Les forces chrétiennes avaient rejeté, en 1988, la proposition américaine portée par l’émissaire Richard Murphy au Liban. Le choix était: élire le député Mikhaël Daher à la présidence de la République ou le chaos. Les chrétiens avaient opté pour le chaos.

Pour rappel, à la fin du mandat d’Amine Gemayel (1988), la première vacance présidentielle avait abouti à la formation d’un cabinet militaire de transition, présidé par le général Michel Aoun, lequel avait par la suite mené deux batailles militaires, refusant de céder le pouvoir. Cela avait débouché sur l’accord de Taëf qui a garanti une répartition du pouvoir entre les différentes communautés et a ancré la parité entre chrétiens et musulmans. Il n’en reste pas moins que les périodes de vacances présidentielles se sont succédé après Taëf, marquant les mandats des "généraux", à savoir Émile Lahoud (2007), Michel Sleiman (2014), et Michel Aoun (2022), alors que les échéances constitutionnelles avaient toujours été respectées depuis l’Indépendance et durant la période de guerre.

Ainsi, l’histoire se répète, aujourd’hui. L’initiative française qui propose le tandem Sleiman Frangié-Nawwaf Salam (président et Premier ministre), et adoptée par le Hezbollah, met les mêmes chrétiens (les Forces Libanaises, les aounistes et les Kataëb) face au choix entre la candidature de M. Frangié et le chaos, comme l’affirme le Hezbollah. Là encore, ces derniers ont préféré ne pas désigner de candidat et de choisir le vide plutôt que d’avaliser la candidature de M. Frangié.

Au cours d’une intervention télévisée, Samir Geagea a clairement affirmé que "nous allons tout mettre en œuvre pour entraver l’arrivée du candidat du Hezbollah. Nous appelons à un dialogue sérieux pour réhabiliter l’autorité et nous pouvons nous inspirer du modèle belge (fédéral) ". Les chrétiens, les souverainistes et l’opposition, ainsi que Walid Joumblatt opposent haut et fort leur " NON " à M. Frangié. Il n’en reste pas moins que ce bloc de refus n’a toujours pas réussi à s’unir autour d’un seul candidat, que ce soit de la liste de l’opposition ou de celle de Bkerké.

Face à ces divergences, des milieux diplomatiques occidentaux se demandent pourquoi ne pas tenir une séance ouverte pour élire le président. Tous les députés devraient alors être présents, ce qui devrait aboutir au choix d’une personne indépendante, neutre et ne relevant d’aucun parti. Selon ces milieux, Bkerké propose une liste susceptible de concrétiser le consensus voulu. Ladite liste aurait d’ailleurs fuité lors de la tournée de Mgr Antoine Bou Najm, mandaté par le patriarche Rai, auprès des forces chrétiennes dans le but d’unifier leurs positions. Sans omettre que certains candidats n’ont pas été pris en compte du fait qu’ils souhaitaient rester loin des feux de la rampe.

Dans un tel contexte, un ancien ministre affirme qu’il "serait judicieux d’écarter MM. Michel Moawad (candidat de l’opposition) et Sleiman Frangié et se concentrer sur un nouveau candidat qui répondrait aux critères exigés, à savoir, être indépendant et capable de mener les réformes sans se plier aux diktats. Le président de la Chambre, Nabih Berri, devrait prendre l’initiative d’appeler à la tenue d’une séance électorale ouverte jusqu’à l’élection d’un président rassembleur".

Cependant, l’opposition doute vraiment que Nabih Berri franchisse le pas, car le Hezbollah s’y oppose par crainte des résultats qui ne seraient pas en sa faveur. Dans ce cadre, il serait bon de rappeler que le Hezb ne dispose pas de la majorité parlementaire comme en 2016, lorsqu’il soutenait mordicus la candidature de Michel Aoun. Par conséquent, il refuse de s’engager dans une voie dont l’issue est incertaine.

Au sujet des garanties réclamées à Sleiman Frangié en prélude à son éventuelle élection, un ancien ministre affirme que "la conjoncture interne actuelle ne permet pas d’assurer des garanties et de les respecter. Preuve en est, les garanties fournies, d’une manière ou d’une autre, par Michel Aoun à Saad Hariri et Samir Geagea (pour paver la voie à son élection, en 2016) sont rapidement parties en fumée une fois Michel Aoun élu, ce qui a abouti à l’éviction de Hariri et à son retrait de la vie politique libanaise.

A l’ombre de la situation actuelle, la grande question qui se pose est de savoir si l’on se dirige vers un nouveau Taëf ? Qui seraient les gagnants? Qui seraient les perdants? Qui payerait le prix de cette déstabilisation? Pour l’heure, force est de relever que rien n’est encore joué.

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