Ghada Aoun ou la conjuration des justiciers
Avec ses « mesures populistes et policières » comme décrites par le premier ministre sortant Nagib Mikati, la procureure générale près la Cour d’appel du Mont-Liban, Ghada Aoun, n’a cessé de « provoquer des tensions » (pour citer à nouveau M. Mikati) dans le pays. Depuis l’affaire Mecattaf, société qui s’est longtemps retrouvée sous la vindicte de la magistrate, elle s’engage dans des voies orientées dans une même direction, celle du camp politique auquel elle appartient, le Courant patriotique libre, dirigé par Gebran Bassil, gendre de l’ancien président Michel Aoun, et qui la protège, encore et toujours. Retour sur le parcours aux méthodes peu orthodoxe d’une magistrate au centre d’une tempête judiciaire.

Au printemps 2021, Ghada Aoun, engage des poursuites contre Michel Mecattaf et sa société, l’accusant d’avoir effectué des transferts de fonds vers l’étranger à la fin de l’année 2019. Une activité que la société pratiquait en toute légalité, en conformité des règles et régulations des plus hautes autorités monétaires libanaises, américaines et européennes. Pour construire ses poursuites, Ghada Aoun avait perquisitionné à maintes reprises, les locaux de l’entreprise, vociférant devant toutes les caméras du pays, accompagnée de partisans du Courant patriotique libre (CPL) et des agents du Service de sécurité de l’Etat (proche de ce même parti). Des documents et des ordinateurs avaient alors été saisis et entreposés dans la plus grande illégalité chez une religieuse bien connue pour sa proximité avec le régime syrien. Depuis, elle a été, plus d’une fois, déférée devant l’Inspection judiciaire, chargée de se prononcer sur la responsabilité disciplinaire des magistrats. Elle avait également été dessaisie, par le procureur de la République, Ghassan Oueidate, des affaires liées aux crimes financiers, ses opérations de perquisition allant jusqu’à devenir des scènes burlesques. Or, faisant fi de la décision de son supérieur hiérarchique, Ghada Aoun avait refusé de se conformer. Ses agissements pour le moins contestables et son insubordination (« violation récurrente du droit de réserve et refus de répondre aux convocations du ministère public ») n’ont pas échappé non plus aux reproches du Conseil supérieur de la magistrature (CSM).


Suite à cette succession de débordements dont certains pourraient s’apparenter à des abus de pouvoir, Ghada Aoun vient de faire l’objet de mesures restrictives, prises tant par le Premier ministre sortant, Najib Mikati, que par le ministre sortant de l’Intérieur, Bassam Maoulaoui. Mercredi, un mémorandum a été adressé par M. Mikati à M. Maoulaoui lui demandant de donner l’ordre aux services de sécurité compétents de ne pas se plier aux instructions de la procureure générale.  Une décision qui se lit à la lumière des multiples dérapages de la magistrate qui conduisent à l’isolement du Liban sur la scène internationale. Dernier débordement en date, une tentative de réduire à néant le système bancaire en engageant des poursuites judiciaires contre des banques, leurs Pdgs et des membres de leurs conseils d’administration, sur la base de plaintes déposées auprès d’elle par des collectifs dont beaucoup sont liés au Courant patriotique Libre.

Avec la multiplication des dossiers dont Ghada Aoun décide de se charger, dans l’illégalité totale et en toute impunité, on est en droit de se demander pourquoi l’Inspection judiciaire (IJ) ne se mobilise pas, alors que le CSM (Conseil Supérieur de la Magistrature) pourrait, sur proposition de l’Inspection Judiciaire, engager des sanctions, voire destituer Ghada Aoun. Encore faudrait-il que le CSM ne soit pas miné par ses divisions internes…
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