Le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, a stigmatisé une " politique des deux poids deux mesures ", en commentant la décision de la juge d’instruction française, Aude Buresi, qui a délivré mardi un mandat d’arrêt à son encontre parce qu’il n’a pas comparu devant elle.

Estimant que la juge a agi en violation des lois " parce qu’elle n’a pas respecté les règles " de procédure, M. Salamé a annoncé qu’il compte faire appel de cette décision. Il a précisé que Mme Buresi n’a pas tenu compte des délais prévus par la loi française, sachant qu’elle en avait été notifiée, avant de développer une argumentation juridique pour montrer notamment une atteinte à la présomption d’innocence.

De sources judiciaires, on apprend que le Liban n’a pas été officiellement notifié du mandat d’arrêt contre M. Salamé.

Lorsque les autorités compétentes seront notifiées par les voies officielles, elles demanderont à la justice française de lui soumettre le dossier du gouverneur et les preuves sur lesquelles Mme Berusi s’est fondée pour requérir son arrestation, indique-t-on de mêmes sources.

Au cas où il s’avèrerait que les preuves soumises méritent un suivi, le Liban prendra les mesures qui s’imposent au niveau judiciaire, du moment que les lois libanaises n’autorisent pas l’extradition d’un ressortissant Libanais, toujours selon les mêmes sources.

Pierre-Olivier Sur à "Ici Beyrouth"

Contacté par Ici Beyrouth, l’avocat français du gouverneur de la Banque centrale et bâtonnier de l’Ordre des avocats, Pierre-Olivier Sur, a révélé qu’il a appris l’existence du mandat d’arrêt international émis à l’encontre de Riad Salamé par la presse. Celui-ci est ainsi "décerné sur le fondement d’une convocation manifestement hors délai et constituerait un abus de droit et une voie de fait", a-t-il ajouté. Et Me Sur d’affirmer: "Nous saisirons les tribunaux compétents."

L’intégralité du communiqué de Riad Salamé

Voici, par ailleurs, le texte du communiqué publié par Riad Salamé:

1- La juge d’instruction française, madame Aude Buresi, a rendu publique aujourd’hui une décision qui constitue une violation flagrante des lois les plus élémentaires, puisque la juge n’a pas respecté les délais prescrits par la loi française, malgré sa connaissance avérée de ses dispositions. J’ai donc décidé de faire appel de cette décision qui est une infraction claire aux lois.

2-En ignorant explicitement la loi, la juge a également occulté l’application de la Convention des Nations unies de 2003 et les procédures internationalement reconnues, en particulier dans le cadre de l’entraide judiciaire internationale. Comment est-il possible qu’un juge applique les accords internationaux de manière unilatérale?

3-Il convient de rappeler que l’enquête française a omis un principe fondamental lié à la confidentialité des investigations. En effet, il est devenu évident dans les articles parus récemment dans la presse, dont notamment les informations rapportées par l’agence Reuters en date du 21/4/2023, que les agences de presse ont eu accès sans restriction aux documents confidentiels relatifs à l’enquête et sont informées à l’avance des intentions des enquêteurs et des juges.

4-Il ne fait aucun doute que l’enquête française contredit le principe de la présomption d’innocence dans son traitement et dans son application sélective des textes et des lois. La juge française, madame Aude Buresi, a certainement basé sa décision sur des préjugés, sans tenir compte des éléments de preuve qui lui ont été présentés. En outre, son obstination récente l’a menée à négliger les règles de procédure prévues dans le droit français et dans les conventions internationales.

5- Un autre exemple de cette situation réside dans l’ingérence de la juge française, madame Aude Buresi, dans la désignation des avocats français pour représenter l’État libanais, un fait largement rapporté dans la presse libanaise, et qui a conduit à un report de dernière minute de l’audience d’appel que j’avais initiée.

6- Enfin, alors que l’enquête française, initiée sur base des plaintes systématiques déposées par mes adversaires, avance à un rythme soutenu, l’action en justice que j’ai engagée devant la justice française concernant l’affaire Crystal Credit, un dossier sans fondement, est restée en suspens pendant trois ans malgré nos efforts assidus.

Ainsi s’applique à mon égard la politique des deux poids deux mesures!