Le Vatican et Bkerké sont parfaitement alignés et adoptent une seule et même position pour préserver l’identité du Liban, assure le directeur exécutif du groupe de pression Civic Influence Hub (CIH), Ziad el-Sayegh, à Ici Beyrouth.

La visite du ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, à Rome pour une rencontre  avec le secrétaire d’État du Vatican, le cardinal Pietro Parolin, et le secrétaire pour les relations avec les États, l’archevêque Paul Richard Gallagher, il y a environ deux semaines ne serait pas banale, d’autant plus qu’elle était officieuse.

Cette visite a d’ailleurs suscité l’intérêt de certains quotidiens libanais, qui se sont empressés de souligner que la rencontre était positive et avait réduit l’écart entre l’Iran et le Saint-Siège. Y aurait-il une part de vérité dans ces informations ou est-ce une simple propagande destinée à servir les intérêts de l’Iran et du Hezbollah dans la région?

"Ce qui a été publié à ce sujet est dénué de vérité", dément fermement une source informée de la teneur des entretiens du Vatican, à Ici Beyrouth. "Au contraire, la réunion était très tendue. La discussion a porté principalement sur les décisions iraniennes qui visent à détruire certains pays et à créer des conflits confessionnels, notamment au Liban", a-t-elle indiqué.

Selon cette même source, le Vatican serait en train de lutter bec et ongles pour que l’identité du Liban ne soit pas compromise et soumise à l’influence iranienne, à travers notamment le Hezbollah. Pour contrer cependant ces efforts, tous les moyens sont employés par l’Iran et sa formation chiite pour discréditer le Saint-Siège. D’ailleurs, une campagne médiatique a été lancée, promouvant le fait que Mgr Gallagher serait un fervent défenseur de la normalisation avec l’Iran et du changement de l’identité du Liban, alors que Mgr Parolin insisterait sur l’application des accords de Taëf, ou encore que Mgr Gallagher s’entretiendrait avec des émissaires du Hezbollah. "Ce clivage est non-existant. Il n’y a absolument aucune divergence d’opinions entre les prélats", assure le directeur exécutif du groupe de pression Civic Influence Hub (CIH), Ziad el-Sayegh, qui met en relief la concordance de vues entre le Saint-Siège et l’Eglise maronite. "Le Vatican et Bkerké sont parfaitement alignés et adoptent une seule et même position pour préserver l’identité du Liban", affirme-t-il.

La position du Vatican vis-à-vis du Liban

Pour le Saint-Siège, quatre constantes fondamentales devraient être respectées au pays du Cèdre pour que l’identité du Liban soit préservée, selon la source digne de foi. "La première est le retour à l’application de la Constitution et de l’accord de Taëf. La deuxième est l’élection d’un président courageux doté de compétences nécessaires pour veiller à l’application de la Constitution, préserver l’identité du pays, et regagner la confiance des expatriés libanais, ainsi que celle de la communauté internationale. La troisième est la vision du prochain chef de l’État en ce qui concerne la mise en œuvre des réformes, le respect des principes de la souveraineté, de la neutralité, du vivre-ensemble etc. La quatrième est la création d’un dialogue national englobant tous les partis politiques pour remédier aux failles constitutionnelles, sans recours, pour le Hezbollah, à la menace des armes et à l’intimidation militaire", explique-t-elle.

L’affaire de l’évêque Moussa el-Hage

Interrogée au sujet de l’affaire de l’évêque de Haïfa, Moussa el-Hage, et d’une éventuelle corrélation avec l’influence croissante de l’Iran sur le territoire libanais, la source précitée affirme à Ici Beyrouth que cet incident a été monté de toutes pièces, surtout que le légat dispose d’une immunité du Vatican. "Ce qui s’est passé avec Mgr Hage a fait sortir le nonce apostolique de son mutisme. Il s’est explicitement adressé aux Gardiens de la révolution iranienne en les réprimandant sévèrement sur la manière par laquelle le message a été transmis", souligne-t-elle. L’interpellation de Mgr Hage, le 18 juillet dernier, par la Sûreté générale au poste frontière de Ras Naqoura au Liban-sud, a été considérée comme un message adressé à Bkerké dont les positions excessivement hostiles au Hezbollah et au camp présidentiel importunent grandement les deux parties.

"Il est important de préciser que l’affaire de Mgr Hage n’est pas une réaction directe aux propos du patriarche maronite, Béchara Raï, sur l’élection présidentielle ou sur les qualités dont doit jouir le prochain président de la République, comme le pensent beaucoup de Libanais, mais plutôt une façade érigée par l’Iran pour masquer ses desseins et reporter l’attention sur des questions qui divisent l’opinion publique libanaise", analyse-t-elle. Et la source d’ajouter: "Malheureusement, la réponse chrétienne à l’affaire de l’évêque de Haïfa n’a pas été à la hauteur du danger que représente cet incident, ni celle des druzes, ni celle des sunnites. Par ailleurs, la réponse de Bkerké n’a pas vraiment été non plus à la hauteur de l’enjeu. Cela était peut-être un choix de Mgr Raï afin d’éviter une escalade des tensions et recourir à une diplomatie qui se fait derrière les feux des projecteurs".