Après deux ans de vols vides, le secteur aérien reprend vie, désormais moins handicapé par les restrictions sanitaires liées à la crise du Covid-19. Dopés par l’inflation et par un retour de la demande, les prix de billets d’avion repartent à la hausse. Une tendance qui devrait s’accentuer à long terme.

Dopés par l’inflation, les prix des billets d’avion sont repartis à la hausse après deux ans de déprime pandémique, une tendance qui risque de s’accentuer à long terme, sous la pression environnementale et réglementaire.

Pour les participants de l’Association internationale du transport aérien (Iata), réunis en assemblée générale annuelle à Doha, au Qatar, cette semaine, la question sera de savoir si ce renchérissement aura des conséquences sur l’accès à ce mode de transport, et à ses ambitieux plans de croissance malgré la crise climatique.

Le monde de l’aérien vient de traverser deux ans d’avions volant en partie vides et de tarifs relativement bas par rapport à la période pré-Covid.

Mais avec la levée de la plupart des restrictions de déplacement, cette période d’aubaine pour les voyageurs est révolue. Et la tendance est nette quelles que soient les destinations et les dates.

Aux États-Unis, le prix moyen d’un trajet intérieur a explosé en six mois, de 202 dollars en octobre 2021 à 336 dollars en mai 2022, selon les statistiques de la branche de la Réserve fédérale de Saint Louis.

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Les prix repartent à la hausse et la demande devrait suivre (AFP)

Retour aux tarifs d’avant crise

Dans l’Union européenne, le tarif hors taxes moyen d’un billet aller est revenu en avril au niveau de celui du même mois de 2019, après avoir chuté de plus de 20% en 2020, selon des données de Cirium, une entreprise spécialisée dans l’étude du secteur.

Et en France, les prix des vols au départ du territoire, pour tous les types de trajets, ont augmenté de 19,4% en mai par rapport au même mois de 2021, selon la Direction générale de l’aviation civile.

Les causes de cette hausse sont connues : demande revigorée plus vite que prévu, offre toujours contrainte par des difficultés d’organisation et de pénurie de main d’œuvre, inflation sans précédent depuis 40 ans, nourrie en particulier par un choc pétrolier accentué par l’invasion de l’Ukraine par la Russie…

Les compagnies aériennes s’attendent à consacrer 24% de leurs coûts au carburant cette année, contre 19% en 2021. Et, alors qu’elles doivent reconstituer leurs trésoreries saignées par la crise sanitaire, elles sont contraintes de transférer ces hausses aux clients.

La demande ne baisse pas

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Graphiques sur les volumes mondiaux mensuels de passagers du secteur aérien depuis 2017 (basés sur les kilomètres-passagers-payants) et sur leur répartition régionale en 2021, selon l’Association internationale du transport aérien (AFP)

Pourtant, " nous ne voyons pas de réduction de la demande, et je ne pense pas que nous en verrons ", assure le directeur général du géant américain United Airlines, Scott Kirby, en mettant les hausses actuelles en perspective : " en termes réels, les prix sont revenus au niveau de 2014, et plus bas qu’avant cette époque ".

" Les voyages qui se déroulent actuellement résultent des plans de relance des gouvernements, qui sont devenus du revenu disponible " pour les particuliers, constate Vik Krishnan, partenaire chez McKinsey et spécialiste de l’aérien.

" Le premier poste de dépense discrétionnaire est le voyage, et c’est ce que les gens font. Reste à savoir combien de temps ça va durer ", se demande-t-il.

Au-delà de ces défis, plane sur le transport aérien une épée de Damoclès : la nécessité de ne plus contribuer au réchauffement climatique à l’horizon 2050, comme il s’y est engagé, tout en transportant 10 milliards de personnes par an contre 4,5 milliards en 2019.

Une transition zéro émission au coût exorbitant

Pour décarboner, les compagnies comptent aux deux tiers sur les carburants d’aviation durables (sustainable aviation fuels, SAF) qui sont actuellement deux à quatre fois plus chers que le kérosène d’origine fossile. Certains gouvernements commencent à en rendre l’incorporation obligatoire en petites quantités, ce qui a déjà contraint des compagnies à imposer des surcharges.

Mardi, l’Iata a exhorté à subventionner la production de SAF pour parvenir à 30 milliards de litres disponibles en 2030 contre 125 millions en 2021, avec l’obsession de faire baisser les prix.

Le coût total de la transition vers " zéro émission nette " ? Selon l’Iata, 1.550 milliards de dollars sur 30 ans. " Les compagnies ne pourront pas absorber ces hausses de coûts (…), la transition devra être répercutée sur les prix des billets, et cela pourrait ralentir une partie de la croissance ", a concédé mardi le directeur général de l’organisation, Willie Walsh.

De quoi renverser la tendance de longue date à démocratiser le secteur ? Pour M. Krishnan, en effet, " la démocratisation va être plus difficile à obtenir ". Mais " ce sera très compliqué pour les gouvernements de revenir " sur l’accès du plus grand nombre aux voyages aériens, prévient-il.

Avec AFP