A travers son déplacement dans la banlieue sud de Beyrouth, l’ambassadrice des Etats-Unis a voulu transmettre un double message politique et culturel. 

La visite de l’ambassadrice des Etats-Unis Dorothy Shea mercredi au siège du Conseil supérieur chiite dans la banlieue sud où elle s’est entretenue avec le vice-président de cette instance, le cheikh Ali el-Khatib, constitue un véritable événement politique compte tenu de son timing et de sa portée symbolique et politique, notent des sources chiites proches du dossier. Il s’agit en effet du deuxième déplacement de la diplomate américaine seulement dans la banlieue sud de Beyrouth, après sa participation à la cérémonie d’adieu à Lokman Slim en février 2021 au domicile de l’écrivain, éditeur et militant politique, opposant au Hezbollah, assassiné dans des circonstances toujours non élucidées par la justice libanaise, alors que tous les indices pointent du doigt la responsabilité du parti chiite dans cet acte.

Mme Shea a tenté de souligner au cours de la rencontre l’autorité de référence que constitue le Conseil supérieur chiite, en pleine querelle entre le président de la Chambre Nabih Berry et le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah sur l’identité du successeur du cheikh Abdel Amir Kabalan, disparu en septembre 2021, à la tête de cette instance.

Le Hezbollah voulait imposer le mufti jaafari, le cheikh Ahmad Kabalan, fils de Abdel Amir Kabalan, qui était passé à l’attaque ces derniers mois en présentant ses lettres de créance au parti chiite à travers des positions en flèche contre le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, le président des Forces libanaises, Samir Geagea, ou le chef du parti Kataëb, Samy Gemayel.

Le mouvement Amal souhaitait voir le vice-président du Conseil, le cheikh Ali el-Khatib, nettement plus pondéré, succéder au cheikh Kabalan.
Le conflit autour de l’identité du successeur de Abdel Amir Kabalan a paralysé les réunions de l’instance chargée d’élire ce dernier.

La visite de l’ambassadrice intervient après le règlement de ce conflit en faveur du cheikh Ali Fadlallah, soulignent des sources bien informées, fils de l’uléma Mohammad Hussein Fadlallah, dignitaire religieux connu pour son ouverture d’esprit et sa modération, et dont l’autorité de référence se trouve à Najaf, en Irak, et pas à Qom, en Iran.

La querelle entre les deux partis chiites était montée d’un cran à la suite des événements de Tayyouné-Aïn el-Remmané le 14 octobre 2021, le Hezbollah s’appropriant les six victimes du mouvement Amal dans le cadre d’une escalade politique contre ses opposants politiques, tandis que le parti de M. Berry adoptait une ligne plus conciliatrice en laissant la justice suivre son cours.

C’est dans ce contexte que se situe la visite de Mme Shea dans la banlieue sud de Beyrouth, fief du Hezbollah, celui d’aller à la rencontre d’une autorité chiite en passe de relever de Najaf et de la wilayet el-umma pluraliste, et pas de Qom et de la wilayet el-faqih despotique.

Le parti chiite, lui, s’est muré dans le silence, comme il l’avait en février dernier lors de l’adieu à Lokman Slim.