La visite d’une délégation de magistrats de France, d’Allemagne et du Luxembourg, arrivés lundi à Beyrouth, qui enquêtent sur des malversations financières dans lesquelles pourraient être impliquées, selon certaines sources, des personnalités libanaises, la Banque centrale du Liban et des banques privées, a suscité une vague d’indignation dans des milieux prétendument souverainistes. La souveraineté est ainsi devenue la vague sur laquelle surfent les médias et les réseaux sociaux favorables au camp iranien au Liban, à l’exception du CPL.

Les magistrats européens interviennent parce que les pays concernés veulent protéger leurs systèmes financiers des pratiques qui n’existent nulle part ailleurs et qui "dépassent celles des mafias", selon un diplomate européen. Sans compter que ces pays ne donnent pas cher de la justice libanaise, incapable de mener les actions nécessaires au niveau des dossiers de détournements de fonds publics et privés au Liban.

D’ailleurs, tout laisse à penser que les délégations en question n’attendent plus rien d’un pays dont le pouvoir judiciaire est quasiment paralysé. Tout ce qui les préoccupe, c’est de limiter les répercussions négatives de ces malversations qui ont dépassé les lignes rouges sur leur système financier. Ces pays pourraient aller jusqu’à interdire toute transaction financière avec le Liban, devenu une plateforme pour des opérations monétaires et financières menaçant leurs intérêts.

Certes, les délégations resteront au-dessus des querelles politiques libanaises, concernant notamment la responsabilité que les pôles libanais se renvoient entre eux, d’une part, et que d’autres rejettent sur le gouverneur de la Banque centrale et les administrations des banques, d’autre part. Ces délégations se contenteront plutôt d’établir des rapports qu’elles soumettront à leurs États respectifs et à qui de droit, et de mettre en place des mécanismes de contrôle en vue de protéger leurs systèmes financiers, sans aboutir à un résultat tangible pour empêcher les malversations financières commises par la clique qui se trouve au pouvoir.

Il est évident que les évènements survenus dans un passé récent confirment la léthargie du pouvoir, notamment pour ce qui a trait à l’assassinat du Premier ministre Rafic Hariri, et toutes les décisions du Tribunal spécial pour le Liban restées lettre morte. Idem pour les assassinats du photographe Joe Bejjani et du chercheur et activiste Lokman Slim, qui ne sont toujours pas élucidés en l’absence de toute action concrète des autorités judiciaires.

Pour autant, cela n’a pas empêché ceux qui aliènent la souveraineté du pays en s’appuyant sur l’axe iranien, et les sbires de Hezbollah en particulier, de fustiger les autorités libanaises en "brandissant l’étendard fallacieux de la souveraineté", parce que ces dernières ont permis aux délégations européennes de venir enquêter au Liban et d’empiéter sur la souveraineté du pays.

En outre, les médias proches de l’axe iranien dénoncent "cette transgression que constitue la visite de hauts responsables judiciaires européens ". De leur point de vue, il s’agit d’un dangereux précédent qui inciterait d’autres pays à vouloir instruire au Liban des affaires les concernant, et pavera la voie à toutes sortes d’instrumentalisations politiques, comme c’était le cas dans les dossiers de l’explosion du port de Beyrouth ou de l’incident d’Al-Aqibiya".

C’est à croire que ces deux crimes, entre autres, sont condamnés à rester impunis. Cependant, il convient de rappeler que les crimes commis par l’axe obstructionniste font partie intégrante de sa stratégie pour exécuter l’agenda iranien au Liban, qu’il s’agisse d’assassinats, de production et d’exportation de Captagon ou même de la mise en place d’un système financier illégal à travers "Al-Qard al-Hassan" pour ne citer que ceux-là…

Par conséquent, toute transgression qui dévoilerait, preuves à l’appui, les pratiques de l’axe obstructionniste ou de ses protégés, menacerait le temple, dont l’effondrement emporterait tout sur son passage.

Partant, la défense de la souveraineté est devenue un slogan qui a le vent en poupe, sachant que cette souveraineté est quasi inexistante dans toutes les institutions libanaises, depuis le sommet de la pyramide jusqu’à la base. Cette absence de souveraineté pèse d’ailleurs lourdement sur le pouvoir judiciaire qui reste discrétionnaire et otage de l’axe obstructionniste et de ses mercenaires.