J’aurais tant aimé débattre avec lui des secrets de sa motivation, de son engouement, de sa passion, des motifs de sa conduite simple et sans recours en apparence, mais tellement empreinte de questionnements et d’incertitudes.
Gebran avait le don merveilleux d’afficher une attitude en totale harmonie avec ses principes, qui pouvait donner l’impression d’une rigidité à toute épreuve, digne d’un paramilitaire, d’un serviteur de l’ordre, d’un homme de droite.
En réalité c’était un rêveur, un vagabond, un enfant, aux grands yeux ouverts sur un monde qu’il avait de la peine à cerner, à comprendre et à apprécier.
C’était aussi un rebelle, un révolté qui vouait une admiration sans bornes pour le “Che“ et une haine sans limite pour la dictature.
Sa profonde solitude me déroutait. Sa solitude issue de sa douleur, de ses drames familiaux et de ses séparations forcées.
Sa recherche des goûts des senteurs et des sensations de l’enfance n’était qu’une volonté d’enracinement dans ce passé glorieux, dans cet enchantement à fleur-de-peau, dans ce bonheur qui file entre les doigts comme un voleur de ruelles obscures.
Son patriotisme authentique sincère était aussi le reflet de cette volonté indélébile d’être planté là dans ce pays où il fait si bon vivre malgré tout.
Car Gebran était planté là, dans cette terre, dans ce lieu unique au monde que Feyrouz a chanté sur des mots de Said Akl : “Prends-moi, plante-moi dans la terre du Liban, près de la maison qui veille sur la colline, ouvre la porte et embrasse les murs, agenouille-toi sous le plus beau ciel… et prie… “