Le Premier ministre Najib Mikati hésite toujours à convoquer une session du conseil des ministres. Il justifie ses réticences en affirmant qu’il tient à éviter le boycott de la prochaine séance ministérielle par les ministres du tandem Amal/Hezbollah. Ces deux partis exigent toujours d’écarter le juge Tarek Bitar de l’enquête sur l’explosion dans le port de Beyrouth.

Alors que les pourparlers franco-saoudiens du président français, Emmanuel Macron, et du prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane, à Djeddah le 3 décembre ont fourni au Liban l’occasion de normaliser un tant soit peu les relations avec l’Arabie saoudite qui représente la pierre angulaire de l’aide étrangère à ce pays, le Hezbollah continue d’adopter une attitude dédaigneuse à leurs égards.

De ce point de vue, il convient de rappeler que selon des sources dignes de foi, deux heures avant l’appel téléphonique de Djeddah, M. Mikati avait effectué une série d’appels au préalable avec le président de la République, le président du Parlement ainsi que Hussein al-Khalil, conseiller politique du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qu’il a informés des développements en cours avec l’Arabie saoudite. Dès lors, le Hezbollah était mis dans la confidence de la réunion de Djeddah.

Cela n’a pas empêché le parti de Dieu de camper sur ses positions et d’attaquer ouvertement la déclaration conjointe publiée à l’issue de la réunion saoudo-française, la qualifiant de "déclaration de guerre".

Selon la déclaration conjointe publiée par le président Macron et le prince Mohammed ben Salmane, pour que les relations libano-saoudiennes reviennent à des conditions normales, il faudrait que "le gouvernement libanais mette en œuvre des réformes globales, en particulier l’engagement envers l’accord de Taëf qui a parrainé l’unité nationale et la paix civile au Liban". D’autre part, les réformes devraient inclure les secteurs des finances, de l’énergie, de la lutte contre la corruption et du contrôle des frontières, ainsi que "la nécessité de limiter les armes aux institutions étatiques légitimes. Enfin, il faudrait que le Liban ne soit ni le point de départ d’actes terroristes qui déstabilisent la sécurité et la stabilité de la région, ni une source de trafic de drogue".

Dans ces circonstances, l’appel lancé hier par le président Michel Aoun pour la tenue d’un conseil des ministres, "même s’il est boycotté", ne peut être qu’un coup d’épée dans l’eau. Le président Aoun n’a pas caché dans son discours devant la délégation de l’ordre des rédacteurs de presse qu’il restera au palais après la fin de son mandat l’année prochaine, sous prétexte que "si les élections n’ont pas lieu et que le gouvernement démissionne, je ne laisserai pas le pays dans le vide"!

Dans ce cas, que compte faire le Premier ministre Mikati, coincé entre les ambitions présidentielles du président Aoun et l’intransigeance arrogante du Hezbollah qui entraine le Liban de plus en plus dans l’abime? Tout indique que le Premier ministre restera au Sérail en tant que Premier ministre sans réunion du cabinet.
Le Liban est à l’agonie. La priorité est à la mise en œuvre des réformes fondamentales qui permettraient de paver la voie à une sortie de crise et de "faciliter le soutien au pays du Cèdre dans ces circonstances pénibles qu’il traverse à tous les niveaux. Comment le gouvernement peut-il "mettre en place des réformes de fond", s’interroge M. Mikati, alors qu’il est incapable de reprendre ses séances?

Cette situation de Catch 22 où un problème pour lequel la seule solution est refusée par une circonstance inhérente au problème est bien celle du Liban d’aujourd’hui.

 

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