service public, les fonctionnaires se sont réorganisés entre eux, établissant des plannings actualisés et rotatifs qui tiennent compte des compétences, des disponibilités, et des moyens des ressources humaines. À la suite de cette démarche, chaque fonctionnaire assurait une présence dans l’administration dont il relève trois fois par semaine. Un rythme qui devait se réduire à deux fois par semaine, puis à une seule fois la semaine à la lumière de l’inflation galopante dans le pays.

La planche à billets

L’État a fermé les yeux non seulement sur la présence journalière obligatoire des fonctionnaires mais également sur l’interdiction faite à ces derniers de cumuler un autre emploi que celui de la fonction publique.
Dans les faits, tout réajustement des salaires dans le secteur public signifiera dans la pratique la mise en service de la planche à billets de la Banque du Liban (BDL), soit une augmentation de la masse monétaire en livres en circulation et par conséquent une accélération du taux d’inflation. Sachant que les salaires dans le secteur public coûtent annuellement à l’État 12 mille milliards de livres.
Aujourd’hui, l’État libanais est en décomposition après une longue période de pourrissement.