Georges Soros ou la « contre-révolution préventive »

Derrière les centaines d’associations qui ont vu le jour au Liban au cours des dernières années, le nom de Georges Soros ressort souvent. Depuis 2019, le milliardaire américain d’origine hongroise concentre davantage ses efforts dans la région. Et, plus particulièrement dans le pays du Cèdre. Pourquoi cet intérêt ? Quels sont les organismes financés par Georges Soros à travers « Open Society », sa fondation ?
Les contre-révolutions sont organisées par les partisans d’un ordre ancien pour tenir en échec les révolutions qui les ont renversées. Ce fut le cas, par exemple, après la Révolution française et la révolution russe.
Georges Soros a eu le « génie » d’inventer les « contre-révolutions préventives ». Disposant d’un maillage social constitué par son réseau d’ONG qui agissent dans divers domaines et secteurs de la société, il a été capable d’anticiper les contestations à venir et de les orienter dans une direction favorable à ses vues et à ses intérêts. Ayant réussi à capter grâce à ses largesses un nombre conséquent d’intellectuels, de chercheurs et d’experts, les ONG acquises à son agenda ont pu recycler les concepts et les éléments du discours contestataire et se poser en porte-voix des revendications populaires. En d’autres termes, les majorités populaires privées d’organisation politique capable de diriger leurs combats se sont vu confisquer leurs révolutions. En 2019, Georges Soros concentre davantage ses activités sur le Liban, augmentant considérablement la marge monétaire pour le financement d’ONG qui se trouvent sur le territoire libanais. Selon une source, la somme de 3.618.000 dollars y aurait été déversée par sa fondation « Open Society ». En 2020, la révolution d’octobre est à son apogée. Officiellement, cette année-là, le financement de la fondation de Soros a atteint les 4.3 millions de dollars. D’autres sources évoquent un montant de 6.655.000 dollars. Un investissement dont les sommes sont « réduites » à quelques 2.6 millions de dollars en 2021. Le total pour les trois années varierait donc entre 10.518.000 et 12.873.000 dollars. Qui en sont les principaux bénéficiaires ?

Il convient de souligner, de prime abord, que 9% du financement consacré par « Open Society » au Liban est destiné aux médias et à la presse, 5% à tout ce qui relève de la justice et 7% aux mouvements et associations qui prônent les droits de l’Homme. Le reste est réparti entre des domaines comme la culture et l’art (7%), l’enseignement supérieur (5%), l’économie (17%), l’égalité et la lutte contre toute forme de discrimination (17%), la santé (10%), l’enfance et le droit à l’éducation (8%).
Legal Agenda, le Fonds arabe pour les arts et la culture (AFAC), l'Association libanaise pour des élections démocratiques (LADE)**, le média Daraj, l’Université américaine de Beyrouth (AUB), l’association Helem (rêve) pour le droit des homosexuels au Liban, les associations CARE (Cooperative for Assistance and Relief Everywhere) et Basmeh & Zeitooneh pour les droits des réfugiés -notamment syriens- dans le pays du Cèdre, Kulluna Irada* (qui revendique une autre gouvernance depuis le mouvement populaire du 17 octobre 2019), les médias The Public Source et Megaphone… La liste des Soros Agents, ceux à qui profitent les aides financières en provenance de « Open Society » est longue. La Ligue des États arabes est également dans son viseur. Dans un rapport qui a fuité et qui porte sur la stratégie du bureau régional de la fondation pour 2014-2017, on peut lire : « Nous faisons le pari qu'en travaillant avec nos alliés, nous pourrons reconquérir l'organisme régional, la Ligue des États arabes, en tant que plateforme de plaidoyer ».
Legal Agenda ou la liberté conditionnée
L’ampleur de l’investissement qu’a placé Georges Soros via sa fondation « Open Society » dans Legal Agenda, n’est un secret pour personne. Pour rappel, le directeur de cette ONG libanaise, Nizar Saghiyé, a récemment été convoqué par le bâtonnier de l’Ordre des avocats pour avoir fortement critiqué, sur les réseaux sociaux et dans la presse, une décision prise le 3 mars par le conseil de l’Ordre selon laquelle il serait interdit à tout membre du barreau de faire des apparitions médiatiques sans autorisation préalable du bâtonnier.
Depuis 2011, des sommes considérables ont été octroyés à Legal Agenda par « Open Society ». « Des fonds qui ont, en partie, été utilisé par celui, qui se considère comme étant un activiste indépendant, Nizar Saghiyé, pour financer ses apparitions médiatiques, qui se sont majoritairement inscrites dans la ligne politique prônée par Georges Soros », selon une source bien informée. Confronté à de nombreux défis en matière de gouvernance et de transparence, il est opportun de s’interroger dans quelle mesure le financement de Georges Soros d’ONG et de médias participe à la déstabilisation des institutions.
En 1988, il est reconnu coupable de délit d'initié par un tribunal français et condamné à une amende de 2,25 millions de dollars pour un accord conclu la même année avec une banque française Société Générale. Rappelons que ce « bienfaiteur » est à l’origine du « mercredi noir » de 1992 en Grande-Bretagne. Cette année-là, la livre sterling s’était effondrée, trois cent traders, dont Georges Soros ayant constitué une position courte (en d’autres termes, ayant anticipé une baisse des cours) sur la livre, ce qui a entraîné une dépréciation de la monnaie. Soros aurait accumulé, en ce 16 septembre 1992, un milliard de dollars. Il est depuis considéré comme « l’homme qui a fait sauter la banque d’Angleterre ». En 2009, le PSzAF, le régulateur hongrois du marché financier, inflige une amende de 2,2 millions de dollars au Soros Fund Management, pour avoir tenté de manipuler les actions de la plus grande banque hongroise. En 2017, la Hongrie et Israël condamnent Soros pour avoir utilisé de l'argent étranger pour influencer les politiques d'immigration en Europe par le biais d’« Open Society ».
Ce qui est clair s’agissant du Liban, c’est que Georges Soros a pressenti le soulèvement en gestation contre l’ordre dominant et a effectué une OPA sur celui-ci afin d’en tirer des bénéfices politique, économique et financier. Ainsi, une attention particulière devrait être portée sur l’organisation du défaut de l’État libanais sur sa dette, en mars 2020, qui a accéléré et amplifié l’effondrement économique et financier du pays.

