Dans un entretien accordé à Ono-dit-Biot, publié par Le Point le 14 août dernier, Amin Maalouf, de l’Académie Française, évoque l’agonie de son pays natal, le pays du Cèdre. Il s’arrête longuement et amèrement sur les propos prononcés par le Général De Gaulle, en 1965 à propos du Liban : « Nation indépendante, prospère et cultivée ». Parlant des facteurs multiples qui auraient mené son pays natal sur son lit de mort, Amin Maalouf affirme sans détour : « […] je désignerais sans hésiter le confessionnalisme ». Comme tentative de sauvetage du pays en détresse, il préconise dès lors une tutelle internationale temporaire, au nom de la solidarité humaine, semblable au secours qu’on doit porter à toute personne en danger.
La proposition d’Amin Maalouf, réclamant une tutelle internationale sur le Liban, est infiniment plus réaliste et sage que les petites guerres, misérables et indigestes de cette campagne présidentielle qui n’augure rien de bon. Ce ne sont, hélas, que, borborygmes bruyants qui se résoudront en flatulences verbales sonores sans conséquences désastreuses pareilles à l’explosion sur le port de Beyrouth. Les paroles d’Amin Maalouf font mal, très mal, au cœur. Elles interpellent le citoyen moyen qui ne parvient pas à croire que son pays est devenu une mosaïque d’entités de non-droit où sévissent des meutes de charognards, des hardes de fauves carnassiers, des essaims de rapaces et de noirs corbeaux qui couronnent les bâtiments de Beyrouth comme des guirlandes de mort.
La bataille présidentielle bat son plein nous disent les media. Deux vedettes principales se dégagent, que j’appellerai Perlin et Pinpin. L'un et l'autre font partie de la cour du guide suprême de la république libanaise, si tant est que cette dernière existe encore. Récemment, un député de fraîche date a déclaré que les chances de voir Perlin trôner à Baabda sont nulles à 99,99% alors que celles de son rival Pinpin battent tous les records et atteignent 100% de la probabilité nulle. Ainsi, il existerait une marge de manœuvre de 0,001% que laisserait le guide suprême à d’autres figures chrétiennes, choisies au sein de la communauté maronite. Amusez-vous avec ces figures si cela vous chante, le reste j’en fais mon affaire, semble dire le maître de ballet de la ménagerie politicienne libanaise. On entend parler d’un Tintin et d’un Rin-Tintin éventuels. Certains se prennent même pour Tarzan capable de dompter tous les King-Kong de la forêt, ou pour le Petit Poucet s’emparant des bottes de sept lieues de l’ogre. Sur toutes les chaînes de télévision, dans tous les médias, des litres de salive sont répandus pour gloser sur les chances des uns et des autres. Les observateurs, éminents politologues, amateurs assidus d’onanisme mental, se grattent les méninges pour élucider les énigmes insondables de l’ordre mondial au travers de la microscopique lorgnette politicienne libanaise.
Certains posent des questions sérieuses de géopolitique. Perlin est-il le joker de Poutine ? Que fera Biden si l’ombre de Dieu sur terre impose Pinpin ? Tarzan finira-t-il par lancer son cri célèbre avant de se jeter sur le grand gorille noir qui bave de furie haineuse devant lui ? Xi Jinping, ou Poutine, ou Macron, voire Biden lui-même, pourront-ils aider le Petit Poucet à enfourcher la grande girafe arborant les bottes de l’ogre en guise de butin de victoire ? D’autres répondent, tout aussi savamment. Oui mais, attendez, les carottes ne sont pas cuites, du moins pas encore. Songez à Vienne, la somptueuse capitale des Habsbourg où se déroulent les pourparlers sur le nucléaire iranien. Qu’adviendra-t-il de ces héros de bande dessinée si les Mollahs de Téhéran remportent le match viennois ?
Bref, du plus petit cireur de chaussures du Liban au plus infatué des observateurs, tous amateurs de diarrhée verbale, tout le monde s’inquiète sur le sort du monde déjà tristement compromis par le changement climatique et la guerre d’Ukraine que mène vaillamment le très médiatique Volodomyr de Kiev contre Vladimir de Moscou. L’identité du prochain président du simulacre de république qu’est le Liban déterminera, à coup sûr, le sort de l’ordre mondial.
