Le chef du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, s’est déclaré en faveur de la candidature du commandant en chef de l’armée, Joseph Aoun, à l’issue de sa réunion avec le président de la Chambre, Nabih Berry, mardi soir, révélant que le chef du Législatif ne s’opposerait pas à cette éventualité.

Élire un président au Liban n’est pas une mince affaire. Entre les innombrables luttes d’influence, les éternels combats d’égos démesurés, les calculs politiciens, les considérations géopolitiques et les divisions communautaires, il est évident que les Libanais ne sont pas sortis d’affaire. Et pourtant, une éclaircie timide semble apparaître. Est-elle due à la hausse vertigineuse du taux de change du dollar, à l’effondrement des secteurs de l’éducation et de la santé, à la chute du système judiciaire ou à la pression exercée par la communauté internationale qui font que les efforts pour débloquer la présidentielle se sont intensifiés? Nul ne le sait vraiment.

Quoi qu’il en soit, essayer de mettre un terme à la vacance présidentielle est de nouveau la priorité d’une partie de la classe politique libanaise, n’en déplaise au chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, qui, à défaut de proposer un candidat issu ou proche du camp aouniste, ne cache désormais plus ses ambitions d’occuper lui-même le siège présidentiel de Baabda. Seul hic, le soutien à peine voilé du Hezbollah – supposé être son seul et unique allié – à la candidature du chef des Marada, Sleiman Frangié, qui ne jouit par ailleurs d’aucun appui chrétien.

L’attachement de la formation pro-iranienne à la candidature de M. Frangié enrage au plus haut point le gendre de l’ex-président de la République Michel Aoun, ce qui l’avait acculé à ouvrir le feu sur toute la classe dirigeante (dont il fait quand même partie) lors de son dernier discours, dimanche.

Toutefois, ce n’est pas tout à fait l’ombre de l’ancien ministre et député de Zghorta qui effrayerait M. Bassil. Ce dernier sait bien que Sleiman Frangié n’obtiendra pas la majorité des voix à la Chambre, surtout si son bloc maintient son opposition à sa candidature. C’est plutôt celle du commandant en chef de l’armée, Joseph Aoun, qui l’angoisse. Ce dernier se fraie doucement et sûrement un chemin dans la sphère politique libanaise où nombreux sont ceux qui ne s’opposeraient pas à son élection à la tête de l’État. Pressentant le vent tourner en faveur du chef de l’armée, le leader du Parti socialiste progressiste (PSP), Walid Joumblatt, a profité de ce momentum pour engager des concertations avec le camp politique adverse, dans une tentative de débloquer l’échéance présidentielle et de barrer la voie à M. Frangié. Walid Joumblatt sait sciemment que la grande majorité des forces de l’opposition ne contesteraient pas l’accession du général Aoun au palais de Baabda. Même Fayçal Karamé, député de Tripoli proche du 8 Mars, avait déclaré mardi lors de sa visite à Bkerké ne pas s’opposer à ce choix et accepter un amendement de la Constitution qui permettrait au chef des forces régulières de succéder à Michel Aoun.

Pour sa part, Michel Moawad, jusque-là candidat des Forces libanaises et du PSP à la présidence de la République, a clairement rappelé dimanche lors d’un entretien télévisé que "sa candidature s’inscrit dans le cadre d’un projet politique déterminé", précisant qu’il ne cèdera la place à un autre candidat que "si celui-ci est doté des qualités nécessaires pour sauver le pays et capable de rallier les 65 voix requises au sein du Parlement". Un défi que pourrait relever le commandant en chef de l’armée, à en croire les échos qui circulent ces dernières semaines, d’autant que le général Joseph Aoun bénéficie du soutien notoire de Washington. Quant à son concurrent, Sleiman Frangié, il ne fait certainement pas l’unanimité au sein de la communauté chrétienne et son poids politique, bien qu’incontesté même parmi ses adversaires, n’est pas suffisant pour lui ouvrir les portes de Baabda.

La course présidentielle se jouera-t-elle donc entre Sleiman Frangié et Joseph Aoun? Peut-être. Néanmoins, il reste à savoir si le Hezbollah serait réellement disposé à voir ce scenario se concrétiser et à prendre part aux concertations liées à la présidence.