La nouvelle guerre éclair de Gaza, déclenchée par Israël, s’est résorbée, marquant la fin d’une des plus courtes confrontations dans l’histoire du conflit entre l’État hébreu et la bande de Gaza. Cette guerre a cependant mis en relief un autre élément, à savoir que la réaction du Hezbollah, principal allié du Jihad islamique, n’allait pas dépasser la simple manifestation de solidarité verbale pour ce mouvement palestinien. Pourtant, le Jihad islamique, la seconde faction la plus puissante après le mouvement Hamas qui contrôle la bande de Gaza, est le frère d’armes du Hezbollah libanais, compte tenu des relations qu’il entretient lui aussi avec Téhéran.

Or quelles sont les données qui sous-tendent le soutien verbal du Hezbollah à son allié palestinien ?

Il était perceptible dès le départ que le Hezbollah n’allait pas voler au secours de ce frère d’armes, comme il l’avait fait en 2006. À l’époque, quelques semaines après le début d’une offensive israélienne contre la bande de Gaza, baptisée Opération pluies d’été, pour sauver un soldat israélien enlevé par un commando palestinien, le Hezbollah avait enlevé deux soldats israéliens à la frontière sud du Liban. Tel Aviv avait réagi en lançant une guerre contre le Liban. La tactique du Hezbollah a été cette fois différente. Selon des informations rapportées par le journal koweïtien "Al-Raï" au lendemain du début de l’offensive contre Gaza, "un émissaire d’un pays du Golfe aurait informé des responsables du Hezbollah de la disposition de Tel-Aviv à accepter toutes les demandes du Liban concernant la délimitation des frontières maritimes, et de son refus de la guerre". En tout état de cause, "l’État hébreu aurait demandé de bénéficier d’un délai pour passer le cap des élections israéliennes. Et pour cause : toute décision qu’Israël prendra avant les élections augmentera les chances de Benjamin Netanyahu de remporter le scrutin. Le journal koweïtien conclut en révélant que " la réponse du Hezbollah a été ferme ". Ce dernier ne s’estime pas concerné par les élections israéliennes et " reste plus que jamais déterminé à mettre ses menaces à exécution ", au cas où les droits du Liban au niveau de l’exploitation de ses ressources gazières en mer seraient bafoués.

Dans les milieux médiatiques proches de la formation pro-iranienne, on établit une distinction entre le dossier de la démarcation des frontières maritimes et celui de la guerre de Gaza. On en veut pour preuve les propos tenus dans un discours télévisé par le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qui s’est contenté de souligner "le droit du peuple palestinien, de la résistance et du Jihad islamique à riposter à cette attaque au moment qu’ils jugent opportun, se réservant le choix de l’endroit et de la manière de le faire…".

En revanche, les menaces en rapport avec le dossier maritime sont plus directes, ce qui aurait justifié la médiation arabe dont a fait état Al-Raï. Selon les données obtenues, l’émissaire qui aurait rencontré des responsables du Hezbollah serait qatari, alors que des médias proches du parti chiite ont affirmé qu’il serait plutôt koweïtien. Néanmoins, il est quasi certain que l’émissaire, quelle que soit sa nationalité, a été dépêché par le Qatar, seul pays du Golfe à entretenir de bonnes relations avec le Hezbollah en raison des liens étroits de l’émirat avec l’Iran. Parallèlement, Doha entretient des relations avec Tel-Aviv également, ce qui lui permet d’assumer le rôle de médiateur entre l’État hébreu et la République islamique, et par ricochet entre le Hezbollah et Israël, comme lors de la guerre de juillet 2006. Par conséquent, selon les sources du journal, l’émissaire qatari aurait également évoqué avec le Hezbollah l’escalade subséquente à la guerre de Gaza.

Dans un contexte similaire, Yossi Yehoshua, journaliste au quotidien israélien à très large diffusion "Yedioth Ahronoth", a estimé dans un article intitulé "le dilemme israélien du Hezbollah", que " l’appareil sécuritaire israélien a réalisé que Hassan Nasrallah peinerait à se rétracter et à ne pas mettre ses menaces à exécution surtout après être allé aussi loin dans la surenchère ". Il a cependant jugé qu’Israël peut éviter cela " en manœuvrant avec habilité ". Et d’ajouter : "Nasrallah sort ses griffes et menace d’un conflit armé, alors qu’en réalité, il ne veut pas d’une guerre, parce qu’il réalise parfaitement que ses conséquences seront extrêmement coûteuses".

Dans ce contexte, le Qatar reste le pays le mieux placé pour convaincre l’Iran que le soutien accordé par Doha au Liban et au Hezbollah pendant la guerre de 2006 ne se reproduira plus. À supposer que Doha souhaiterait apporter le même appui dispensé seize ans auparavant, elle ne pourra simplement plus le faire. Le contexte est aujourd’hui différent et il n’est pas dit que les pays du Golfe, l’Arabie saoudite en tête, qui avaient volé au secours du Liban à l’époque et aidé le pays à effacer rapidement les traces de cette guerre, réagirait de la même manière en cas de guerre entre Israël et le Hezbollah.

Dans le même ordre d’idées, il serait intéressant de s’arrêter sur les propos du commandant de la force Qods au sein des Gardiens de la révolution iranienne, le général Ismail Qaani, qui avait récemment déclaré que "les combattants du Hezbollah prévoient de porter le coup de grâce à l’entité sioniste au moment opportun, et de rayer Israël de la carte". Ces propos sont à inscrire également dans le cadre d’une solidarité verbale avec le Jihad islamique, mais aurait pavé la voie à un cessez-le-feu qui a mis fin à trois jours de combats entre Israël et le Jihad islamique. En outre, le fait que le Hamas, qui contrôle la bande de Gaza, soit resté à l’écart des combats, est un facteur qui a limité l’étendue et la durée du conflit.

Ceci étant dit, il serait illusoire de présumer que la guerre de Gaza sera la dernière du genre. De même, il est évident que cette guerre, qui n’est qu’une bataille dans le cadre du sempiternel conflit qui oppose Israël aux Palestiniens, a servi de vecteur pour transmettre un message précis à Téhéran, le soutien fort du mouvement islamiste. Ce message vise à rappeler qu’il serait préférable de dépasser la colère qui a suivi la frappe préventive menée par Israël, et qui a infligé des pertes importantes au bras militaire de l’Iran en Palestine. Un message adressé notamment au Hezbollah, qui représente l’atout majeur de Téhéran et de son projet expansionniste, pour qu’il contrôle ses pulsions belliqueuses afin d’éviter un scenario semblable à celui de Gaza.