Le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, a entamé l’année 2022 par une homélie-repère aux accents évocateurs de son initiative de février 2021, qui n’est pas sans apporter une certaine substance, une certaine complémentarité, voire même certains addendums nécessaires à l’allocution du président de la République, Michel Aoun, le 27 décembre.

En dépassement de M. Aoun, qui avait appelé à un “dialogue national urgent” sur trois points – stratégie de défense, décentralisation administrative et financière élargie et relance économique – Mgr Raï a notamment plaidé en faveur d’un statut de “neutralité positive active” pour le Liban, d’une conférence internationale pour encadrer l’organisation d’un dialogue interlibanais et garantir la mise en application des résolutions onusiennes, et d’élections législatives dans les délais constitutionnels et sous contrôle international.

Dans le cadre de l’office célébré à Bkerké pour le Nouvel An, Mgr Raï a appelé, “en ce début d’année, les Libanais en général et les politiques influents, et plus particulièrement les partisans, à faire face à l’effondrement par un sursaut de conscience et à reconnaître leurs erreurs”. `

“N’ont-ils pas eux-mêmes attiré les guerres des autres sur notre territoire, provoquant le début du déclin ? N’ont-ils pas été eux-mêmes s’impliquer dans les guerres des autres sur leurs territoires, provoquant l’effondrement et l’isolement vis-à-vis du monde arabe et occidental, la pauvreté et l’émigration ?” a-t-il dit, dans une condamnation de la politique des axes et dans une allusion à peine voilée aux équipées guerrières du Hezbollah sur plusieurs fronts arabes.

“Jusqu’à quand (les dirigeants) négligeront-ils, sciemment ou non, leur responsabilité à régler les causes de notre crise nationale sans précédent, à rectifier le tir, trouver des solutions et les mettre en application ?” a poursuivi le patriarche maronite.

“La neutralité, identité du Liban”

Et le cardinal Raï de poursuivre : “Le Liban est malade de sa perte d’identité. Comme tout malade, il se plaint de sa santé déficiente. Il faut donc le soigner. Il faut rendre au pays sa vitalité perdue. De par son positionnement géographique, sa diversité religieuse et culturelle, son ouverture sur tous les États, son rôle historique comme pont culturel, économique et commercial, lieu de rencontre et de dialogue et facteur de stabilité dans la région, le Liban est un pays dont l’identité est la neutralité positive active”.

" C’est en cette qualité, a ajouté Mgr Raï, que le Liban est un pays de soutien et pas de confrontation, comme le stipule la Charte de la Ligue arabe de 1945, conformément à la déclaration ministérielle du gouvernement de l’indépendance sur la neutralité du Liban, ‘ni Orient ni Occident’. La neutralité est source de bien pour le Liban et son essor, ainsi que pour tous les Libanais”.

Élections sous contrôle international

Le patriarche maronite a par ailleurs rebondi sur la signature du décret de convocation du collège électoral pour les législatives de 2022 pour réclamer un scrutin sous contrôle international.

“Nous apprécions à sa juste valeur la premier pas prometteur du président de la République, du Premier ministre et du ministre de l’Intérieur visant à fixer une date pour les élections législatives et signer le décret d’organisation de ces dernières, a souligné le patriarche maronite. Nous attendons du pouvoir qu’il concentre son souci dans les prochains mois sur la nécessité de préparer sérieusement cette échéance et de créer le climat politique et sécuritaire nécessaire pour sa tenue, ainsi que l’élection présidentielle en octobre prochain“, a indiqué Mgr Raï.

Le président Aoun avait signé le mercredi 29 décembre le décret de convocation du collège électoral, en prévision des élections législatives prévues le 15 mai prochain.

“Nous insistons dans ce cadre sur la nécessité du déroulement de ce scrutin sous le contrôle d’observateurs internationaux, surtout qu’il existe une volonté dans ce cadre au sein de l’opinion publique libanaise et de la part de l’ONU”, a noté le prélat maronite dans son homélie, en allusion aux propos du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, qui avait souligné, lors de sa visite à Beyrouth en décembre 2021, la disposition des Nations unies à superviser le scrutin.

Un dialogue avec un modus operandi

“Si les intentions sont bonnes et que le dévouement au seul Liban et son peuple l’emporte, la prochaine étape sera suffisante pour revitaliser l’action du gouvernement, finaliser les négociations avec les institutions financières internationales, contrôler les frontières, restaurer les relations avec les pays du Golfe, l’Arabie saoudite en tête, et replacer le Liban dans la posture qui est naturellement la sienne”, a poursuivi Béchara Raï.

“Ainsi le pays passera-t-il de l’alignement à la neutralité, de la politique des axes à celle de l’équilibre, et il assurera le climat opportun à l’avenir pour lancer un dialogue national sous l’égide de l’ONU, dans le cadre d’une conférence internationale qui donnerait au dialogue une garantie internationale et un mécanisme d’application”, a-t-il souligné, dans une réponse implicite à l’appel au dialogue du président de la République.

“Les dialogues internes, dont nous avons toujours appuyé les décisions et résolutions, sont restés sans modus operandi. Les parties au dialogue se sont même rétractées de leurs engagements”, a-t-il précisé, en allusion aux résolutions de la conférence de dialogue national de 2006 restées lettre morte et au désaveu par les pôles de la coalition du 8 Mars de la Déclaration de Baabda sur la neutralité du Liban – pourtant approuvée initialement à l’unanimité en 2012 lors de la conférence de dialogue sous l’égide du président Michel Sleiman à Beiteddine.

“Ce qui rend nécessaire également une conférence internationale, est que certains aspects de la crise libanaise sont liés à des dossiers régionaux et internationaux, comme le sort des réfugiés palestiniens, le retour des déplacés syriens et le règlement des problèmes sécuritaires à la frontière avec Israël”, a ajouté Mgr Raï.

L’office s’est déroulé en présence notamment du ministre des Affaires sociales Hector Hajjar, de l’ancien ministre Sejaan Azzi, du président de la Ligue maronite, l’ancien député Nehmetallah Abinasr et de l’ambassadeur Khalil Karam. Profitant de la présence du ministre Hajjar, le patriarche maronite a souligné la nécessité pour l’ordre des médecins d’assurer les fonds pour la carte de santé, qui permettra au citoyen d’acheter des médicaments en pharmacie.