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Dans l’acte d’accusation qui a été rendu jeudi, dans l’affaire du meurtre du soldat irlandais de la Finul, Seán Rooney, lors d’une attaque à main armée contre une voiture de la force internationale, le 14 décembre 2022, au sud de Saïda, le nom du Hezbollah ne figure pas en tant qu’instigateur de l’opération.

Le juge d’instruction militaire, Fadi Sawan, chargé de l’enquête, a retenu au terme des investigations la responsabilité de cinq personnes, pour "homicide volontaire". Il s’agit de Mohammad Ayad (arrêté après avoir été livré par le Hezbollah) et de quatre autres fugitifs: Ali Khalifé, Ali Salmane, Hussein Salmane et Moustapha Salmane.

Contacté par Ici Beyrouth, le Hezbollah nie toute affiliation avec les agresseurs. Une source responsable du parti a également démenti à l’AFP les informations, relayées la veille par une source judiciaire, selon lesquelles les cinq personnes citées dans l’acte d’accusation sont des membres du Hezbollah.

Le responsable de la formation pro-iranienne, qui a refusé d’être nommé, a assuré à l’AFP que "l’acte d’accusation ne fait aucun lien avec le Hezbollah", et s’est dit surpris par les "déclarations de la source judiciaire, alors que le document est clair et explicite".

Il a ajouté que sa formation "n’était nullement impliquée dans le problème entre les habitants et la patrouille irlandaise".  Au contraire, a-t-il dit, " le Hezbollah a joué un rôle majeur dans l’apaisement des tensions lors de l’incident". "Il avait mené à l’époque les contacts nécessaires avec le commandement de l’armée libanaise et de la Finul" et avait "incité les habitants à coopérer avec l’armée et la justice militaire", a ajouté le responsable hezbollahi.

Or, dans les faits et tel que rapporté dans l’acte d’accusation, les images des caméras de surveillance qui se trouvaient près du lieu de l’agression montrent les cinq hommes en train d’agresser le véhicule des Casques bleus. On les entend également crier, au moment de l’acte, "Nous faisons partie du Hezbollah".

Long de trente pages, l’acte d’accusation inclut toutes les preuves sur lesquelles le juge d’instruction s’est appuyé, à savoir les témoignages et les enregistrements obtenus grâce aux caméras de surveillance. "Dans les vidéos, on voit clairement que la patrouille de la Finul a été encerclée de toutes parts avant d’être attaquée par des hommes armés, dont l’un a revendiqué leur appartenance au Hezbollah", est-il précisé dans le document.

Une appartenance officieuse

"Il faut dire que ces individus pourraient appartenir officieusement au parti et avoir agi à titre individuel, sans qu’aucun ordre ne leur ait été donné dans ce sens", indique une source proche du dossier interrogée par Ici Beyrouth.

Dans l’acte d’accusation, ils sont désignés par le juge Sawan comme étant un "groupe de malfaiteurs ayant intentionnellement tué le soldat irlandais". Ils sont, de ce fait, "soumis à l’article 335 du Code pénal libanais qui condamne les associations de malfaiteurs et à l’alinéa 5 de l’article 549 du même Code qui prévoit la peine capitale en cas d’homicide intentionnel commis avec préméditation", est-il mentionné dans le document.

M. Sawan se base également sur l’article 45 de la convention signée entre le gouvernement libanais et les Nations unies qui prévoit que "les auteurs des crimes commis contre les forces de la Finul ou l’une de ses composantes seront soumis au texte relatif aux crimes intentés contre des forces de sécurité locales".

D’ailleurs, dans l’acte d’accusation, il est dit que le crime a été commis après que la patrouille de la Finul, qui se dirigeait vers Beyrouth, avait emprunté un autre chemin que celui qu’elle prend habituellement. Elle est de ce fait passée par le village d’Al-Aaqibiyé, au sud de Saïda, où le Hezbollah est prépondérant.

Selon la source susmentionnée, "une telle description des faits prouve que le crime n’a pas été préalablement planifié".

Le véhicule a été intercepté par des habitants du village qui ont reproché aux Casques bleus d’avoir suivi un itinéraire différent de celui emprunté en temps normal. Un groupe d’entre eux a ensuite attaqué le véhicule. Les Casques bleus ont tiré des coups de semonce en essayant de se retirer, mais les assaillants ont tiré sur eux à bout portant, tuant sur le coup le chauffeur, le jeune Seán Rooney, avant que le véhicule ne se renverse en percutant un pylône.

Mandat de la Finul

Le mandat de la Finul arrive à expiration au mois d’août 2023, après une prorogation d’un an (en 2022). Le Conseil de sécurité ne doit pas tarder à entamer les consultations d’usage en vue de son renouvellement. Un rendez-vous à suivre avec attention, d’autant que deux événements majeurs seront retenus: les résultats de l’enquête sur le meurtre du soldat Seán Rooney et les manœuvres militaires du Hezbollah organisées le mois dernier au Liban-sud.

Le 21 mai, environ 200 combattants du mouvement pro-iranien ont "célébré" l’anniversaire du retrait israélien du Liban en 2000 en participant à des exercices à munitions réelles à Aaramta, à une vingtaine de kilomètres de la frontière avec Israël. Une démonstration de force qui représente une violation flagrante de la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU.

S’ajoutent à ces deux "incidents" les accusations à l’encontre de l’ONG "Green Without Borders" (GWB), rattachée au Hezbollah. La mission déclarée de cette ONG est de planter des arbres et de lutter contre les incendies de forêts, mais la formation pro-iranienne l’utilise en fait pour bloquer les caméras de surveillance israéliennes au niveau de la clôture frontalière.

Dans son rapport trimestriel devant le Conseil de sécurité sur l’application de la 1701, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, avait exprimé sa préoccupation face, entre autres, "aux attaques incessantes contre la Finul".

M. Guterres avait également relevé que la force internationale "n’avait toujours pas obtenu un plein accès à plusieurs lieux présentant un intérêt, dont les sites de Green Without Borders, les tunnels franchissant la Ligne bleue et des champs de tir repérés dans le secteur, et cela malgré les demandes répétées adressées aux autorités libanaises".