À moins d’une semaine de la fin du mandat du président Michel Aoun, le blocage gouvernemental reste total en dépit des efforts soutenus menés par le directeur de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, pour rapprocher les points de vue entre le chef de l’État et le Premier ministre désigné, Najib Mikati. Une mission presque impossible étant donné les enjeux pour l’un et pour l’autre.

Dans l’entourage du président de la République, on affirme qu’il n’est pas question de laisser dire, après le départ de Michel Aoun de Baabda, que ce dernier a livré le pays à Nabih Berry (président de la Chambre et chef du mouvement Amal), et à Najib Mikati, si jamais la présidentielle n’a pas lieu dans les délais constitutionnels, soit avant le 31 octobre. C’est, dit-on, la raison pour laquelle M. Aoun et son gendre, le chef du CPL, qui se préparent d’ores et déjà au vide institutionnel vers lequel le pays semble se diriger à grands pas, insistent pour la formation d’un gouvernement doté des pleins pouvoirs. Un gouvernement qu’ils veulent "représentatif et équilibré, surtout qu’il ne s’agit pas cette fois d’un Cabinet ordinaire". "Celui-ci sera amené à assumer les prérogatives du chef de l’État, ce qui exclut toute possibilité de faire des concessions au niveau de ces deux concepts", répète-t-on inlassablement à Baabda. L’explication, fournie par des proches du président, cache surtout une volonté d’avoir la part du lion en termes de représentativité au sein de l’équipe dirigée par Najib Mikati qui refuse de laisser le camp présidentiel avoir le contrôle d’un gouvernement appelé à prendre des décisions cruciales pour l’avenir du pays. Pour le Premier ministre désigné, il est important qu’aucune partie ne puisse avoir la minorité de blocage au sein de son équipe, compte tenu de la gravité de la situation dans le pays.

En dépit de ce schéma peu rassurant, d’aucuns essaient d’entretenir un climat positif en soutenant que les efforts déployés par le général Abbas Ibrahim ont bien progressé. Ils reconnaissent cependant qu’ils restent insuffisants pour faciliter la mise en place d’une nouvelle équipe ministérielle. Selon ces sources, ce que Abbas Ibrahim tente de réaliser, c’est de "parvenir à un partenariat constitutionnel complet et consenti entre le président de la République et le Premier ministre désigné, de sorte à ne léser aucune des deux parties". Mais, même si le directeur de la SG réussit à venir à bout des exigences du camp présidentiel, il aura à aplanir un autre obstacle, celui du refus de Gebran Bassil d’accorder la confiance à un gouvernement qui assumera des prérogatives présidentielles, surtout si celui-ci ne répond pas à ses vœux. Il s’agit, rappelle-t-on, d’une carte que le chef du CPL joue pour essayer d’obtenir des acquis au niveau du dossier de la présidentielle.

En attendant un hypothétique dénouement, les proches du président s’efforcent toujours de faire assumer à Najib Mikati l’entière responsabilité du blocage et mettent en avant les nombreuses échéances, les unes plus cruciales que les autres, que l’Exécutif est appelé à gérer et à régler: la détérioration de la situation socio-économique, la dynamisation des institutions sécuritaires, judiciaires et autres, à travers des nominations qui se font attendre, les dossiers relatifs à la démarcation des frontières maritimes et à l’exploration gazière et pétrolière offshore, ou encore les réformes qu’il faudra, selon les proches du président, lancer sans plus tarder. Bref, tout ce que le mandat n’a pas réalisé ou a empêché de se réaliser durant le début de la crise, en 2019.

Dans le même ordre d’idées, ils accusent indirectement Najib Mikati de ne pas se conformer à l’accord de Taëf, en estimant, pour tenter de justifier leur insistance à imposer leur volonté au Premier ministre désigné, que "le partenariat" qu’ils préconisent au niveau de la formation du gouvernement, est "la base principale" de cet accord. Pour eux, les Libanais ou les non-Libanais qui font fi de ce principe sont ceux qui chercheraient à obtenir un amendement du document d’entente nationale.

Autant de prétextes pour justifier un blocage que Abbas Ibrahim et le Hezbollah essaient de régler. Entre-temps, nombreux sont ceux qui commencent à se préparer à l’éventualité d’un vide, dont Nabih Berry qui n’exclut pas, selon ses proches, de convoquer un dialogue ou d’organiser des concertations informelles, une fois le mandat Aoun terminé, pour tenter de dégager une entente autour d’un candidat à la tête de l’État et d’une feuille de route pour l’étape qui va suivre.