Les renseignements israéliens, la bête noire de l’axe pro-iranien
Coup de tonnerre en cette matinée du 31 juillet: le chef du Hamas, Ismaïl Haniyé, en visite à Téhéran pour assister à la cérémonie d’investiture du président iranien Massoud Pezeshkian, a été tué dans une frappe, très probablement israélienne. C’est le second assassinat d’un cadre de l’axe iranien en quarante-huit heures. La veille, Fouad Chokr, responsable de la branche militaire du Hezbollah, avait été tué dans la banlieue sud de Beyrouth.



 










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Tandis qu’une escalade significative des tensions est à craindre au niveau régional, ce nouveau développement met en lumière les méthodes de la communauté des renseignements israéliens: le Mossad, l’Aman et, dans une moindre mesure, le Shin Bet.

La star: le Mossad


Le Mossad, dont le nom signifie « institution » en hébreu, a été fondé en 1949, peu après la création de l'État d'Israël. Sa mission principale est de collecter des renseignements, de mener des opérations secrètes à l'étranger et de prévenir les menaces pesant sur Israël. Il est également responsable de la sécurité des communautés juives à travers le monde.

Contrairement à ses équivalents intérieurs et militaires, les objectifs, la structure et les pouvoirs du Mossad échappent aux lois fondamentales d'Israël. Son directeur ‒ actuellement David Barnea ‒ ne rend des comptes qu’au Premier ministre israélien.

(De gauche à droite) Le chef du Shin Bet, Ronen Bar, le directeur du Mossad, David Barnea, et le chef d'état-major de l'armée, Herzi Halevi à Jérusalem, le 5 mai 2024. (Menahem Kahana / AFP)

La structure de l'organisation est tenue secrète. Mais certains départements spécialisés, chacun ayant des responsabilités distinctes, sont connus des médias.

Ce sont surtout ses opérations clandestines et ses assassinats qui ont valu au Mossad une solide réputation. L’exemple le plus célèbre fut la capture et l’extradition depuis l’Argentine de l’ancien responsable nazi Adolf Eichmann, en 1960.

Aman, les oreilles de l’armée israélienne


Acronyme pour Agaf ha-Modi'in («section du renseignement» en français), l’Aman est la branche en charge de la collecte du renseignement au sein de l’armée israélienne. Il s’agit d’une branche indépendante des autres armes et son personnel est estimé à environ 7.000 personnes.

Contrairement au Mossad, ce service est intégré à la structure de l’armée. Il répond donc d’abord à l’État-major, qui doit ensuite rendre compte au Premier ministre.

Le but de cette branche est de fournir au gouvernement israélien des renseignements détaillés sur le plan national. Aman peut aussi mener des opérations transfrontalières, impliquant ses propres unités de forces spéciales, les Sayeret Matkal.

L’Aman possède trois principales subdivisions, dont la plus célèbre est sans doute l’Unité 8.200, dédiée à la cyber-guerre, au renseignement électronique et à la surveillance avancée. Elle est réputée pour ses capacités technologiques de pointe.

Le Shin Bet, les renseignements intérieurs


Aussi connu sous l’acronyme Shabak (pour «service de sécurité intérieure d'Israël»), le Shin Bet est l'agence israélienne de sécurité intérieure. Fondé en 1949, le Shin Bet est principalement en charge du contre-terrorisme et de la lutte contre d’autres activités clandestines portant atteinte à la sécurité d’Israël.

En outre, cette agence est responsable de la protection personnelle des hauts fonctionnaires, de la sécurité des infrastructures importantes et des bâtiments gouvernementaux, ainsi que de celle des ambassades à l'étranger.

Contrairement au Mossad, le Shin Bet opère principalement à l'intérieur des frontières israéliennes et dans les territoires palestiniens – généralement en coordination avec l’Aman.

Collecte de renseignements


La première fonction de ces trois agences reste le renseignement, autrement dit la collecte, l’analyse et l’exploitation d’informations en vue d’assurer la sécurité et de remplir les objectifs de l’État hébreu. Cette étape est préliminaire à toute action clandestine, y compris les assassinats ayant eu lieu cette semaine.

L’Humint (Human Intelligence) peut être considérée comme la méthode «traditionnelle». Elle implique l’utilisation d'agents humains pour collecter des informations.

Vient ensuite le Sigint (Signals Intelligence). Cette méthode se concentre sur l’interception des communications électroniques, y compris les appels téléphoniques, les emails et autres formes de communication numérique. Le Sigint inclut aussi la surveillance des ondes électromagnétiques, à l’image des ondes radar.

L’Imint (Imagery Intelligence) repose quant à lui sur l’étude d’informations obtenues par photographie aérienne ou satellite. Il est généralement complété par le Masint (Measurement and signature intelligence), qui inclut les autres formes de détection.

