Alors que les commissions parlementaires conjointes ont recommencé jeudi à plancher sur le projet de loi sur le contrôle des capitaux, deux propositions de loi complémentaires et longtemps attendues sont arrivées Place de l’Étoile : la restructuration des banques et la régularisation financière. De ces trois textes dépend en grande partie le sort de l’argent des déposants.

Après plus de trois semaines de vacances, et lors de leur première réunion cette année, les commissions parlementaires mixtes ont poursuivi l’examen du projet de loi portant sur le contrôle des capitaux.

Alors que les débats autour de ce document ont repris calmement, deux autres textes de loi qui lui sont directement liés sont arrivés Place de l’Étoile, après avoir été longtemps réclamés par les députés. Il s’agit des propositions de loi relatives à " la restructuration des banques ", et à " la régularisation financière " ou en d’autres termes la répartition des pertes. Leur étude en commissions devrait prochainement être entamée.

" Mieux vaut tard que jamais ", ont estimé de nombreux députés, relevant quand même que ces deux autres textes auraient dû être examinés avant le projet de loi sur le contrôle des capitaux.

Les deux textes auraient en effet dû être transmis à la Chambre par le gouvernement. Mais ayant tardé à être finalisés par le Cabinet, devenu un gouvernement d’expédition des affaires courantes dans un contexte de vacance présidentielle, une solution qui consiste à contourner les procédures a été trouvée. Les textes ont ainsi été soumis au Parlement sous forme de propositions de loi, par des députés considérés proches du Premier ministre sortant Najib Mikati, notamment Georges Bouchikian et Ahmed Rustom.

Leur arrivée, même si elle est très tardive, a été bien accueillie Place de l’Étoile, surtout par les blocs et députés qui considéraient que l’adoption de la loi sur le contrôle des capitaux (débattue au Parlement depuis des mois) indépendamment de ces deux autres textes, mettrait en danger l’argent des déposants bloqué dans les banques.

Plusieurs députés, notamment Ragy el-Saad et Michel Moawad, ont mené campagne pour que les trois textes soient examinés simultanément. Le vice-président du Parlement, Elias Bou Saab, sous l’égide duquel se tiennent les réunions des commissions mixtes, s’était voulu rassurant en indiquant que même si le contrôle des capitaux est approuvé en commissions avant les deux autres textes, les trois seront examinés ensemble en séance plénière.

Retraits : 800 dollars " minimum "

Photos Ali Fawaz

À l’issue de la réunion de jeudi, qui s’est tenue en présence des ministres sortants des Finances, Youssef Khalil, et de la Justice, Henri Khoury, M. Bou Saab a précisé que les députés ont approuvé les articles 5 et 6 du projet de loi. Critiquant " les associations qui prétendent défendre les droits des déposants, sans que personne ne les ait chargées de cela, et qui ont un agenda différent ", il a souligné que les députés déploient tous les efforts pour justement préserver ces droits.

L’article 5, sur les opérations de change des monnaies, a été largement amendé, et prévoit désormais la stabilisation du marché sur base du " taux réel de change ", conformément au Code de la monnaie et du crédit.

Pour ce qui est de l’article 6, Elias Bou Saab a expliqué que le texte transmis par le gouvernement devait permettre aux citoyens de retirer " au maximum " mille dollars par mois. Mais les commissions l’ont amendé, autorisant ainsi un retrait mensuel de huit cents dollars " au minimum ". Le député a précisé dans ce cadre que le chiffre de huit cents dollars a été retenu conformément à celui qui est appliqué actuellement, " et qui pourrait donc être appliqué par la suite ", a-t-il expliqué, précisant que la commission chargée de superviser l’application de cette loi peut, en vertu du texte, revoir ce chiffre en fonction de l’évolution de la situation socio-économique.

Commentant l’arrivée au Parlement des propositions de loi portant sur la restructuration des banques et la répartition des pertes, Elias Bou Saab a noté que ceux qui craignent que les anciens dépôts soient éliminés doivent s’intéresser à ces deux textes, qui sont plus directement liés à ces dépôts que le projet de loi sur le contrôle des capitaux. " Ces trois lois constituent une porte de sortie de crise pour le Liban ", a-t-il déclaré, rappelant toutefois que la priorité est d’élire un président de la République et de former un gouvernement le plus rapidement possible.

Il a enfin indiqué qu’il avait l’espoir de voir le Liban sortir de la crise actuelle, faisant état de " plusieurs idées " pour alimenter un fonds qui permettrait de rendre aux déposants leur argent, comme celle de louer les nombreux bienfonds que possède l’État après les avoir estimés à leur juste valeur. L’État doit assumer une part de responsabilité, et peut-être la plus grande part, a souligné M. Bou Saab.

Les commissions mixtes poursuivront lundi l’étude du contrôle des capitaux.

Ragy Saad : Harmoniser les lois

" Mieux vaut tard que jamais ", souligne pour sa part le député Ragy el-Saad, membre de la Rencontre démocratique, en réaction à l’arrivée des deux nouveaux textes de loi. Il relève cependant que " l’ordre de priorité aurait dû être inversé, et que le projet de loi sur le contrôle des capitaux aurait dû être basé sur les résultats de ces deux textes ".

Dans une interview à Ici Beyrouth, il prend pour exemple l’article 6 du projet de contrôle des capitaux, qui fixe le retrait " minimum " autorisé à 800 dollars par mois. " On n’est pas censé quantifier une valeur monétaire, et c’est à la commission de supervision de l’application de cette loi qu’il revient de déterminer, dépendamment de la situation économique et financière, ce que chaque banque peut faire ", relève-t-il.

M. Saad, qui aurait préféré que ces dossiers fassent l’objet d’un seul texte de loi, et non de trois, souligne qu’il est important de les " harmoniser " afin de préserver l’argent des déposants.

En tout cas, M. el-Saad, tout comme la plus grande partie des députés, de tous bords, qui ont assisté à la réunion des commissions conjointes, n’était pas très optimiste. Les parlementaires, et les Libanais en général, savent très bien que le problème économique ne sera pas résolu tant que la crise politique se poursuivra, et qu’un nouveau président ne sera pas élu. Ils savent aussi qu’au Liban, ce qui importe ce n’est pas l’approbation des lois, mais leur mise en œuvre…