Il ne s’agit aucunement de défendre la gestion des affaires publiques qui était en cours avant le 17 octobre 2019, mais la question qui est légitime de poser est celle relative aux alternatives proposées à cette gestion. Du point de vue de Soros, l’objectif était clairement de remplacer les vieux fondés de pouvoir du capital, selon la formule consacrée de Karl Marx, par de nouveaux fondés de pouvoir plus flexibles aux suggestions du généreux donateur. En somme, une réédition dans le contexte libanais de scénarios des révolutions de couleurs, véritable « contre-révolution préventive », que Georges Soros a mis en œuvre avec succès dans divers autres pays.

 
 
 
* Droit de réponse
L’Association « Kulluna Irada » a réagi à l’article intitulé Georges Soros ou la "contre-révolution préventive" paru sur le site d’ICI Beyrouth le 15 mai 2023 en indiquant que celui-ci contiendrait des informations infondées et que ladite association « est entièrement financée par ses membres, exclusivement des personnes physiques libanaises vivant au Liban et à l’étranger ». Kulluna Irada affirme à cet égard qu’elle « n’accepte aucun financement, étranger ou provenant de personnes morales, en vertu de ses statuts ». Par ailleurs, elle estime que « l’organisation a été pionnière en matière de transparence en publiant les comptes liés à l’assistance qu’elle a fournie aux listes réformatrices lors des élections législatives de 2022 ». Enfin, l’association regrette de ne pas avoir été contactée par l’auteur de l’article « à propos de son financement ».
Ici Beyrouth a pris acte de la demande de droit de réponse de Kulluna Irada et l’a publiée sur son site. Cela dit, nous invitons l’association, par souci de la transparence dont elle s’enorgueillit, à publier la liste de ses donateurs, les sommes versées par ces personnes physiques ou morales ainsi que le bilan de Kulluna Irada. Nous serons les premiers à en faire état.
 
**Droit de réponse
Votre site web, "Ici Beyrouth", a publié le 15 mai un article mettant en lumière le financement de l'organisation "Open Society Foundation" pour un certain nombre d'organisations de la société civile, avec une image représentative mettant en avant l'Association Libanaise pour la Démocratie des Élections (LADE) dans le visuel de l'article.
Bien qu'elle exprime ses réserves et son indignation quant au contenu de l'article et au langage incitatif utilisé contre les associations, LADE tient à nier clairement et en détail toute allusion ou confirmation selon laquelle elle aurait reçu un financement de ladite institution.
LADE rappelle à tous ceux qui s'intéressent à cette question qu'elle est transparente concernant ses sources de financement, lesquelles sont publiées sur son site web et peuvent être consultées par ceux qui le souhaitent.
Tout en confirmant le droit des associations en général à recevoir un financement pour leurs projets dans le cadre des dispositions légales en vigueur, LADE insiste sur sa pleine transparence dans ce contexte.
L'association regrette également le contenu de l'article, en particulier le fait qu'aucun contact n'ait été établi avec elle, ni par l'auteur ni par la direction du site concerné.
Et conformément au droit de réponse, l'association demande la publication de cette clarification sur vos pages, tout comme l'article de plainte a été publié.
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