Les circonstances et les retombées de l’interpellation, lundi dernier, de l’archevêque maronite de Haïfa et de la Terre Sainte, Mgr Moussa el-Hage, au poste de la Sûreté générale de Ras Naqoura, ont été vendredi au centre d’une série de concertations au plus haut niveau.

Mgr Hage avait été arrêté et interrogé pendant une dizaine d’heures par les agents de la SG, sur instruction du commissaire du gouvernement près le tribunal militaire, le juge Fady Akiki, sous prétexte qu’il transportait de l’argent d’Israël au Liban. Ces montants n’étaient que l’aide envoyée par des Libanais établis en Israël à leurs proches au Liban. Le passeport ainsi que des aides humanitaires avaient été saisis par la SG.

Mercredi, le conseil des évêques maronites réunis à Dimane (dans la région de Becharré) sous la présidence du patriarche Béchara Raï avait publié un communiqué très dur, réclamant la destitution du juge Akiki.

Cette affaire, qui a provoqué un tollé dans divers milieux locaux, a été discutée au cours d’une entrevue que Mgr Hage a eue au Palais de Baabda avec le président Michel Aoun. L’évêque de Haïfa n’a fait aucune déclaration à sa sortie du palais présidentiel.

Défilé de personnalités à Dimane

Au siège du patriarcat d’été de Dimane, le patriarche maronite a reçu plusieurs personnalités avec lesquels il a discuté de la question. Il s’est notamment entretenu avec le ministre de la Justice, Henry Khoury, qui a indiqué à l’issue de la réunion qu’il avait demandé au Procureur général de la République, Ghassan Oueidate, de lui fournir toutes les informations en rapport avec cette affaire, mais qu’il n’avait pas encore reçu de réponse. M. Khoury a, d’autre part, souligné que la question de la destitution du juge Akiki ne "relève pas de son ressort, en tant que ministre".

Dans ce cadre, l’agence locale d’information el-Markazya a indiqué vendredi que la visite du secrétaire général de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, à Dimane n’est pas prévue dans le contexte actuel.      

Par ailleurs, de nombreuses personnalités se sont rendues vendredi à Dimane afin d’exprimer leur soutien aux positions du patriarcat maronite. Le cardinal Raï a ainsi reçu dans ce cadre l’ambassadeur saoudien, Walid Boukhari, pour une visite de solidarité.

Le patriarche a ensuite conféré avec les députés du bloc Le Renouveau Achraf Rifi et Michel Moawad  qui étaient accompagnés de l’ancien député Jawad Boulos. À l’issue de la rencontre, le député Michel Moawad, président du Mouvement de l’indépendance, a souligné que "Bkerké restera la forteresse qui assure la défense de l’entité du Liban et de la dignité de l’Homme". " En ce qui nous concerne, nous défendons la souveraineté, la démocratie, la liberté et l’indépendance de la magistrature ", a-t-il déclaré.

M. Moawad a par ailleurs souligné qu’en sa qualité d’évêque de Haïfa et de la Terre Sainte, Mgr Hage a entièrement le droit de se rendre dans son diocèse à Jérusalem. "Il est clair que l’objectif recherché (dans l’affaire de Mgr Hage) est de soumettre Bkerké et de l’amener à changer sa ligne de conduite politique. Mais la route de Jérusalem ne passera pas par Bkerké ", a affirmé M. Moawad.

Rifi et la résistance chrétienne

De son côté, le général Achraf Rifi, député de Tripoli, a souligné que la lutte (menée par le camp souverainiste) ne revêt nullement un caractère chrétien ou musulman. "Il s’agit d’une lutte nationale par excellence, a-t-il déclaré. En 2014, le rassemblement de Kornet Chehwane avait au départ une connotation chrétienne puis il est devenu islamo-chrétien et a abouti au retrait syrien. Aujourd’hui, nous sommes à la veille d’une phase cruciale et historique qui nécessite que nous soyons main dans la main, chrétiens et musulmans, afin de nous tenir aux côtés de cette instance nationale (le patriarcat maronite) qui adopte constamment des positions nationales fondamentales".

Et le général Rifi d’ajouter : "Nous sommes prêts à relever le défi de la confrontation avec l’autre camp. Nous ne laisserons pas l’avenir de nos enfants être sous la coupe de l’hégémonie iranienne. Nous n’accepterons pas que l’agent de l’Iran achemine des armes de l’Iran. Ce sont eux les agents, et nous sommes les patriotes. La résistance, c’est nous, pas eux. La résistance chrétienne a empêché le Syrien de mettre la main sur une partie du Liban. La résistance chrétienne a enregistré de grandes victoires, et la résistance nationale libanaise, qui regroupait des chrétiens, des druzes, des chiites et des partis de gauche a également enregistré des victoires contre l’ennemi, et non pas le Hezbollah qui prétend être la résistance".

Ali el-Amine et Neemet Frem

Le patriarche Raï a également reçu dans la journée de vendredi sayyed Ali el-Amine (opposé au Hezbollah), venu exprimer sa solidarité avec le patriarche maronite et son "appui à ses positions souverainistes".

Mgr Raï a conféré d’autre part avec le député Neemet Frem qui a souligné à l’issue de l’entrevue que le patriarcat maronite est présent en Terre Sainte et qu’il est par conséquent du devoir de l’évêque de ce diocèse de maintenir les liens avec les fidèles de cette région.

Le Front souverainiste

Signalons par ailleurs que l’affaire de Mgr Hage a été au centre d’une réunion extraordinaire que le Front souverainiste pour le Liban a tenue au siège du Parti national libéral (PNL), à Sodeco.

Dans un communiqué rendu public à l’issue de la réunion, le Front souverainiste a notamment souligné que le problème dans l’affaire de Mgr Hage "n’est pas avec le tribunal militaire, mais avec celui qui manipule et dirige la justice militaire, certains procureurs, magistrats et responsables sécuritaires". Après avoir rappelé la série d’assassinats politiques perpétrés dans le pays depuis l’attentat du 14 février 2005 qui avait couté la vie à Rafic Hariri, le front souverainiste a souligné que " l’interpellation de Mgr Moussa el-Hage et son interrogatoire pendant 12 heures constituent une atteinte flagrante à l’église maronite et au patriarche Béchara Raï".

" Il semble que la république du Hezbollah a été gênée par les positions de Bkerké et a de ce fait cherché à adresser un message d’intimidation à l’église maronite, a poursuivi le Front souverainiste. Le Hezbollah qui s’est arrogé le droit de faire rentrer toutes sortes d’armes et de munitions ainsi que des stupéfiants dans le pays, a voulu dénoncer la position de l’église maronite qui assure la remise de médicaments à ceux dont la vie est menacée du fait de la maladie".

Et le Front souverainiste de conclure : "Ce qui s’est passé avec Mgr Hage est le résultat d’une décision politique dont le Hezbollah assume l’entière responsabilité avec son allié aouniste".