Un week-end haletant pour l’opinion publique libanaise. L’affaire William Noun est loin d’être banale. Si elle démasque le visage hideux et nauséabond du mal démoniaque qui étouffe le Liban, elle laisse poindre une mince lueur qui permet d’espérer en un lendemain meilleur grâce au courage d’un petit nombre de citoyens qui ont décidé d’affronter la mafia criminelle au pouvoir sans attendre les instructions ou les conseils d’un "zaïm/chef de clan" quelconque.

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Certes on se doit de parler de ce jeune William Noun, citoyen ordinaire propulsé, grâce à son courage et sa fougue, aux premiers rangs de l’actualité depuis l’explosion apocalyptique du 4 août 2020 sur le port de Beyrouth.
Mais William Noun n’est pas une affaire banale qui monopolise les feux de l’actualité. Ce jeune homme incarne aujourd’hui le modèle du citoyen, source de tout pouvoir et de toute souveraineté. Il est, qu’on le veuille ou non, le point de convergence d’un Liban libéré des chaînes du clanisme féodal qui étouffent le pays.
Le guet-apens juridico-policier tendu par les officines " barbouzardes " de la Sûreté de l’État, probablement aux ordres du président du CPL, avec l’aide de magistrats du parquet aux ordres du tandem Amal-Hezbollah, contre le jeune William Noun et les parents des victimes du 4 août n’a pas atteint son but. Les méthodes policières de bas étage utilisées sont loin d’avoir dissuadé les parents des victimes, d’une part, et n’ont pas réduit au silence le héros du jour d’autre part. Quelles leçons retient-on de ce méli-mélo juridico-policier obscène ?
Primo : 
L’axe Amal-Hezbollah-CPL est démasqué. Il est clair que ce sont des forces qui souhaitent bloquer l’enquête judiciaire. Peu importe le prix qu’ils feront payer à l’opinion publique. Ils ne reculeront pas, à l’image de leurs maîtres les Mollahs de Téhéran. Le régime iranien vient d’annoncer, par la voix du beau-père du président Raïssi, l’ayatollah Ahmad Alam al Hoda dans son prêche du vendredi 13 janvier, qu’il est hors de question de faire la moindre concession en matière de " hijab " et en matière de vie culturelle. Il déclare : " Afin de ne pas démissionner face à l’ennemi, il ne faut faire aucune concession …. Il faut absolument mettre toutes les salles de cinéma, toutes les activités culturelles, tous les réseaux de l’espace virtuel, sous le contrôle étroit du ministère de la Guidance ". Vive donc la Sainte Inquisition Islamique d’Iran. Bref, il faut faire comme jadis Savonarole à Florence et Jean Calvin à Genève. Ceci vient compléter, culturellement parlant, les échafauds dressés où sont exécutés régulièrement des jeunes gens et des jeunes filles qui protestent contre le régime des Mollahs. À Beyrouth, le modèle de Téhéran doit être strictement appliqué par les laquais des mêmes Mollahs, y compris et surtout les chrétiens parmi eux. Les méthodes " barbouzardes " auxquelles on a assisté, dans l’affaire William Noun, en font foi.
Deuxio : 
L’héritage laissé par le Président Michel Aoun est pesant. L’histoire en fera le bilan. L’intéressé doit cependant savoir qu’elle retiendra son nom comme synonyme de la mort du Liban dont il assume une lourde part de responsabilité même s’il n’en est pas le principal et unique facteur causal. C’est lui qui a déstabilisé la magistrature, c’est lui qui a pris la décision de mettre le Liban en défaut ; c’est lui qui aurait, selon les observateurs avisés, transformé une partie du parquet ainsi que la sûreté de l’État en officines miliciennes.
Tertio : 
L’affaire William Noun semble avoir enfin réveillé les consciences de leur torpeur. L’opinion publique a peut-être compris que le temps est venu de cesser de confondre " révolution " et " organisation de gentils événements ". La révolution a besoin d’un moteur et elle a un prix. Son moteur c’est la fougue de la jeunesse. Son prix c’est le courage qui consiste à s’en prendre à la tête du tyran. La tête des tyrans est faite pour tomber.
Quarto : 
L’affaire William Noun a révélé la vérité de toute vie politique : la source de la souveraineté monte du sol rugueux de la patrie, de ce sol que travaillent les petites mains humbles de gens ordinaires comme cette maman éplorée mais si courageuse du jeune William. C’est elle qui incarne la patrie, c’est elle la mère-de-tous à défaut d’un père-de-tous qui n’existe pas. L’image que nous avons vue est saisissante. Pour la première fois, l’initiative ne vient pas du palais du notable local mais de l’humble demeure de gens ordinaires. Le plus cocasse c’est que ce sont des zaïms traditionnels, des politiciens confirmés, qu’on a vu affluer chez le citoyen ordinaire afin de s’abreuver à la source même de toute souveraineté et de toute autorité.
Quinto :
Et c’est le grand constat qu’on peut et qu’on doit faire. Si toute cette lamentable affaire fut manigancée au profit du Hezbollah et de ses comparses Amal et CPL, la morale de l’histoire est lumineuse : Tel est pris qui croyait prendre. Hezbollah a fait main basse sur le Liban, séquentiellement peut-on dire. Il n’a hésité devant aucun moyen pour terroriser ses adversaires et les dissuader de lui résister. Il a étendu son hégémonie sur la communauté chiite en asservissant Amal. Il a forcé la main des Druzes et les a amenés à toujours composer avec lui, depuis le fameux 7 mai 2008 de sinistre mémoire. Il a littéralement émasculé la communauté sunnite en manipulant adroitement Saad Hariri. L’affaire William Noun vient de révéler qu’il ne pourra pas phagocyter les chrétiens par Gebran Bassil interposé.
Au milieu des ténèbres du marasme libanais, une lueur vacillante s’est allumée.
L’esprit de révolte peut encore se réveiller comme un volcan endormi. Finis les "events" à la mode des "NGOs" et de "civil society". Finis les interminables bavardages des groupes WhatsApp. L’heure est à l’action sur le terrain.
Vous souhaitez élire un nouveau chef de l’État ? Maronite de surcroît ?
Il s’appelle William Noun. Pourquoi pas ?

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