La gifle infligée aux aounistes par le Conseil constitutionnel ne passera pas. Le Courant patriotique libre considère en effet la chute du facto de son recours en invalidation comme un camouflet politique par excellence, asséné par un groupement de forces liguées contre lui s’agissant du dossier de la loi électorale et du vote des expatriés. Le courant aouniste affirme d’ailleurs dans ses conciliabules qu’il y aura un avant et un après cette décision. Les propos du chef du CPL, Gebran Bassil, lors de sa dernière conférence de presse, laissent d’ailleurs présager une confrontation ouverte qu’il déclenchera au début de l’année prochaine. Une confrontation que le courant aouniste mènera seul, semble-t-il, après avoir dirigé des tirs nourris en direction de son seul allié, le Hezbollah, désormais logé à la même enseigne que son adversaire principal et historique, le président du Parlement, Nabih Berry. Les deux parties chiites sont accusées d’être derrière ce que M. Bassil a qualifié de " coup d’Etat contre " le Conseil constitutionnel pour " torpiller " ce dernier.

" La coupe est pleine "… Ces deux mots résument parfaitement la situation, selon l’un des principaux dirigeants aounistes. " Nous acceptons depuis des années l’intolérable, et la coupe se remplit au fur et à mesure… Mais après ce qui s’est produit avec le Conseil constitutionnel, nous pouvons dire qu’elle est désormais remplie à ras bord et qu’elle est en passe de déborder ! ", lance-t-il.

Dans un entretien à *Ici Beyrouth*, ce responsable aouniste évoque non sans colère le Hezbollah, qu’il tient avec M. Berry pour responsable, à titre individuel et collectif, de ce revers. " Force est de constater qu’à la croisée des chemins, le Hezbollah prend parti aux côtés de son allié chiite et nous laisse sur le bord de la route lorsqu’il s’agit de faire un choix entre Nabih Berry et nous… Cependant, ce qui s’est produit dernièrement est d’un autre ordre. Il y avait encore cette institution constitutionnelle à laquelle les députés et le président de la République pouvaient encore avoir recours. Ils ont fait le choix de la paralyser, ce qui va sans doute accélérer la déliquescence de l’État ", dit-il.

Il s’agit de la première fois que ce dirigeant aouniste, qui avait auparavant toujours qualifié les relations de " bonnes " avec le Hezbollah, même durant leurs différends, fait cette annonce ouvertement: " Nous avons placé le dossier du Hezbollah sur le tapis, et nous sommes plus que jamais à deux doigts de rompre l’alliance… A quoi sert une telle alliance lorsque l’un des partis ne se soucie guère de l’autre et se comporte avec lui en adversaire ?! "

Évoquant la possibilité de reporter l’escalade à l’année prochaine tel que M. Bassil l’a laissé entendre, le responsable du CPL répond que " ce ne sera pas forcément nécessaire, car si l’escalade atteint son paroxysme d’ici janvier, nous renverserons la table et romprons l’alliance ! "

En dépit de la colère et du mécontentement prédominants chez les dirigeants aounistes, il n’en demeure pas moins que ces derniers restent soucieux de ne pas couper les ponts, d’où les propos de M. Bassil relatifs à son ouverture à de nouvelles propositions visant à relancer l’activité du gouvernement. Le CPL est conscient que la décision de se jeter seul dans la bataille est loin d’être facile, alors que pousser la surenchère à un niveau sans précèdent amènerait le Hezbollah à le retrouver à mi-chemin en accédant à certaines de ses demandes auxquelles le président de la Chambre s’oppose actuellement.

Quoi qu’il en soit, les dirigeants aounistes se livreront dans les jours à venir à une évaluation précise des derniers développements, pour peser d’une part les gains éventuels que générerait une rupture de l’alliance avec le Hezbollah et une insurrection contre ce qu’ils qualifient d’ "alliance quadripartite " contre eux, et d’autre part les gains qu’ils pourraient encore tirer de cette alliance et l’opportunité de continuer à faire preuve de stoïcisme et s’armer de patience. Après quoi ils prendront la décision qui servira l’intérêt suprême du parti. Cependant, la perspective d’un soulèvement des aounistes et du mandat à l’aune d’élections législatives, où tous les indicateurs les pointent comme les plus grands perdants si la situation restait en l’état, n’a jamais été aussi proche.

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