Entre une partie en livres et une autre en lollars et en dollars frais, le salarié du secteur privé jongle avec les chiffres pour calculer son salaire mensuel. Un combo alambiqué pour l’employé, mais aussi pour le patron. 

Les organismes économiques qui se sont réunis fin mai ont laissé le choix à chaque patron d’entreprise de décider des ajustements de salaire de ses employés. Sachant qu’ils ont officialisé le salaire minimum et les indemnités de déplacement publiés le même mois par le ministère du Travail avec effet rétroactif à avril 2022. Ce dernier a fixé à deux millions de livres libanaises le salaire mensuel minimum de l’employé et à soixante-cinq mille livres libanaises l’indemnité de déplacement par jour de travail. Celle-ci sera majorée à 100.000 livres d’ici à la fin du mois, soit par décision d’un nouveau gouvernement, soit officieusement sur base d’une recommandation faite par le ministre sortant du Travail, confie une source du patronat à Ici Beyrouth.

Le prix de l’essence

La hausse soutenue du prix de l’essence et de l’ensemble des dérivés pétroliers représente le principal facteur induisant une hyperinflation qui balaye sur son passage toutes les tentatives de réajustement des salaires et de contrôle des prix à la consommation.

Interrogés par Ici Beyrouth, certains directeurs de PME ont évoqué une échelle d’indemnités de déplacement mobile, d’autres ont mentionné des bons d’essence gratuits. Tous sont conscients que les frais de déplacement sont à réviser à la hausse au moins une fois par mois, sinon l’employé se trouvera dans l’impossibilité de se rendre à son lieu de travail. La distance de vingt kilomètres entre le lieu de travail de l’employé et son domicile est adoptée par la majorité des patrons interrogés, comme un repère pour calculer l’allocation supplémentaire dédiée au transport du salarié. Même les banques se réfèrent à cette distance lorsqu’il est inefficient de changer l’affectation d’un employé à la branche de la banque la plus proche de son domicile.

Le combo des formules

Le combo associant livres libanaises, lollars et dollars frais est la formule pratiquée au sein d’une grande partie de PME, sur un marché du travail sous tension. Ce type de réajustement du pouvoir d’achat est juste un moyen de maintenir en mode de survie le patronat et les employés. Il est bien loin de représenter un outil de gestion des performances ou de stimulation des salariés.

Le calcul du nouveau salaire de l’employé se base sur le montant qu’il touchait au 17 octobre 2019 divisé par le taux de change officiel de 1 517 livres pour un dollar. La partie en dollars frais est fixe. D’une manière générale, elle dépend des années d’ancienneté de l’employé et de sa position au sein de la hiérarchie managériale du groupe. Ensuite, se succèdent les opérations de calcul (addition, division, multiplication) des chiffres effectués sur base de la multiplicité des taux de change dans le pays. Un des indices d’une crise financière structurelle, qui se reflète dans une iniquité et une incohérence salariale.

Des emplois non sécurisés

La confusion sur le marché du travail a eu pour première conséquence l’émergence du phénomène de postes non sécurisés. Une avocate spécialisée dans les affaires a déclaré à Ici Beyrouth que pour les quatre sociétés commerciales dont elle a la charge, les contrats de travail conclus à présent sont en grande majorité des contrats de free-lance. Ceux-ci sont de nature à alléger la charge fiscale qui incombe aux entreprises qui ne versent que 7,5% d’impôts au fisc. Les postes qui en font l’objet sont ceux de gestionnaire de projets et de directeur des ressources humaines. Elle a également évoqué la délocalisation des hauts cadres vers les filiales à l’étranger. Une option qui arrange tant le patronat que les salariés. Cette option concerne surtout les ingénieurs et les techniciens informatiques.