De l’explosion du 4 août 2020 au port de Beyrouth à la réunion de Paris sur le Liban, sous peu, la succession d’événements laisse deviner un deal en voie de préparation.

Ce qui s’est récemment passé au Liban n’est pas un chaos, mais l’organisation minutieuse d’un schéma chaotique à des fins déterminées. La succession rapide des événements laisse soupçonner une certaine scénarisation d’éléments marquants, passés et actuels.

Dans cet ordre d’idées, il serait naïf de croire que les remous qui ont secoué la semaine dernière le Palais de justice sont le fait du juge d’instruction, Tarek Bitar, qui avait créé la surprise en relançant l’enquête sur l’explosion du port, et que la réaction en flèche et surtout vindicative du procureur général près la Cour de cassation, Ghassan Oueidate, était spontanée.

La spontanéité n’a pas sa place dans ce genre de développements rapides, surtout lorsque l’on s’arrête sur les accusations lancées contre le juge Bitar par ses détracteurs qui lui reprochent d’"exécuter un agenda étranger et de se plier aux ordres des Américains et des Français". Il est clair qu’il existe aujourd’hui une sorte de deal visant à étouffer l’enquête et à porter un coup à la justice sur base d’un certain "mandat religieux". C’est grâce à ce deal que tous les détenus dans le cadre de cette affaire ont pu être libérés, sans aucun fondement juridique, pendant que l’appareil de sécurité à l’aéroport de Beyrouth fermait les yeux sur le voyage aux États-Unis de l’un d’eux, le chef du département de la sécurité au port de Beyrouth, Mohammed Ziad el-Aouf, en dépit de l’interdiction de voyage émise par le parquet de Beyrouth à l’encontre de tous ceux qui ont été libérés. Titulaire du passeport américain, M. Aouf a pris l’avion pour les États-Unis dès qu’il est sorti de prison. Un départ facilité, semble-t-il, par le retard de la diffusion de l’interdiction de voyager auprès des autorités compétentes. C’est ce qui laisse penser que le tout a été planifié.

Dans ce même contexte, il serait utile de rappeler l’entente internationale tacite pour que les images des satellites de surveillance – ayant capté l’explosion du port – soient sciemment occultées. Toute tentative d’internationaliser l’enquête a été stoppée net, sachant que la France, le Royaume-Uni et les États-Unis avaient à l’époque mené leur propre investigation et ratissé la scène de crime.

Inutile de préciser que toutes les informations obtenues grâce à des preuves rassemblées sur le terrain ont été gardées confidentielles.

Tous les ingrédients d’un deal sont donc réunis, mais pour les connaître ou les comprendre, il faut chercher du côté des événements qui se sont succédé depuis l’explosion du 4 août au port, jusqu’au renflouement de la classe dirigeante, le Hezbollah en tête, grâce à une initiative française et avec le consentement implicite des États-Unis.

Dans ce même ordre d’idées, il devient logique d’inclure dans le cadre de ce marché, la délimitation des frontières maritimes avec Israël, qui est le fruit d’un accord direct entre le Hezbollah et les États-Unis, lesquels ont ainsi négocié avec le véritable chef au Liban plutôt qu’avec ses représentants au pouvoir.

De ce fait, il n’est pas possible d’occulter le prix obtenu par le Hezbollah en échange de la délimitation des frontières maritimes. Celui-ci se reflète dans le dossier de la présidentielle.

Les multiples rencontres des délégations du Hezb avec les autres partis politiques libanais révèlent une orientation à les pousser vers un "consentement coercitif" autour d’un "président qui ne poignarderait pas la Résistance dans le dos". Cela transparaît notamment dans les entretiens des représentants de la formation pro-iranienne avec le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, le leader druze Walid Joumblatt ou le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil. La déclaration de l’ancien ministre Ali Hassan Khalil selon laquelle il serait possible d’élire Sleiman Frangié avec une majorité de 65 voix s’inscrit dans cette même veine, ainsi que les visites de MM. Bassil et Frangié à Bkerké.

Toute cette dynamique n’est pas bien évidemment fortuite et n’a pas pour seule finalité des échanges de vues. L’important à ce niveau n’est pas ce qui est filtré aux médias mais la finalité de tout ce ballet politique.

Si l’on tient compte du fait que les Libanais sont poussés à bout, avec la flambée préméditée du dollar qui accentue les crises auxquelles ils sont confrontés, on peut facilement deviner que tout cela sert à préparer le terrain pour qu’ils finissent par accepter tout scénario et n’importe quel président, pourvu qu’on en finisse avec cette crise et qu’on s’oriente vers une stabilité quelconque.

Une fois cette succession d’événements mise en relief, il devient logique de deviner qu’un deal est en voie de préparation. La première étape au niveau de sa concrétisation pourrait bien se dérouler dans les prochains jours à Paris où les représentants des États qui suivent le dossier libanais doivent se retrouver pour des concertations qui seraient peut-être à la hauteur des ambitions du Hezbollah et de son patron iranien.

Abonnez-vous à notre newsletter

Newsletter signup

Please wait...

Merci de vous être inscrit !