Le programme expansionniste de la République Islamique d’Iran débute au Liban dès 1979. Mais son bras armé n’est constitué qu’en 1982 avec la fusion des différentes milices islamistes de l’époque. Sous le nom de Hezbollah, ce mouvement militaire iranien est déclaré officiellement en février 1985. Dès lors, ce parti radical fait connaître son programme, qui n’est " nullement celui d’une république islamique locale, mais d’un Liban faisant partie intégrante de la grande et unique République Islamique d’Iran ".
Avec la mise du pays du Cèdre sous tutelle syrienne suite aux accords de Taëf et le désarmement de toutes les autres milices, le Hezbollah peut commencer son inexorable ascension. Les années 90 lui permettent de renforcer son arsenal sous prétexte de résistance contre " l’ennemi sioniste ". Cependant, son action néfaste ne commence à être ressenti qu’à partir de 2005 lorsqu’il use directement de sa force de nuisance contre les Libanais, annonçant une longue descente aux enfers pour la population.
Le 14 février 2005 est marqué par l’assassinat du Premier ministre Rafic Hariri dans une explosion qui secoue la capitale, faisant une vingtaine de morts et plus de 200 blessés. Cet acte terroriste sera suivi d’une série d’attentats visant des hommes politiques et des journalistes tels que Samir Kassir et Georges Haoui, respectivement les 2 et 21 juin, ainsi que des tentatives contre le ministre de la défense Elias Murr le 12 juillet, et contre la journaliste May Chidiac gravement blessée le 25 septembre. L’année 2005 s’achève avec une terrible explosion qui foudroie le 12 décembre une dizaine de véhicules dont celle de Gebran Tueni à peine rentré de Paris via l’aéroport de Beyrouth, contrôlé par les services du Hezbollah iranien.
L’année 2006 est marquée également son lot de terreur avec l’assassinat le 21 novembre du jeune ministre Pierre Gemayel, tué à bout portant dans sa voiture. Les liquidations par le biais d’attentats aux explosifs reprennent aussi avec les députés Walid Eido, le 13 juin, et Antoine Ghanem, le 19 septembre 2007, ainsi que le général de l’armée, François Hajj, le 12 décembre. En 2008, le capitaine Wissam Eid, qui enquêtait sur l’assassinat du Premier ministre Hariri, est tué à son tour un 25 janvier. Aucun de ces crimes ne fut jamais élucidé.

La guerre destructrice

Parallèlement à ce carnage, le Hezbollah réussit à bloquer le gouvernement et à paralyser le pays durant 18 mois en occupant le centre ville de la capitale. Cette occupation ne s’achèvera qu’avec l’invasion de Beyrouth par les forces armées de la milice le 7 mai 2008. Les miliciens du Hezbollah conquièrent les différents quartiers de Beyrouth Ouest et se lancent à l’assaut des localités druzes sur les hauteurs. Le tout se soldera par la mainmise totale de la milice sur le système sécuritaire de l’aéroport international de Beyrouth.
On avait osé espérer un répit grâce à trois années de calme relatif, jusqu’au 19 octobre 2012, lorsque le brigadier général Wissam al-Hassan est assassiné à Achrafié. Une fois de plus, le 27 décembre 2013, c’est le ministre Mohamad Chatah qui trouve la mort avec sept autres personnes dans un scénario identique à tous les autres.
Les Libanais croient avoir vécu le pire avec cette longue série d’explosions et d’assassinats sauvages auxquels s’ajoute la guerre destructrice avec Israël que le Hezbollah impose en 2006 à tout le Liban. Mais le cataclysme est encore à venir. Cette fois-ci il va toucher, non plus des figures de la politique et de la sécurité d’Etat, mais toute la population libanaise en son cœur.
Après avoir vidé les caisses publiques alimentées avec les impôts du contribuable, la milice d’occupation s’emploie, avec la contribution de la mafia oligarchique qu’elle mit en place, à vider les comptes privés des dépositaires. Les Libanais sont dépossédés de toutes leurs économies. Des années de travail, voire des vies entières d’efforts sont réduites à néant. Et avec les fermetures de plusieurs commerces et entreprises à la suite des confinements imposés par la pandémie du Covid 19, le peuple se retrouve complètement dépouillé. Sans travail et sans argent, confinés chez eux dans le peu qui leur reste, dans leur dernier halo de sécurité, les Libanais sont atteints au cœur de leurs foyers. Tout explose, tout est soufflé, détruit, les proches, jeunes, enfants, parents, sont morts sous nos yeux.
Le Hezbollah iranien avait choisi cette partie chrétienne de la ville pour y cacher ses armes et munitions, loin des éventuelles attaques israéliennes. Fut-elle une attaque, ou un accident, il n’en demeure pas moins que l’explosion presque nucléaire a bien eu lieu. En ce 4 août 2020, le Port de Beyrouth est entièrement détruit et l’explosion souffle avec lui toute la moitié nord-est de la capitale, avec ses hôpitaux, écoles, universités, musées, galeries d’art, et la ville la plus vivante et culturelle de l’Orient. Bilan : 215 morts, 215 visages, 215 vies, 215 histoires auxquels vient s’ajouter la souffrance de 6500 blessés, et 300 000 personnes désormais sans logements.

Une milice d’occupation, sortie des temps les plus obscurs, transforme une cité méditerranéenne en champ de bataille, de sang, de larmes et de ruines. Mais pour les idéologues de la République Islamique, cela ne représente qu’un dommage collatéral et insignifiant par rapport à l’importance du projet divin qui est loin d’être à son terme.

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