Le Conseil des évêques maronites, réuni à Dimane, a affirmé son soutien total à Mgr Moussa el-Hage, archevêque maronite de Haïfa, interpellé lundi à Ras Naqoura alors qu’il venait d’Israël. Dans un communiqué publié en soirée, les évêques maronites ont notamment réclamé la destitution du commissaire du gouvernement près le tribunal militaire, le juge Fady Akiki, à l’origine de l’interpellation de Mgr Hage. 

C’est à Dimane, siège estival du patriarcat maronite, que se sont exceptionnellement réunis mercredi les membres du Conseil des évêques maronites sous la présidence du patriarche Béchara Raï. Cette réunion d’urgence avait pour objet de répondre à l’acharnement politique et judiciaire dont a été la cible Mgr Moussa el-Hage, archevêque de Haïfa et vicaire patriarcal pour Jérusalem, les territoires palestiniens et la Jordanie.

Une Église millénaire, fondatrice du Liban

Dans un communiqué, on ne peut plus clair et ferme, le Conseil des évêques maronites a d’abord exprimé son indignation qu’un archevêque du patriarcat d’Antioche et du Levant soit mis en cause "contrairement aux coutumes et procédures, sans motif juridique, sans considération de sa personne, son poste, son rôle ou son message et sans que cela n’ait été référé à son supérieur hiérarchique au sein de l’Église maronite qui a été pionnière dans l’édification de la République libanaise et sa continuité". Le communiqué souligne que " l’Église maronite a voulu que le Liban soit un État démocratique, respectueux des libertés, dans lequel les particularités sont prises en compte et dont les gouvernants respectent la Constitution et protègent la légalité et la justice, loin des manœuvres politiciennes et des intérêts familiaux, dans l’intérêt du peuple dans son intégralité ".

Détention arbitraire et confiscation d’aides humanitaires

Rappelant les faits dans cette affaire, le communiqué indique que " sur décision du commissaire du gouvernement près le tribunal militaire, Fadi Akiki, les agents de la Sûreté Générale ont arrêté lundi Mgr Hage au poste-frontière de Naqoura, alors qu’il revenait comme à son habitude de son archevêché de Terre Sainte ". " Son interrogatoire aurait ensuite duré plus de douze heures, sans justification, au sein d’un poste sécuritaire, précise le communiqué. Ont alors été confisqués son passeport libanais, son téléphone et les aides médicales et financières qu’il apportait à des malades et nécessiteux issus de toutes les confessions au Liban, données par des mécènes libanais et palestiniens en raison de la défaillance de l’État libanais à assurer ces besoins essentiels. Le juge Akiki a ensuite convoqué l’archevêque à comparaitre devant lui mercredi, élément auquel le cardinal Raï s’est évidemment opposé, réclamant d’ailleurs une sanction appropriée à ces comportements inadmissibles, pouvant aller jusqu’à la destitution des intéressés " (ce membre de l’institution judiciaire libanaise est connu pour ses manœuvres d’intimidation à l’encontre d’opposants au camp CPL-Hezbollah comme le chef des Forces libanaises Samir Geagea contre lequel il avait émis un mandat après les incidents sécuritaires provoqués par le duopole chiite à Ain el-Remmané ou encore le militant Toni Khoury, qui avait recouvert de spray un symbole du PSNS – NDLR).

Pour certaines personnes à la mémoire courte

Il est ensuite souligné dans le communiqué que cette affaire "nous ramène aux siècles précédents d’occupation durant lesquels tous les envahisseurs qui se sont succédé ont tenté de mettre fin au rôle de l’Église maronite qui a planté dans ces contrées l’esprit de la liberté et de la résistance à l’oppression, ainsi que la notion de défense des droits de l’homme, de la liberté de conscience et de la fraternité entre les religions". Aux nouveaux détracteurs de l’église maronite, les évêques soulignent que "ceux qui, du fond de leurs postes étatiques, ont planifié, ordonné et exécuté cette atteinte à Mgr Hage, semblent avoir omis que ce qu’ils font n’ébranlera pas le siège patriarcal qui a résisté à des royaumes, des sultanats et des États qui ont tous disparu, là où l’institution maronite s’est maintenue au service de l’humain, du Liban, de l’Orient et de la fraternité entre les religions, avec la force de Dieu et la confiance du peuple ".

Le Conseil a poursuivi que " Mgr Hage, comme tous les archevêques qui l’ont précédé à la tête du diocèse, adhère aux directives du Patriarcat maronite et à la mission que lui incombe le Vatican, et tient à toujours assumer son rôle avec courage, sagesse et humanité au service de la justice, des nécessiteux et des malades, surtout en ces temps difficiles ". Dans ce cadre, le Conseil affirme fermement qu’il ne se place " nullement dans une démarche de justification, mais au contraire dans une logique de confirmation totale des actions de l’archevêque, que l’Église soutient de manière indéfectible ".

Revendications claires

Se disant surpris par le silence de l’État face au traitement infligé à Mgr Moussa el-Hage, le Conseil des évêques maronites a ajouté: " Nous refusons, dénonçons et condamnons dans les termes les plus forts cet acte prémédité et conçu à un moment frappant et douteux et à des fins malveillantes bien connues à l’encontre de notre frère l’archevêque Moussa el-Hage. Et nous exigeons à la fois l’arrêt de cette comédie sécuritaire/juridique/politique, la restitution à Mgr Hage de toutes les aides qui ont été confisquées afin qu’elles puissent être redistribuées à ceux qui les attendent, et enfin la clôture immédiate de ce dossier. "

C’est ainsi que le Conseil des évêques maronites a appelé le ministre de la Justice à prendre les mesures disciplinaires nécessaires à l’encontre de tous les responsables dans cette affaire. " Nous rappelons dans ce contexte que ce n’est pas la première fois que le commissaire du gouvernement près le tribunal militaire commet des actes hors normes. Par conséquent, nous demandons également au procureur général près la Cour de cassation de déférer le juge Akiki devant l’inspection judiciaire et de le destituer " peut-on lire dans le communiqué du Conseil des évêques maronites, qui a renouvelé son souhait d’une justice indépendante du pouvoir politique.

Et le Conseil de conclure : "Nous réitérons enfin les constantes et les positions nationales du Patriarcat maronite, qui ne se laissera décourager par aucune pression, et nous appelons l’État libanais dans la totalité de ses responsables à préserver la dignité et les droits de tous les Libanais et à mettre fin à l’injustice qu’ils subissent, que ces derniers résident sur le territoire libanais, à l’étranger, ou encore qu’ils aient été expulsés de force. "