L’ancien député de Jbeil et porte-parole du Rassemblement Saydet el-Jabal, Farès Souhaid ne cache pas ses appréhensions de voir le Liban se transformer en pays satellite iranien, légitimé par le mandat du président de la République, Michel Aoun.

Farès Souhaid, ancien coordinateur général des forces du 14 Mars, a fait l’objet d’une plainte déposée par le député hezbollahi Ibrahim Moussaoui, il y a plus d’un an, pour  " atteinte au sentiment national ", " excitation des instincts sectaires et racistes ", " tentatives de semer la discorde confessionnelle ", " informations erronées ", " diffamation " et " incitation à la guerre civile " à la suite de la publication de deux tweets en date du 6 et du 18 septembre 2020, pointant du doigt la responsabilité du Hezbollah dans l’explosion survenue au port de Beyrouth, le 4 août 2020. M. Souhaid devait être entendu hier lundi au Palais de justice de Baabda, avant que l’audience ne soit reportée en raison d’une grève des assesseurs judiciaires.

Cependant, le Hezbollah a déposé mardi après-midi une nouvelle plainte contre Farès Souhaid  " et toute personne pointée du doigt par l’enquête  " devant le Parquet près la Cour d’appel du Mont Liban pour  " agression contre un avocat dans l’exercice de ses fonctions " ,  " incitation à la discorde sectaire " ,  " diffamation  " et  " atteinte au sentiment religieux " . La plainte, qui a été déposée par l’avocat Rida Mortada, membre du rassemblement des avocats du Hezbollah, par le biais de son avocat, Ghassan el-Maoula, fait suite à une altercation verbale mineure entre Rida Mortada et l’une des manifestantes présente lundi matin à Baabda pour soutenir M. Souhaid, lors de sa comparution devant la justice. La procureure générale près la Cour d’appel du Mont Liban, Ghada Aoun, a demandé l’ouverture d’une enquête. En réponse à la seconde plainte déposée contre lui, M. Souhaid s’en est pris directement au parti chiite en lui adressant un message clair sur Twitter " Je n’ai pas peur de vous ".

Menaces du Hezbollah

L’ex-pionnier de Kornet Chehwane, souvent menacé par le parti chiite, se retrouve pourtant à découvert pour la première fois de sa vie politique. " Ce parti qui a intenté un procès contre moi, n’a pas seulement des gens qui le soutiennent, mais aussi des ennemis régionaux. Donc, n’importe quel service de renseignement ennemi au Hezbollah peut aujourd’hui, à partir de cette plainte, m’agresser, me tuer, me liquider, et faire porter le chapeau au Hezbollah ".

L’ancien député de Jbeil accuse le Hezbollah de mener des combats dans la région pour le compte de l’Iran. En effet, M. Souhaid pointe le parti chiite du doigt, en affirmant que ce dernier " essaye de faire du Liban un pays satellite de l’Iran aux dépens de la convivialité islamo-chrétienne ". Il explique aussi qu’ "un troc " est mis en place, entre Téhéran et le Hezbollah, basé sur un principe " donnant-donnant ", afin de servir les intérêts iraniens au Liban et dans la région. D’ailleurs, M. Souhaid va plus loin dans son explication et précise que les éléments du Hezbollah sont Libanais mais que les ordres de ce dernier proviennent directement d’Iran.

Un parti qui se veut libanais

" Je fais partie de ce groupe de Libanais qui ne croit pas au récit “hezbollahi” selon lequel ce parti serait le protecteur du pays, et de surcroît des chrétiens”. Cette affirmation met en exergue la fervente conviction de Souhaid relative à une occupation iranienne du pays et sa volonté de dénoncer le beau rôle que tente de jouer le Hezbollah, en se faisant passer pour un parti issu du tissu social libanais. D’ailleurs, l’ancien député de Jbeil accuse le président de la République de couvrir la présence d’armes illégales et iraniennes appartenant au Hezbollah. “Une grave erreur a été commise par le général Aoun et par le CPL (Courant patriotique libre) qui est celle d’assurer- à partir de leur position de maronite et de chrétien- une légitimité ‘chrétienne communautaire nationale’ aux armes illégales”.
Selon M. Souhaid, le président Aoun aurait conclu un troc avec le Hezbollah, qui " a cassé le Liban et brisé la convivialité islamo-chrétienne” et placé les chrétiens, et plus particulièrement les maronites, dans un cercle de méfiance à l’égard de l’Islam et des sunnites de la région et du monde. Plus encore, l’ancien coordinateur des forces du 14 Mars ajoute que “l’Histoire du Liban ne commence pas avec Hassan Nasrallah et ne finira pas avec lui”, car ce narratif de protecteur des minorités que le Hezbollah avance aux Libanais est caduc.

M. Souhaid précise aussi que “personne ne peut, dans une société plurielle comme le Liban, marginaliser une communauté au profit d’une autre ; et aucune communauté ne peut établir son hégémonie sur les autres”.

Le président Aoun doit démissionner

La démission du chef de l’État est jugée nécessaire par M. Souhaid, qui lance un appel aux partis traditionnels chrétiens afin qu’ils se démarquent de son positionnement en faveur de l’Iran. Et d’ajouter : “Si Michel Aoun représente une partie des chrétiens qui soutiennent l’occupation iranienne du pays, il est de notre responsabilité, nous, personnalités politiques indépendantes et partis traditionnels de dénoncer cette mainmise”.

M. Souhaid souligne aussi que le projet dit de " l’alliance des minorités " n’est pas représentatif de la volonté libanaise. Il clarifie sa position en disant qu’“il faut dire au monde arabe, à l’Islam et au monde entier, qu’il y a probablement des Chrétiens qui croient en l’alliance des minorités et au troc du pouvoir aux dépens de la souveraineté du pays et de leur indépendance ; mais qu’il y a aussi des chrétiens qui refusent ce troc et cette alliance des minorités et qui refusent d’assurer une légitimité à des armes illégales iraniennes”.