Enfin, l’Osint (Open Source Intelligence) est basé sur la collecte d'informations à partir de sources ouvertes au public. Il peut s’agir de sources telles que les médias, les publications, les forums en ligne, ou encore les services de cartographie.

Il faut préciser que l’ampleur des moyens employés diffère selon les agences. Néanmoins, la coopération entre les trois agences leur permet de bénéficier des moyens des autres.

Assassinats ciblés


Une fois croisées, les informations obtenues par ces différents moyens doivent permettre aux agences israéliennes de mettre sur pied une opération, destinée à éliminer la cible concernée. Depuis le 7 octobre, plusieurs responsables de l’axe pro-iranien en ont fait les frais, tant à Gaza qu’en Cisjordanie, en Syrie et au Liban.

Dans ces territoires, que l’on peut qualifier d’environnement immédiat de l’État hébreu, l’arme aérienne reste privilégiée ‒ avions de chasse, drones… Une fois la cible localisée, le vecteur utilisé largue une munition guidée sur la cible. En raison de moyens impliquant nécessairement l’armée israélienne, l’Aman joue généralement un rôle non négligeable dans ce type d’opération, souvent en coordination avec l’une des deux autres agences.

Une photo prise le 30 juillet 2024 montre les étages supérieurs détruits d'un immeuble après une frappe militaire israélienne sur la banlieue sud de Beyrouth. (AFP)

Lorsque les opérations se déroulent en dehors des frontières immédiates d'Israël, notamment sur le territoire de sa némésis, la République islamique d’Iran, le Mossad prend souvent les commandes. Il emploie des méthodes plus ou moins discrètes telles que l'empoisonnement, les attentats à la bombe ou les attaques à l'arme à feu pour éliminer les cibles. Israël a ainsi mené une campagne d’assassinats contre les scientifiques liés au programme nucléaire iranien.

Avant-dernière exécution en date, celle du professeur Mohsen Fakhrizadeh en novembre 2020, qui se distingue par la sophistication des moyens employés. Selon le New York Times, l’arme utilisée consistait en une mitrailleuse contrôlée à distance, assistée d’une intelligence artificielle (IA) pour la reconnaissance faciale. L'ensemble de l'appareil pesait environ une tonne et avait été introduit clandestinement en Iran en petites pièces avant d'être réassemblé pour l'opération.

Des capacités hors normes


Les assassinats de MM. Chokr et Haniyé ont donc été menés par des procédés idoines. Le responsable du Hezbollah a été tué par une frappe aérienne, mardi 30 juillet, notamment après qu’un agent présent sur le terrain a confirmé sa localisation à Dahyé, selon le quotidien libanais An-Nahar.

Cette opération confirme les capacités en Human Intelligence (Humint) l’État hébreu, qui furent sans doute croisées avec des renseignements Sigint, d’après l’analyse de Pierre-Henri «Até» Chuet, ancien pilote de l’aéronavale française et spécialiste des questions de défense, dans une vidéo publiée mercredi sur YouTube.

Mais les informations que détiennent les renseignements israéliens pourraient être encore plus précises, selon ce dernier. En effet, leur rapidité de réaction après le bombardement de Majdal Shams, le 27 juillet, laisse penser que l’État hébreu disposait déjà d’informations concernant la localisation de Chokr.

Cette question se pose aussi dans le cas de la mort d’Ismail Haniyé. Tandis que les hypothèses initiales penchaient vers une frappe aérienne, voire un missile tiré depuis un sous-marin, des informations rapportées jeudi par le New York Times indiquent une toute autre direction.



Selon le quotidien américain, l’ex-chef du bureau politique du Hamas a été assassiné par un engin explosif qui aurait été introduit clandestinement et placé dans son lieu de résidence à Téhéran, pourtant protégé et fortifié par le Corps des gardiens de la révolution islamique, l’armée idéologique de Téhéran. Fait notable, cette bombe aurait été dissimulée près de deux mois en amont.

Une version démentie samedi par le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI), en charge de la sécurité du complexe touché. "D’après les enquêtes et investigations, cette opération terroriste a été menée en tirant un projectile à courte portée avec une ogive d’environ 7 kilogrammes depuis l’extérieur du lieu d’hébergement des invités (provoquant) une forte explosion", ont-ils alors déclaré à l'agence officielle Irna.

Néanmoins, ces affirmations pourraient être davantage destinées à se dédouaner des failles de sécurité ayant mené au succès de l'attaque, et pour lesquelles le CGRI  pourrait être pointé du doigt.

Quoi qu'il en soit, cette attaque l’est donc en revanche par la complexité de son niveau de préparation. Les renseignements israéliens – ici, très probablement le Mossad – ont pu ainsi identifier les failles de sécurité du complexe et planifier progressivement l’attaque, vraisemblablement à l’aide de moyens colossaux. Cela témoigne d’une capacité d’anticipation qui laisse cet épisode avec plus de questions que de réponses.
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