Mardi 2 avril, les Palestiniens ont relancé leur demande d’adhésion aux Nations unies. Dans une lettre envoyée au secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, l’ambassadeur palestinien au sein de l’organisation, Riyad Mansour, a relancé une requête datant de 2011.

"Nous espérons que le Conseil de sécurité réuni au niveau ministériel le 18 (avril) agira sur cette base", a déclaré Riyad Mansour mercredi 3 avril, en référence à une réunion prévue sur la situation à Gaza à cette date.

"Nous voulons l’admission. C’est notre droit naturel et légal", a-t-il ajouté, estimant que vu le nombre de pays les soutenant, cette adhésion devrait être "facile".

"Tout le monde parle de la solution à deux États, alors selon quelle logique nous empêcherait-on d’être un État membre?", a-t-il lancé, en réponse à l’éventualité d’un veto américain.

La demande intervient dans un contexte marqué par l’attaque du Hamas, le 7 octobre, qui a provoqué une réaction israélienne disproportionnée, occasionnant la mort de dizaines de milliers de civils à Gaza.

Une procédure particulière

L’adhésion d’un nouvel État à l’ONU est "une procédure à la fois très simple et très compliquée", explique à Ici Beyrouth Romuald Sciora, directeur de l’Observatoire politique et géostratégique des États-Unis de l’Iris, "il faut pour cela être une entité qui dispose des moyens d’un État pour faire une demande de reconnaissance à l’ONU".

La demande est envoyée au secrétaire général de l’ONU qui va la transmettre au Conseil de sécurité. Ce dernier doit décider s’il peut proposer la demande de l’entité devant l’Assemblée générale de l’ONU. "C’est là que le bât blesse", nous confie Romuald Sciora, "car le Conseil de sécurité refusera très probablement la demande à la suite d’un véto américain. Aussi, la demande n’aboutira pas, même si l’Assemblée générale de l’ONU serait, elle, probablement favorable à une reconnaissance de l’État palestinien".

En septembre 2011, le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, avait engagé une procédure demandant l’adhésion de l’État de Palestine à L’ONU. Procédure qui n’est jamais allée à son terme. Cependant, à force d’actions diplomatiques, les Palestiniens ont obtenu, en 2012, le statut d’État observateur des Nations unies qui leur donne accès à des agences de l’ONU et à des traités internationaux.

Ils vont notamment rejoindre, en 2015, la Cour pénale internationale (CPI), ce qui a permis l’ouverture d’enquêtes sur certaines opérations israéliennes dans les territoires palestiniens. En 2011, ils avaient également été admis comme membre de l’Unesco, une décision qui avait provoqué l’ire des Américains et des Israéliens.

Des changements majeurs?

Dans les faits, 140 pays membres de l’ONU sur 193 ont reconnu de manière unilatérale l’État palestinien. Les Palestiniens bénéficient donc d’une large reconnaissance internationale. Cependant, la plupart des pays occidentaux, dont les États-Unis, le Royaume-Uni et la France, ne reconnaissent pas l’État palestinien.

Outre la possibilité de s’exprimer et de voter à l’ONU, une adhésion de l’État palestinien à l’organisation "changerait radicalement la donne pour la Palestine", analyse Romuald Sciora. "La Palestine jouirait de tous les droits d’un État auprès des organisations internationales et des autres États de manière générale, et l’occupation israélienne équivaudrait alors à la violation du territoire d’un État". Cela acterait donc de manière définitive l’illégalité de l’occupation de territoires palestiniens par Israël.

La reconnaissance de leur État leur permettrait également de se développer sur le plan économique et d’accéder à l’emprunt et à des organisations internationales comme l’OMC. "Il s’agit également d’un acte très symbolique, qui acterait la reconnaissance d’un combat de près de 80 ans", ajoute Romuald Sciora.

Alors que la situation à Gaza est de plus en plus critique, la relance de la demande palestinienne à l’ONU n’est pas anodine. En effet, la cause palestinienne est revenue sur le devant de la scène après avoir été occultée durant de nombreuses années.

"C’est le bon moment pour relancer l’initiative", analyse Romuald Sciora, "même si l’on sait qu’elle échouera, symboliquement, c’est fort. Jamais avant l’heure actuelle, la communauté internationale n’a été aussi prête de reconnaître un État palestinien". En effet, l’accumulation de victimes civiles palestiniennes a retourné l’opinion internationale, d’abord horrifiée par l’attaque du Hamas le 7 octobre. La stratégie jusqu’au-boutiste de Netanyahou a de plus en plus de mal à passer auprès de la communauté internationale.

Plusieurs pays européens, dont l’Espagne et la France, envisagent de reconnaître un État palestinien. Le Premier ministre espagnol, Pedro Sánchez, s’était dit la semaine dernière décidé à accélérer la manœuvre pour que l’Espagne reconnaisse un État palestinien d’ici à l’été.

L’Irlande, Malte et la Slovénie ont également affirmé fin mars être "prêts à reconnaître la Palestine" si "les circonstances sont bonnes". Depuis début avril, la France porte un projet de résolution au Conseil de sécurité à l’ONU visant notamment à relancer la solution à deux États.

Cependant, sans accord américain, un projet d’État palestinien risque de rester lettre morte. D’autant que l’évolution de la situation internationale pourrait changer la donne. "Malheureusement, je crains que le conflit possible entre Israël et l’Iran, s’il venait à se transformer en conflit direct, verrait les États-Unis s’aligner sur Israël et renverrait ainsi le dossier palestinien aux oubliettes", confirme Romuald Sciora. Alors que leurs territoires se réduisent d’année en année, les Palestiniens cherchent à ne pas sombrer dans l’oubli.