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Le Liban reproche à la communauté internationale de prolonger la présence des réfugiés syriens sur son territoire. Les gouvernements libanais successifs, qui, dès le départ, n’ont pas su gérer la crise des réfugiés, devraient en porter la plus grande responsabilité.

Le ministre sortant des Affaires étrangères Abdallah Bou Habib a tiré jeudi la sonnette d’alarme, mettant en garde contre les risques que pose la présence de réfugiés syriens au Liban.

"Le peuple libanais a généreusement accueilli les réfugiés syriens, mais leur présence prolongée se répercute sur l’économie, l’environnement et la situation politique", a-t-il déclaré lors de la septième conférence sur les réfugiés syriens qui s’est tenue jeudi à Bruxelles. Parrainée par l’Union européenne, la rencontre était placée sous le thème "Soutenir l’avenir de la Syrie et de la région".

"Leur présence constitue aussi un danger pour le tissu social libanais", a poursuivi M. Bou Habib. "Le Liban ne doit pas devenir un immense camp de réfugiés", a-t-il martelé.

M. Bou Habib a critiqué la communauté internationale pour avoir "concentré" ses efforts sur l’aide aux réfugiés syriens, "ignorant les appels du Liban" pour une assistance supplémentaire. Il a noté à cet égard que le pays subit des pertes de quelque 5 milliards de dollars par an pour les accueillir.

Pour Talal Doueihy, chef du mouvement nationaliste al-Arad, les gouvernements libanais qui se sont succédé sont entièrement responsables de la présence "chaotique et désorganisée" des déplacés syriens, dont le nombre s’élèverait, selon lui, à 2,4 millions.

"Pendant plus de douze ans, les gouvernements libanais ont traité la question avec une négligence totale, a dénoncé M. Doueihy, dans une interview accordée à This is Beirut. Ils n’ont même pas pris la peine de créer une base de données (sur leur nombre et les endroits dans lesquels ils se trouvent), ni d’organiser leur présence ou d’y imposer des restrictions."

Soulignant que de nombreux réfugiés sont favorables au régime de Bachar el-Assad et n’ont aucune raison de ne pas retourner dans leur pays, M. Doueihy a accusé le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) de les encourager à rester au Liban en leur fournissant de l’argent liquide et d’autres types d’assistance.

"Le vrai danger réside également dans le fait que des milliers de naissances syriennes ne sont pas enregistrées, poursuit M. Doueihy.  De plus, les jeunes Syriens, en particulier ceux qui ne connaissent pas leur pays, se sont habitués à la vie au Liban et ne voudraient pas rentrer chez eux". Or, a-t-il estimé, "leur présence continue met en péril la paix civile".

Dans un document de travail présenté à la conférence de Bruxelles, le Liban a fait appel à une aide internationale supplémentaire pour alléger le fardeau que pose pour le pays l’accueil des réfugiés. Il a également demandé à la communauté internationale d’entreprendre, en coordination avec la Ligue arabe, les démarches nécessaires pour assurer leur retour "en toute sécurité et dans la dignité" dans leur pays d’origine.

Le Liban reste le pays qui accueille le plus grand nombre de réfugiés par habitant, le gouvernement estimant à 1,5 million le nombre de réfugiés syriens sur son territoire, alors que selon les chiffres officieux, ils seraient plus de 2 millions, dont plus de 800.000 enregistrés auprès du HCR. Depuis 2015, l’agence onusienne n’enregistre plus les réfugiés, conformément à une décision "erronée" du gouvernement libanais.

Aucun camp officiel n’a été établi au Liban pour les réfugiés syriens. Par conséquent, ces derniers se sont dispersés dans les différentes régions. Ils vivent dans des villes et des villages, ou installent spontanément des campements dans l’ensemble du pays. Les régions telles que le Liban-Nord et la Békaa connaissent la plus forte concentration de réfugiés, accueillant respectivement 28% et 34% des déplacés enregistrés. Beyrouth et le Mont-Liban accueillent 26% d’entre eux, alors que 12% des réfugiés enregistrés sont installés au Liban-Sud.

Mais, dans le contexte d’une crise économique écrasante qui a plongé la majeure partie du Liban dans la pauvreté, le ressentiment anti-syrien s’est accru d’une façon substantielle. De fait, le gouvernement a appelé les réfugiés à rentrer chez eux et les forces de sécurité ont expulsé plusieurs dizaines d’entre eux vers la Syrie.

Jeudi, au terme de la conférence, l’Union européenne a promis une enveloppe de 560 millions d’euros (près de 600 millions de dollars) pour aider les pays voisins de la Syrie à faire face aux coûts qu’impose l’accueil des "déplacés syriens de la guerre".

Dans un rejet implicite des appels à leur rapatriement, le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a déclaré que l’UE ne soutenait pas le retour des Syriens dans leur pays, à moins qu’il ne soit "volontaire", qu’il se fasse en toute sécurité et qu’il ne soit supervisé par des groupes internationaux.

Plus tôt dans la journée de jeudi, le ministre sortant des Affaires sociales, Hector Hajjar, tenu à l’écart de la réunion en raison de son franc-parler contre les politiques de l’UE en matière de réfugiés, a écrit sur son compte Twitter: "Dans les coulisses de la conférence de Bruxelles, les Européens restent inflexibles, rejetant le retour des réfugiés dans leur pays. Il est de leur devoir de nous aider (les pays d’accueil). Cependant, pour les Libanais, le retour des Syriens dans leur pays est la seule solution réelle et acceptable."

Selon les Nations unies, plus de 12 millions de Syriens ont été déplacés en raison du conflit, la plupart d’entre eux à l’intérieur de la Syrie, alors que 5,4 millions vivent en tant que réfugiés dans les pays voisins.