Monica Borgman, veuve de l’opposant chiite Lokman Slim assassiné le 4 février 2021 dans une région contrôlée par le Hezbollah, a remporté le Prix franco-allemand des droits de l’Homme et de l’État de droit, récompense décernée chaque année par les ministères des Affaires étrangères allemand et français depuis 2016. Ce Prix lui a été décerné le 10 décembre, date anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, ratifiée le 10 décembre 1948. Ce Prix est décerné à des personnalités du monde entier reconnues pour leur rôle éminent et actif dans la défense des droits de l’homme dans divers domaines de travail.

Monica Borgman, journaliste, cinéaste et directrice du Centre Umam de documentation et de recherche, qu’elle a cofondé avec Lokman Slim, a une riche carrière dans ce domaine, commençant par son travail de journaliste dans les années 1990 sur des sujets tournant autour de la mémoire et les multiples formes de violence. Elle a notamment interviewé l’Algérien Saeed Mokbel avant son assassinat. Elle est l’auteur dans ce cadre de divers documentaires qui soulèvent les sujets les plus controversés et les plus durs.

Le film Massacre (2005) réalisé par Monica, Lokman Slim et Hermann Thyssen, documente les témoignages en direct d’un certain nombre de meurtriers qui ont commis le massacre de Sabra et Chatila en 1982.

Quant à Palmyra (2016), réalisé par Monica et Lokman Slim, il est l’aboutissement de leur travail commun pour construire le Forum du Moyen-Orient pour les affaires pénitentiaires. Ce film dépeint la vie des détenus libanais dans la prison syrienne Tadmor, où d’anciens prisonniers reconstruisent leur lieu de détention et les outils sadiques de torture qui sont le produit du régime Assad.

La création en 2005 de l’association Umam pour la documentation et la recherche est le point culminant de la vision commune à laquelle Monica et Lokman Slim croyaient conjointement. L’objectif de l’association réside dans le fait que le seul moyen d’échapper à l’histoire passe par la documentation et la reconnaissance des faits. Depuis, la fondation Umam a mené un mécanisme d’archivage et de documentation qui a abouti à la mise sur pied d’une immense archive qui a été placée à la disposition du citoyen. Préserver une telle mémoire, avec ses détails collectifs ou individuels, apparaît comme un besoin fondamental dans un pays comme le Liban dont l’histoire est suspendue depuis la guerre civile et même avant.
Suite à l’assassinat de Lokman Slim, une fondation portant son nom a été créée et qui porte sur les assassinats politiques. C’est là que Monica poursuit son combat pour définir et entreprendre des recherches sur un problème qui ravage les sociétés de la région, afin de construire un système judiciaire juste et transparent qui punirait les assassins de Lokman ainsi que de centaines d’autres victimes d’assassinats politiques au Liban et dans le monde arabe.

Des personnalités internationales et arabes ont déjà remporté le même Prix franco-allemand précité, parmi lesquelles, l’avocate iranienne Nasrin Sotoudeh, la journaliste russe Elena Milashina et le défenseur syrien des droits humains Anwar al-Bunni.