Le Hezbollah a organisé dimanche ses plus importantes manœuvres militaires depuis des années au Liban-sud, dévoilant des armes lourdes et simulant des attaques contre le territoire israélien. Ces exercices interviennent dans un contexte de détente régionale, marqué notamment par la réconciliation saoudo-iranienne et le retour de la Syrie au sein de la Ligue arabe. Si la formation pro-iranienne a souhaité faire une démonstration de force, et défier Israël, sa démarche a aussi été perçue comme une provocation aux autorités libanaises, et aux États arabes. Il convient de noter que ces manœuvres ont eu lieu six mois après la conclusion d’un accord entre le Liban et Israël, délimitant leurs frontières maritimes, et assurant la répartition des gisements gaziers offshore, avec le soutien tacite du Hezbollah, dans le cadre d’arrangements de sécurité conclus sur ce plan avec Israël au niveau de ces frontières maritimes.

Dans les faits, quelque 200 combattants du mouvement pro-iranien ont participé à ces exercices à munitions réelles à Aaramta, à une vingtaine de kilomètres de la frontière avec Israël, organisés pour marquer l’anniversaire du retrait israélien du Liban en 2000.

Des dizaines de journalistes avaient été invités pour couvrir ces manœuvres au cours desquelles le Hezbollah a simulé notamment une attaque de drone contre une localité israélienne. Selon l’AFP, des combattants ont également simulé une attaque en territoire israélien au cours de laquelle ils ont fait exploser des véhicules et retiré un corps de l’un d’eux.

Des snipers ont tiré à balles réelles sur des cibles métalliques ornées de l’étoile de David, tandis que des combattants ont sauté à travers des cerceaux enflammés. Des armes anti-aériennes, des explosifs et des lance-roquettes multiples ont été exposés au cours des exercices.

Safieddine

" Si certaines personnes au sein de l’entité sioniste songeaient à commettre une bêtise, nous arroserons cette entité avec nos missiles de précision et avec toutes les armes à notre disposition ", a prévenu lors de ces exercices Hachem Safieddine, président du conseil exécutif de la formation chiite.

S’adressant au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, il a dit : "Si vous pensez étendre votre agression pour saper les équations que nous avons dessinées avec notre sang et notre capacité, vous assisterez à des jours sombres que vous n’avez jamais vus auparavant. "

Aux combattants de la formation, il a promis qu’ils garderont les armes " jusqu’à ce que la victoire totale soit réalisée ". Il a appelé le peuple libanais à l’unité, et l’a invité à se rassurer, " car la Résistance est là pour protéger le Liban et sa souveraineté ".

Réaction israélienne

Israël n’a pas tardé à réagir aux exercices du Hezbollah. Le porte-parole de l’armée israélienne Avichay Adraee a estimé que " loin des slogans, ces manœuvres défient en premier lieu le gouvernement et l’État libanais ainsi que leurs engagements ".

" Quant aux menaces, nous y sommes habitués de la part de ceux dont le rôle destructeur a été dévoilé, dans l’assassinat des Libanais, des Syriens et des Arabes et la mise en œuvre des agendas iraniens dans le monde arabe", a-t-il ajouté.

Réactions libanaises

Au niveau libanais, les manœuvres du Hezbollah ont suscité des réactions de la part de responsables politiques.

Le chef du parti Kataëb, le député Samy Gemayel, a souligné que " les manœuvres du Hezbollah au Liban-sud constituent un message de défi aux Libanais d’abord, et au sommet arabe ensuite, et donnent une image de la patrie qui nous attend " si cette formation " consolide son hégémonie sur le pays ".

Dans un tweet, Gemayel s’est adressé à la communauté arabe et internationale en disant : " Acceptez-vous la dualité des armes, les manœuvres militaires et la mainmise sur la décision de l’État dans vos pays ? "

Le député Nadim Gemayel (Kataëb) s’est quant à lui demandé " quelle est la position de l’armée et du gouvernement libanais vis-à-vis de la violation de la souveraineté du Liban par la milice pro-iranienne, après ses défilés militaires au Liban-sud ? ". " Nous attendons une position officielle claire et franche de l’armée et du gouvernement libanais ", a-t-il ajouté dans un tweet.

Pour le député Ghayath Yazbeck (Forces libanaises), " cette démonstration fait partie des opérations programmées par le Hezbollah pour affaiblir l’autorité de l’État libanais et confirmer son contrôle des frontières ". Elle constitue " une poursuite du coup d’État du Hezbollah contre l’État, à travers ses frontières avec Israël, et une confirmation du mini-État auquel le ministre iranien des Affaires étrangères a donné sa bénédiction lors de sa récente visite ", a-t-il ajouté.

Quant au député Ashraf Rifi, il a déclaré, à l’adresse de la formation pro-iranienne : "Ces démonstrations ne nous intimideront pas, nous vous ferons face et ne permettrons pas la prolongation du mandat infernal pour six années supplémentaires. "

Il a appelé le Hezbollah à la sagesse, ajoutant : " Ce que vous avez fait aujourd’hui contredit l’esprit et le texte de l’accord de Taëf. Souvenez-vous que l’encre des résolutions du sommet arabe à Jeddah n’a pas encore séché. "