La récente déclaration conjointe des ministres des Affaires étrangères des États-Unis, d’Arabie saoudite et de France sur le Liban est très claire et reflète explicitement la position de ces trois pays à l’égard de la situation libanaise, concernant notamment l’élection d’un président de la République, la formation d’un gouvernement et la mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies relatives au Liban.

L’élite dirigeante et tous ceux qui contrôlent le pays aujourd’hui ont bien évidemment pris connaissance de cette déclaration, mais ne l’appliqueront pas pour autant. Et pour cause : la décision relève entièrement du Hezbollah. En effet, alors que certains craignent le parti de Dieu, d’autres le courtisent afin de servir leurs propres intérêts.

D’ailleurs, les dirigeants actuels qui s’accrochent au pouvoir ne tiendront pas compte de la déclaration qui appelle à " la formation d’un gouvernement capable de mettre en œuvre les réformes structurelles et économiques nécessaires pour résoudre la crise politique et économique au Liban. " Par conséquent, la formation d’un nouveau gouvernement ne répondra pas à cette attente puisqu’il sera à l’image des gouvernements précédents, en d’autres termes un gouvernement qui repose sur le partage du pouvoir politique, le blocage et l’échec.

De même, exiger du gouvernement libanais qu’il se conforme aux dispositions des résolutions internationales 1559, 1701, 1680 et 2650 du Conseil de sécurité des Nations unies revient à demander au président du Conseil et à ses ministres de signer leur arrêt de mort. Il faut savoir que toutes ces résolutions touchent fondamentalement au dossier des armes du Hezbollah, à sa légitimité militaire, à son projet politique et à sa fonction, dont le but est d’assurer l’exportation de la révolution islamique iranienne et se plier à ses exigences.

D’ailleurs, le Hezbollah n’acceptera en aucun cas de soutenir un gouvernement qui appliquerait ces résolutions. La formation pro-iranienne qui s’est opposée à la résolution 2650, qui permet aux forces de la Finul de se déplacer librement dans le sud du Liban, ne tolérera en aucun cas leurs mouvements qui contrarient sa présence au sud du Litani, et n’hésitera pas à instrumentaliser la population contre les Casques bleus. Partant, qu’adviendra-t-il si un gouvernement déclarait vouloir appliquer les résolutions internationales ?

La déclaration fait également mention des caractéristiques du prochain président de la République, censé être élu dans les délais prévus par la Constitution libanaise, c’est-à-dire avant la fin du mandat du général Michel Aoun, le 31 octobre 2022. Selon les critères avancés, le futur président doit être capable de fédérer le peuple libanais et d’œuvrer avec les acteurs régionaux et internationaux pour surmonter la crise actuelle. Mais cela est-il réalisable ?

Dans les faits, le Hezbollah cherche à imposer un président qui mène la confrontation, et qui soit proche de son giron. S’il arrive à ses fins, le président en question n’aura aucun contact avec les pays du Golfe, disposés à aider au Liban, l’Arabie saoudite en tête, et ne bénéficiera certainement pas du soutien de la communauté internationale menée par les États-Unis. Par conséquent, le Hezbollah renoncera-t-il à imposer un chef d’État de son choix et permettra-t-il à un autre président de servir le pays et le peuple ?

En somme, il ressort de ce communiqué que les trois puissances rejettent toute vacance présidentielle et refusent que les prérogatives de la présidence soient confiées au gouvernement. Les États-Unis, la France et l’Arabie Saoudite ont défini un plan de sortie de crise. Cependant, cela requiert l’adhésion des acteurs libanais aux exigences de ces trois puissances, dont l’objectif est de neutraliser l’axe obstructionniste et ses symboles qui ont conduit le Liban dans l’impasse.