Le 29 septembre 1989, les députés libanais arrivaient à Taëf pour discuter et avaliser le "document d’entente nationale", connu sous le nom d’accord de Taëf, à la suite duquel René Moawad avait été élu président de la République, le 5 novembre de la même année.

Le 29 septembre 2022, soit exactement trente-trois ans plus tard, le député Michel Moawad obtient 36 voix lors de la première séance parlementaire consacrée à l’élection d’un président de la République, alors que son père René Moawad avait obtenu 35 voix au cours de la première séance tenue à cet effet en 1989.

Est-ce une simple coïncidence qu’à une voix près, le décompte soit quasi identique en dépit des décennies qui séparent les deux scrutins? Quel enseignement faut-il tirer du ralliement des députés souverainistes autour du nom de Michel Moawad, si ce n’était l’adhésion à un candidat souverainiste par excellence?

Force est de souligner que depuis l’époque du rassemblement de Kornet Chehwane jusqu’à aujourd’hui, Michel Moawad n’a jamais dérogé à la ligne souverainiste qu’il avait adoptée. Une trajectoire qui lui a d’ailleurs coûté les élections législatives de 2009, lorsque le courant du Futur l’a lâché en donnant des consignes de vote en faveur de son rival, issu au camp du 8 Mars!

Michel Moawad ne s’est pas démonté pour autant, allant même jusqu’à vendre une grande partie des biens hérités de son père afin de garder ses portes grandes ouvertes. Par ailleurs, ce que peu de gens savent c’est qu’il a dû se rendre en Amérique du Sud, après avoir perdu les élections législatives, pour tenter de redresser sa situation et exercer son métier d’avocat, sa formation première. Une démarche qu’il n’aurait pas été acculé à faire s’il avait fait partie de ceux qui s’étaient enrichis en profitant du contexte des élections.

Par ailleurs, le député n’a pas hésité à démissionner de son siège parlementaire en 2019, préférant l’action auprès des souverainistes et des forces du changement aux atermoiements qui prévalaient à l’époque. C’est que Michel Moawad ne s’est jamais détourné du 14 Mars et de la révolution du Cèdre. Preuve en est, l’accord avec les blocs souverainistes ne s’est pas fait attendre et s’est concrétisé par leurs votes en sa faveur.

Les forces du 8 Mars, quant à elles, n’ont pas réussi le rapprochement tant espéré entre leurs alliés, le chef des Marada Sleiman Frangié, et celui du CPL Gebran Bassil. Partant, elles ont opté pour le vote blanc comme porte de sortie lors de cette séance électorale, laquelle a reflété leurs divisions et leur manque de contrôle de la situation.

Compte tenu de ce qui précède, quel sera le cap pour la prochaine étape?

Il serait d’abord pertinent de relever qu’il y a un avant et un après 29 septembre. Michel Moawad s’est avéré être un candidat on ne peut plus sérieux. Dans ce contexte, les propos entendus ici et là au sujet de cette première séance qui aurait servi à "griller" certains noms sont pour le moins infondés. Ceux qui avancent de telles assomptions ignorent la nature même de l’élection présidentielle au Liban. À cet égard, le président Élias Sarkis a-t-il été grillé en 1970? Ou encore le président Élias Hraoui après la séance de Kleiate en 1989?

Michel Moawad a tissé des liens politiques allant de Washington jusqu’à Riyad. Cependant, ses relations n’ont jamais pris le dessus sur son sens patriotique. Lorsque son père René Moawad a été assassiné, Michel avait dix-sept ans. Cela ne l’a pas empêché d’être visionnaire, rationnel et prudent, comme son géniteur. Sans compter d’autres qualités qu’il a dû hériter par ailleurs. Ne dit-on pas tel père, tel fils? René Moawad était un chehabiste invétéré, un homme qui respectait les institutions, les lois et la Constitution à la lettre, comme le président Fouad Chehab se plaisait à le rappeler. Cette caractéristique, commune avec son père, serait probablement l’atout le plus marquant de Michel Moawad.