On rêve dans les chaumières, on spécule dans les paroisses, les taxis et les cafés, on délire dans les talk-shows télévisés, on pontifie vertement sur les social-media. La difficulté, ou l’impossibilité, de voir aboutir ces élections présidentielles libanaises, démontrerait que leur enjeu est quasi universel aux yeux d’un peuple, pillé, dévalisé par une authentique « association de malfaiteurs » comme la définit l’article 335 du Code pénal. De plus, ce même peuple se révèle mithridatisé par de généreuses donations caritatives dont certaines relèvent du crime d’intelligence avec une puissance étrangère au sens de l’article 282 du même code. Le citoyen s’avère ne plus être capable de poser les élémentaires questions de bon sens : Un président de la république ? Pourquoi faire ? De quelle république parle-t-on ? Comment ose-t-on qualifier un non-État de la noble appellation de république ?
Le citoyen ne réalise-t-il pas que son pays n’est plus que lambeaux épars que nul ne saurait recoudre comme patchwork à défaut d’en faire une mosaïque ? Et pourtant, il continue à ruminer les mêmes commérages de concierges sur tel et tel chef de clan, qui se renouvellent, identiques à eux-mêmes, depuis pratiquement deux siècles. En 2019, l’écrivain Elias Khoury avait ébauché une herméneutique d’un de ces héros sortis des studios de Walt Disney, qu’il qualifiait de zmik ( الزْمِكّْ ) terme difficile à traduire pour dire homme de peu de considération. Malheureusement, cette catégorie de personnages est composée de légions entières de ces petits enivrés par le pouvoir qu’ils comprennent uniquement comme moyen de dominer l’autre en l’humiliant.
Toute la ménagerie dirigeante et tout l’establishment politicien sont saisis par cet accès de fièvre confinant au frisson solennel sans qu’il y ait de raison explicative satisfaisante autre que le souhait plébéien « je veux être le premier dans mon village ». Pour atteindre ce but et s’asseoir sur le trône tant convoité, il faut d’abord éliminer tout rival interne ou proche, quitte à ramper sous les bottes de n’importe quel puissant qu’on se doit d’appâter et de séduire.
A la veille du 1er septembre, date fatidique du délai constitutionnel pour élire un président, le pays est saisi par un accès fébrile semblable à celui qu’on appelle en médecine « fièvre méditerranéenne familiale », maladie héréditaire caractérisée par des poussées inexpliquées de fièvre accompagnées de douleurs abdominales et articulaires. Dans le non-État appelé Liban, les échéances constitutionnelles démocratiques sont tout juste une poussée de cette « fièvre méditerranéenne familiale » sans lésion organique démontrable. Les anglo-saxons appellent ces états cliniques « God only knows fever – GOK ». La fièvre s’empare du patient. Elle fait frissonner, elle provoque des douleurs. Et puis, l’accès se termine et tout rentre dans l’ordre de l’état antérieur. Ceci pour dire que Perlin ou Pinpin ou Tintin ou Tarzan, tout rentrera dans l’ordre voulu et jalousement gardé par la milice iranienne d’occupation du pays. L’occupant imposera son joker favori. S’il ne parvient pas, il fera des concessions, simple poudre aux yeux. Il offrira le fauteuil présidentiel à un caméléon politique suffisamment ondoyant et complaisant, afin de consolider sa position de maître absolu du pays qu’il tient à la gorge.
Certains affirment que le meilleur candidat serait indiscutablement l’actuel commandant en chef de l’armée, le général Joseph Aoun. A ce dernier nous lançons, avec l’énergie du désespoir, le cri urgent : « Mon général, restez où vous êtes, à la tête de l’armée, seule institution encore debout au milieu des décombres du pays. Ne vous laissez pas tenter par les forbans de la caste dirigeante. Ils vous émasculeront sans scrupules dès votre installation ».
