Dans le viseur de la justice depuis 2022, une grande partie des fonctionnaires (environ 90) de certaines administrations, accusés de corruption, sont en détention. D’autres ont été libérés sous caution, après plusieurs mois d’emprisonnement et ont été interdits de reprendre leurs fonctions sur des durées prévues par les jugements prononcés à leur encontre.

Entre 2022 et 2023, plusieurs fonctionnaires des services fonciers à Baabda, au Chouf, à Aley, au Metn et au Kesrouan, ont été mis en accusation. Les employés dans les centres d’enregistrement de véhicules de Dekouané et Ouzaï, dans la banlieue de Beyrouth, ont subi le même sort. Ils sont soupçonnés de soutirer des pots-de-vin aux demandeurs de formalités (pour les premiers) et aux courtiers (pour les seconds). Maintes arrestations ont eu lieu dans le cadre de ces malversations.

En temps normal, et d’après l’article 108 du Code libanais de procédure pénale, la durée de détention pour un délit est de deux mois renouvelables une fois et, pour les crimes, de 6 mois renouvelables également une fois. Or, " au vu des grèves de juges et d’auxiliaires de justice qui se sont multipliées au cours des deux dernières années, il est possible que ces délais soient prolongés, sous prétexte que la suspension du travail a empêché l’examen des dossiers y relatifs ", explique un avocat sous couvert d’anonymat. Généralement, " lorsque les délais de détention provisoire sont dépassés, cette détention devient illégale et une demande de remise en liberté est déposée devant le juge d’instruction qui devrait se trouver dans l’obligation de s’y plier ", indique l’avocat. À savoir que dans les cas de détention provisoire, relâcher une personne ne veut pas dire l’innocenter. Souvent, ces détenus sont libérés sous caution, sont interdits de voyager ou sont soumis à diverses autres conditions, dépendamment des cas. " Aujourd’hui, nous sommes encore dans les délais. À la fin du mois de mars, des demandes de remise en liberté devront être exécutées, si elles sont présentées par les détenus et leurs conseils ", signale l’avocat.

Tel n’est cependant pas le cas pour les crimes d’État, comme l’explosion au port de Beyrouth du 4 août 2020, qui a fait plus de 220 morts et détruit la capitale libanaise. Pour cette affaire, l’article de loi susmentionné est inapplicable, puisqu’il ne s’agit effectivement pas d’un simple crime. Le dossier est par conséquent soumis à des dispositions spécifiques. Ainsi, toute personne suspectée d’avoir participé à un tel acte est susceptible d’être détenue indéfiniment, jusqu’à ce que l’enquête s’achève. Il revient donc au juge d’instruction seul de mettre fin au mandat d’arrêt et d’ordonner la libération de la personne détenue. Au cas où le juge d’instruction estimerait que la détention d’une personne sert le déroulement de l’enquête, toute demande de remise en liberté peut être rejetée et une telle décision ne peut pas faire l’objet d’un appel.

À la question de savoir si la détention prolongée dans ce cas irait à l’encontre du principe de la présomption d’innocence et des traités internationaux qui prônent le droit à une procédure régulière et à l’obtention d’un procès dans des délais raisonnables, l’ancien président du Conseil d’État, Chucri Sader explique que " tant que le juge n’est pas directement responsable de cette prolongation de la durée de détention, nous ne pouvons considérer un tel fait comme contraire aux traités ". À savoir que si l’individu est innocenté, aucun dédommagement n’est prévu.

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