La situation des réfugiés syriens au Liban devient plus problématique au vu d’informations non officielles sur des rapports de sécurité selon lesquels 90% des crimes au Liban seraient commis par des Syriens. Ces informations ont été publiées alors que les forces de sécurité procédaient à l’interpellation de deux jeunes Syriens accusés d’avoir poignardé à mort un garçon de 17 ans dans un village du Liban-Sud.

En réaction au crime, les habitants du village ont expulsé tous les individus de nationalité syrienne qui y résident. Si l’État libanais et, avec lui, la communauté internationale ne s’appliquent pas à trouver une solution au problème représenté par les quelque deux millions de réfugiés venus du pays voisin et répartis sur la totalité du territoire libanais – dans des conditions de vie déplorables qui les affectent tout autant que leurs hôtes libanais –, cet incident ne sera indubitablement pas le dernier de cette nature.

D’ailleurs, ce problème refait surface chaque fois qu’une nouvelle crise se déclare. À titre d’exemple, lors de la pénurie de pain, il y a de cela quelques mois, le ministre des Affaires sociales du gouvernement sortant, Hector Hajjar, avait déclaré que "le Liban subventionne le pain pour les réfugiés syriens à raison de 9 millions de dollars par an."

Quant à son collègue à l’Économie Amine Salam, il avait assuré que "le blé se vend au marché noir et fait l’objet d’un trafic en direction de la Syrie". Selon lui, "les réfugiés syriens vivant au Liban consomment environ 400.000 miches de pain par jour, soit 40% à 50% du blé importé."

La présence des réfugiés affecte également l’économie et les infrastructures libanaises. Les crises de l’eau et de l’électricité seraient ainsi aggravées par le poids sur la consommation du nombre des réfugiés syriens, ce qui pénalise encore davantage les Libanais. Parallèlement, les Syriens constituent pour les Libanais une concurrence à tous les niveaux sur le marché du travail. En effet, non seulement ils représentent une main d’œuvre moins chère, ils acceptent aussi des salaires inférieurs à ceux que touchent normalement les Libanais.

Alors que l’impact de la crise des réfugiés sur le Liban ne fait aucun doute, certains en profitent et vont même jusqu’à en faire usage comme levier pour faire prévaloir leurs intérêts.

Cet opportunisme ne se limite pas aux questions sécuritaires, sociales et économiques. Un camp politique dans son ensemble prépare des dossiers montés de toutes pièces, évoquant le spectre de "l’implantation" et jouant sur la fibre communautaire et confessionnelle. Ainsi, ils attisent la peur des chrétiens quant à leur situation démographique et profitent du chaos généré par la crise des réfugiés syriens pour promouvoir le fédéralisme confessionnel dans le pays.

Quant à l’État, il brille par son apathie et ne propose aucune solution sur les plans économique, législatif ou sécuritaire pour pallier ce problème. Force est de constater d’ailleurs que le chaos régnant et voulu sur les frontières, régies exclusivement par l’axe iranien, rend impossible tout contrôle du marché du travail, et empêche de donner la priorité à la main d’œuvre libanaise. Bien plus encore, le dossier des réfugiés syriens est instrumentalisé pour faire pression à l’intérieur du pays, avec le racisme comme canevas jouant autant en sa faveur qu’en sa défaveur. En l’absence de régulations visant à gérer la présence des réfugiés, loin de l’ignorance et de la pauvreté qui caractérisent leur environnement, la situation fait figure désormais d’une bombe à retardement à l’intérieur du pays.

Les réfugiés sont à présent acculés à un choix difficile: la crise économique qui dévaste le Liban depuis 2019 fait que les opportunités de travail se font de plus en plus rares, et que les aides alimentaires ne suffisent plus. En outre, l’assistance financière qui leur était octroyée a été réduite et même, dans certains cas, annulée depuis 2021. En Syrie, le paysage économique n’est guère plus reluisant.

Il n’en demeure pas moins que la décision de maintenir les réfugiés syriens au Liban semble exploitée dans le cadre de tractations politiques, faisant d’eux des victimes de marchés conclus afin de faciliter leur retour chez eux, ou même de les relocaliser dans des pays d’accueil, en vue de servir des intérêts locaux, régionaux et internationaux qui les placent dans un bazar froid et impitoyable dont l’issue demeure la grande inconnue.

À leur tour, les Libanais ignorent toujours l’envergure de cette crise, eux-mêmes prisonniers d’un État qui se retourne contre son peuple, et victimes d’une communauté internationale qui perçoit Libanais et Syriens comme produits à troquer.