« Tutelle internationale » d’Amin Maalouf ? « Conférence internationale » du patriarche Bechara Raï ? Le saut dans l’inconnu se profilera dès le 1er septembre prochain. L’heure de vérité a sonné. Les échéances constitutionnelles sont un leurre au service de l’occupant. Quand on ne peut plus assurer sa propre existence, il est impératif de s’adresser à la légitimité de l’humanité et demander de l’aide. C’est pourquoi le rôle que pourrait jouer l’armée nationale dans un tel contexte s’avère crucial, à condition que son chef actuel ne se laisse pas séduire par les manœuvres de cette « association de malfaiteurs » comme la définit l’article 335 du Code pénal.
La proposition d’Amin Maalouf, réclamant une tutelle internationale sur le Liban, est infiniment plus réaliste et sage que les petites guerres, misérables et indigestes de cette campagne présidentielle qui n’augure rien de bon. Ce ne sont, hélas, que, borborygmes bruyants qui se résoudront en flatulences verbales sonores sans conséquences désastreuses pareilles à l’explosion sur le port de Beyrouth. Les paroles d’Amin Maalouf font mal, très mal, au cœur. Elles interpellent le citoyen moyen qui ne parvient pas à croire que son pays est devenu une mosaïque d’entités de non-droit où sévissent des meutes de charognards, des hardes de fauves carnassiers, des essaims de rapaces et de noirs corbeaux qui couronnent les bâtiments de Beyrouth comme des guirlandes de mort.
La bataille présidentielle bat son plein nous disent les media. Deux vedettes principales se dégagent, que j’appellerai Perlin et Pinpin. L'un et l'autre font partie de la cour du guide suprême de la république libanaise, si tant est que cette dernière existe encore. Récemment, un député de fraîche date a déclaré que les chances de voir Perlin trôner à Baabda sont nulles à 99,99% alors que celles de son rival Pinpin battent tous les records et atteignent 100% de la probabilité nulle. Ainsi, il existerait une marge de manœuvre de 0,001% que laisserait le guide suprême à d’autres figures chrétiennes, choisies au sein de la communauté maronite. Amusez-vous avec ces figures si cela vous chante, le reste j’en fais mon affaire, semble dire le maître de ballet de la ménagerie politicienne libanaise. On entend parler d’un Tintin et d’un Rin-Tintin éventuels. Certains se prennent même pour Tarzan capable de dompter tous les King-Kong de la forêt, ou pour le Petit Poucet s’emparant des bottes de sept lieues de l’ogre. Sur toutes les chaînes de télévision, dans tous les médias, des litres de salive sont répandus pour gloser sur les chances des uns et des autres. Les observateurs, éminents politologues, amateurs assidus d’onanisme mental, se grattent les méninges pour élucider les énigmes insondables de l’ordre mondial au travers de la microscopique lorgnette politicienne libanaise.
Certains posent des questions sérieuses de géopolitique. Perlin est-il le joker de Poutine ? Que fera Biden si l’ombre de Dieu sur terre impose Pinpin ? Tarzan finira-t-il par lancer son cri célèbre avant de se jeter sur le grand gorille noir qui bave de furie haineuse devant lui ? Xi Jinping, ou Poutine, ou Macron, voire Biden lui-même, pourront-ils aider le Petit Poucet à enfourcher la grande girafe arborant les bottes de l’ogre en guise de butin de victoire ? D’autres répondent, tout aussi savamment. Oui mais, attendez, les carottes ne sont pas cuites, du moins pas encore. Songez à Vienne, la somptueuse capitale des Habsbourg où se déroulent les pourparlers sur le nucléaire iranien. Qu’adviendra-t-il de ces héros de bande dessinée si les Mollahs de Téhéran remportent le match viennois ?
Bref, du plus petit cireur de chaussures du Liban au plus infatué des observateurs, tous amateurs de diarrhée verbale, tout le monde s’inquiète sur le sort du monde déjà tristement compromis par le changement climatique et la guerre d’Ukraine que mène vaillamment le très médiatique Volodomyr de Kiev contre Vladimir de Moscou. L’identité du prochain président du simulacre de république qu’est le Liban déterminera, à coup sûr, le sort de l’ordre mondial.
