Un étudiant en droit vantait l’occupation iranienne du Liban. Selon lui, l’occupant ne viole pas les femmes et ne tue pas les citoyens, contrairement à son homologue américain en Afghanistan.

Pour la première fois peut-être, un partisan du Hezbollah exprime son opinion de la sorte, en direct d’un programme télévisé: son parti est “démocratique”. Et l’avocat en devenir d’ajouter qu’il a écouté patiemment les nombreux détracteurs du Hezb condamner ses armes illégales, et que lui aussi était en mesure de se prononcer là-dessus.

Si seulement tout cela était vrai… l’on aimerait bien croire en la prétendue vertu de cet occupant telle que décrite par l’étudiant.

Y a-t-il vraiment démocratie? La vie des citoyens est-elle vraiment épargnée? L’honneur des femmes est-il réellement préservé?

Ne reprochons pas grand chose à notre étudiant: il n’aurait pas eu vent de l’histoire de Reyhaneh Jabbari, cette jeune fille pendue pour avoir tué un ancien officier du service des renseignements qui a tenté de la violer.

Le futur avocat considère-t-il le meurtre de Mahsa Amini – qui portait un voile non-conforme aux normes religieuses – comme un crime, ou pense-t-il qu’il s’agirait d’un simple fait divers que les “ennemis de la nation” utilisent à des fins de propagande contre la République Islamique?

Veut-il compatir et se solidariser avec le peuple iranien en soif de démocratie? Ira-t-il jusqu’à reconnaître que ce même peuple fait l’objet de répressions multiples depuis la révolution verte de 2009? Les détentions arbitraires de milliers de personnes et les assignations à résidence d’anciens responsables et candidats soupçonnés de trahison contre le velayat el-faqih figurent-elles dans la liste d’actes qu’il condamne?

Notre cher étudiant aurait raison; il a appris à ne pas s’immiscer dans les affaires des autres, respect des principes de non-alignement oblige. Le Liban devrait en faire de même pour protéger ses intérêts!

Surprise: notre avocat écarte le Yémen de l’équation. Au Yémen, des enfants meurent chaque jour, tués par ce qu’il appelle “l’usurpateur saoudien” qui entend éradiquer les “innocents” Houthis. A l’entendre parler, l’on serait convaincus que ce ne sont pas eux qui, avec des drones iraniens, bombardent les installations pétrolières à Khobar et ailleurs. Ce ne sont peut-être pas eux non plus qui épaulent le régime syrien et massacrent enfants et familles à coups de barils de nitrate, ce même nitrate stocké au port de Beyrouth qui a explosé, dévastant certains quartiers de la capitale libanaise. Nul besoin d’évoquer l’Irak, non plus, ni la dévastation de Basra et d’autres villes.

Pour lui, le seul fait digne d’être mentionné est la souveraineté territoriale rendue possible par les multiples victoires divines réalisées par le Hezbollah contre l’occupant israélien et le terrorisme sunnite. Le parti de Dieu devient, de ce fait, le détenteur légitime de ces armes illégales. De ce fait, il faudrait que l’on l’innocente, même s’il s’accapare cette souveraineté, au service du détenteur officiel de ces armes qui contrôle le Liban. Et qu’est-il pauvre, ce Liban…

Ainsi, en toute démocratie, les choses permises à notre très cher avocat en herbe ne sont pas permises aux autres, surtout si ces autres sont originaires du Golfe et plus particulièrement d’Arabie Saoudite – qui, d’ailleurs, accueille des centaines de milliers de Libanais compétents et a consacré des millions de dollars à la reconstruction d’un Liban meurtri par les attaques israéliennes, provoquées par le Don Quichotte local…

Non, ne reprochons rien à ce jeune homme. Après tout, les innombrables défis auxquels fait face le Hezbollah suffisent à l’amnistier, voire à justifier toutes ses exactions commises à l’égard de ceux qui osent lui mettre des bâtons dans les roues et se mettre au travers de lui, à commencer par Lokman Slim dont on commémore l’assassinat. Mais gare à ceux qui daigneraient enquêter autour de son meurtre pour en démasquer les coupables…

Il ne fait donc aucun doute que cet étudiant en droit s’intéresse à des lois toutes différentes des législations classiques qui condamnent le meurtre et en punissent le coupable. Il se contente plutôt de la fatwa et demeure convaincu qu’une occupation iranienne vaut mille fois mieux que celles des Américains infidèles… et il nous faut dès lors l’accepter, de la célébrer même. Tout compte fait, celui qui entend être “le bouclier de la résistance” ne devrait pas s’arrêter à ces quelques ornières que sont les différentes tragédies libanaises.