Le patriarche maronite Béchara Raï a dénoncé l’obstruction de l’enquête sur la double explosion au port de Beyrouth le 4 août 2020 et appelé à la signature du projet de décret des nominations des six des dix présidents des chambres de la Cour de cassation.

Le patriarche maronite, le cardinal Béchara Raï, est revenu à la charge dimanche soir appelant à un déblocage de l’enquête sur la double explosion au port de Beyrouth, voire à une aide internationale dans l’enquête. "J’appelle à une coopération internationale avec la justice libanaise pour aider dans l’enquête sur l’explosion au port de Beyrouth", a-t-il ainsi déclaré dans une interview accordée à la chaîne télévisée al-Jadeed.

"J’ai exprimé au chef de l’État mon point de vue selon lequel il est nécessaire de signer les nominations judiciaires, mais je ne peux dévoiler à l’opinion publique sa réponse", a poursuivi Mgr Raï, affirmant que le ministre sortant de la Justice, Henri Khoury, n’a pas signé le projet de décret de nominations des six des dix présidents de chambre de la Cour de cassation, "parce qu’on lui a demandé de ne pas le faire".

Dimanche, tant le patriarche Raï que le métropolite de Beyrouth, Élias Audi, ont critiqué dans leur homélie le blocage de l’enquête. En réaction à leurs critiques, le bureau de de presse du ministère des Finances a précisé que le projet de décret en question (parvenu au ministère il y a trois mois, NDLR) avait été retiré, il y a près d’un mois, à la demande du ministère de la Justice, pour y rectifier une faille.

"L’opinion publique a estimé que le Conseil supérieur de la magistrature a nommé un suppléant au juge Tarek Bitar (chargé de l’enquête) pour lui retirer le dossier des mains, a poursuivi Mgr Raï. Cela pourrait être vrai, mais je pense que la nomination d’un suppléant a été faite dans un objectif humanitaire parce que le juge Bitar a les mains liées." Mgr Raï fait allusion aux détenus dans le cadre de l’enquête sur le port et qui n’ont toujours pas été jugés.

Un président qui rassemble

Se penchant sur le dossier de la présidentielle, Mgr Raï a affirmé que la Constitution ne prévoit pas de "vide présidentiel". "Le peuple meurt de faim, a-t-il martelé. Que les députés élisent un chef de l’État." "Les parties concernées ont été prises de court par la date de l’échéance présidentielle? s’est encore demandé Mgr Raï. Nous remercions Dieu que le président n’est pas décédé ni a présenté sa démission. Le fait de ne pas se préparer à la présidentielle est un crime. Le vide présidentiel l’est aussi."

À la question de savoir pourquoi Bkerké ne nommerait-elle pas un candidat à la présidence, Mgr Raï a affirmé que ce n’est pas à "l’Église de le faire". "Dans le temps, ils avaient fait assumer au patriarche Sfeir la responsabilité de l’effondrement au cas où il ne proposait pas des candidats à la présidentielle, a rappelé Mgr Raï. Il en avait alors proposé cinq et ils n’avaient choisi aucun d’entre eux." Il a, à cet égard, affirmé que l’ancien ministre Sejaan Azzi n’est pas le candidat de Bkerké.

Faisant valoir que "le principe du président fort ou du président le plus fort au sein de sa communauté ne l’a jamais convaincu", Mgr Raï a constaté qu’il n’y a pas de critères pour mesurer cette force. Il a ainsi rappelé que "les députés chrétiens n’ont pas été élus uniquement avec les voix chrétiennes". "Tout maronite ayant les qualifications requises peut accéder à la première magistrature, a noté Mgr Raï. Je ne pose de veto sur aucun nom." Et de marteler: "Nous voulons un président qui rassemble et qui n’a pas d’intérêts personnels. Et j’attends du chef de l’État de déployer les efforts nécessaires pour faire élire un président avant la fin de son mandat et de faire l’impossible à cet égard."

Interrogé sur l’aide des pays étrangers pour débloquer le dossier de la présidentielle, Mgr Raï a affirmé refuser "de demander aux Français ou à d’autres amis du Liban de nommer un candidat à la présidence". "Nous devons toutefois faire élire un président qui soit ami avec tout le monde pour qu’il ne reste pas seul à Baabda", a-t-il ajouté.

Réunir les Libanais

En ce qui concerne la relation entre Bkerké et le Hezbollah, le patriarche Raï a expliqué qu’elle est "tributaire de la commission mixte" formée à cet égard.

À la question de savoir s’il comptait organiser une rencontre à Bkerké, Mgr Raï a souligné qu’il ne pense pas "réunir les personnalités chrétiennes à Bkerké", mais qu’il préfère "réunir tous les Libanais"

Et Mgr Raï d’insister: "Le Liban a besoin d’une force militaire pour imposer sa souveraineté sur la scène intérieure, mais aussi extérieure face à Israël ou tout autre pays."

S’adressant aux réfugiés syriens au Liban, Mgr Raï a noté que "la première guerre leur a été imposée" et s’ils ne rentraient pas chez eux, ils s’imposent "une seconde guerre". "Vous ne pouvez pas rester au Liban aux dépens du Liban", a-t-il lancé, appelant les responsables libanais à négocier avec le président Bachar Assad s’il voulait que les réfugiés rentrent en Syrie. "S’il ne veut pas que certains d’entre eux rentrent dans le pays, les autres peuvent le faire", a encore insisté Mgr Raï.

Le dossier Moussa el-Hage

Interrogé sur le dossier de l’archevêque maronite de Haïfa et vicaire patriarcal pour Jérusalem, Mgr Moussa el-Hage, le patriarche a expliqué que le téléphone portable et le passeport lui ont été restitués. "L’armée et les forces de sécurité se chargeront de distribuer les aides", a-t-il précisé.

Rappelons que Mgr Hage a été interpellé par la Sûreté générale, le lundi 18 juillet, au poste de frontière de Ras Naqoura, après avoir franchi la frontière entre Israël et le Liban, sur instruction du commissaire du gouvernement près le tribunal militaire, le juge Fadi Akiki. Il a été relâché près de douze heures plus tard, mais des effets personnels, des médicaments et des aides de 400.000 dollars pour le Liban lui ont été confisqués.

Et Mgr Raï de conclure: "C’est la Sûreté générale qui avait, en 2006, émis une circulaire autorisant les évêques à franchir les frontière libano-israélienne. Elle doit s’y conformer. S’ils cherchent à faire des problèmes, nous sommes prêts à le faire. Mgr Hage n’ira pas à Jérusalem via la Jordanie."