On rêve dans les chaumières, on spécule dans les paroisses, les taxis et les cafés, on délire dans les talk-shows télévisés, on pontifie vertement sur les social-media. La difficulté, ou l’impossibilité, de voir aboutir ces élections présidentielles libanaises, démontrerait que leur enjeu est quasi universel aux yeux d’un peuple, pillé, dévalisé par une authentique « association de malfaiteurs » comme la définit l’article 335 du Code pénal. De plus, ce même peuple se révèle mithridatisé par de généreuses donations caritatives dont certaines relèvent du crime d’intelligence avec une puissance étrangère au sens de l’article 282 du même code. Le citoyen s’avère ne plus être capable de poser les élémentaires questions de bon sens : Un président de la république ? Pourquoi faire ? De quelle république parle-t-on ? Comment ose-t-on qualifier un non-État de la noble appellation de république ?
Le citoyen ne réalise-t-il pas que son pays n’est plus que lambeaux épars que nul ne saurait recoudre comme patchwork à défaut d’en faire une mosaïque ? Et pourtant, il continue à ruminer les mêmes commérages de concierges sur tel et tel chef de clan, qui se renouvellent, identiques à eux-mêmes, depuis pratiquement deux siècles. En 2019, l’écrivain Elias Khoury avait ébauché une herméneutique d’un de ces héros sortis des studios de Walt Disney, qu’il qualifiait de zmik ( الزْمِكّْ ) terme difficile à traduire pour dire homme de peu de considération. Malheureusement, cette catégorie de personnages est composée de légions entières de ces petits enivrés par le pouvoir qu’ils comprennent uniquement comme moyen de dominer l’autre en l’humiliant.
Toute la ménagerie dirigeante et tout l’establishment politicien sont saisis par cet accès de fièvre confinant au frisson solennel sans qu’il y ait de raison explicative satisfaisante autre que le souhait plébéien « je veux être le premier dans mon village ». Pour atteindre ce but et s’asseoir sur le trône tant convoité, il faut d’abord éliminer tout rival interne ou proche, quitte à ramper sous les bottes de n’importe quel puissant qu’on se doit d’appâter et de séduire.
A la veille du 1er septembre, date fatidique du délai constitutionnel pour élire un président, le pays est saisi par un accès fébrile semblable à celui qu’on appelle en médecine « fièvre méditerranéenne familiale », maladie héréditaire caractérisée par des poussées inexpliquées de fièvre accompagnées de douleurs abdominales et articulaires. Dans le non-État appelé Liban, les échéances constitutionnelles démocratiques sont tout juste une poussée de cette « fièvre méditerranéenne familiale » sans lésion organique démontrable. Les anglo-saxons appellent ces états cliniques « God only knows fever – GOK ». La fièvre s’empare du patient. Elle fait frissonner, elle provoque des douleurs. Et puis, l’accès se termine et tout rentre dans l’ordre de l’état antérieur. Ceci pour dire que Perlin ou Pinpin ou Tintin ou Tarzan, tout rentrera dans l’ordre voulu et jalousement gardé par la milice iranienne d’occupation du pays. L’occupant imposera son joker favori. S’il ne parvient pas, il fera des concessions, simple poudre aux yeux. Il offrira le fauteuil présidentiel à un caméléon politique suffisamment ondoyant et complaisant, afin de consolider sa position de maître absolu du pays qu’il tient à la gorge.
Certains affirment que le meilleur candidat serait indiscutablement l’actuel commandant en chef de l’armée, le général Joseph Aoun. A ce dernier nous lançons, avec l’énergie du désespoir, le cri urgent : « Mon général, restez où vous êtes, à la tête de l’armée, seule institution encore debout au milieu des décombres du pays. Ne vous laissez pas tenter par les forbans de la caste dirigeante. Ils vous émasculeront sans scrupules dès votre installation ».
« Tutelle internationale » d’Amin Maalouf ? « Conférence internationale » du patriarche Bechara Raï ? Le saut dans l’inconnu se profilera dès le 1er septembre prochain. L’heure de vérité a sonné. Les échéances constitutionnelles sont un leurre au service de l’occupant. Quand on ne peut plus assurer sa propre existence, il est impératif de s’adresser à la légitimité de l’humanité et demander de l’aide. C’est pourquoi le rôle que pourrait jouer l’armée nationale dans un tel contexte s’avère crucial, à condition que son chef actuel ne se laisse pas séduire par les manœuvres de cette « association de malfaiteurs » comme la définit l’article 335 du Code pénal.
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