
Au Liban, rares sont les déclarations liées aux élections municipales qui ne mentionnent pas la Caisse autonome des municipalités – un sujet récurrent qui s’impose comme un incontournable des discours et des campagnes électorales.
Le concept de la Caisse autonome des municipalités apparaît, de prime abord, séduisant: il promet un financement stable pour les municipalités et unions de municipalités, en particulier celles dépourvues des ressources nécessaires pour réaliser leurs projets. Sous la tutelle du ministère de l'Intérieur, il est censé favoriser un développement harmonieux sur l'ensemble du territoire. Toutefois, le dysfonctionnement de son mécanisme en a fait un véritable frein, menaçant ainsi la situation des villages, des localités et des villes.
Pour ceux qui en ignorent le fonctionnement, les revenus de la Caisse proviennent principalement de taxes et de frais définis par la loi, tels que les taxes sur les communications téléphoniques, les permis de construire, les biens publics, l'enregistrement foncier, les amendes municipales, et d’autres encore.
Mais le véritable problème réside dans la gestion de ces fonds. En effet, leur utilisation a été centralisée sous l’autorité du ministère de l’Intérieur à travers des projets de développement, sans que des décisions concrètes n’aient été prises pour les allouer directement aux municipalités. Ce mode de fonctionnement contredit les principes fondamentaux de la décentralisation administrative.
La préoccupation principale des législateurs était de protéger les fonds d’une mauvaise gestion éventuelle s’ils étaient alloués directement aux municipalités, de crainte que certains présidents de municipalités ne les dépensent en dehors du cadre légal ou d’une manière ne correspondant pas aux besoins réels des habitants. Ils redoutaient qu’un président de municipalité ne les utilise de manière illégale ou en dehors des véritables besoins de la population ou des habitants du quartier ou du village. Toutefois, ce principe s'applique également au ministère de l'Intérieur, souvent plus exposé aux risques de gaspillage de fonds en raison de l’ampleur des projets et des multiples attentes, contrairement aux villages, qui sont mieux à même de contrôler l’usage des ressources et d'en limiter les dérives. Une véritable responsabilité, si elle est correctement appliquée et de manière équilibrée, doit impliquer à la fois le président de la municipalité et le ministère de l'Intérieur. Aucun problème ne surgirait alors si les fonds étaient répartis équitablement, dans le respect de la justice sociale. Le véritable enjeu ne réside donc pas tant dans l'entité qui dépense ces fonds, mais dans celle qui en assure le contrôle.
Sans décentralisation administrative, les ressources resteront entre les mains du pouvoir central, incapable de gérer les besoins spécifiques de plus d’un millier de villages libanais. Cette situation compromet ainsi la justice sociale en matière de développement. La véritable équité réside dans une répartition juste de ces ressources et dans l'autonomie donnée aux municipalités pour les utiliser en fonction de leurs priorités, tout en instaurant une supervision renforcée: d’abord assurée par le mohafez, puis par les ministères de l’Intérieur et des Finances, via un contrôle rigoureux des comptes.
Toute autre solution ne serait qu’une tentative illogique d’esquiver la question de la décentralisation financière, qui reste le seul moyen de libérer les habitants du Akkar, de la Békaa et du Liban-Sud de l’indifférence d’un pouvoir central insensible à leurs souffrances.
Si les fonds étaient répartis de manière équitable et si les municipalités jouissaient d'une réelle autonomie dans la gestion de leurs projets de développement, la crise des déchets, qui perdure depuis dix ans, n’aurait pas pris une telle ampleur. Les chemins des villages ne ressembleraient pas à des pistes préhistoriques et les infrastructures des zones reculées ne seraient pas à la traîne, comme si elles remontaient à l’âge de pierre.
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