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La troisième commémoration du 4 août est marquée par l’obstruction de l’enquête. Le seul espoir pour apaiser les familles des victimes éplorées par la perte de leurs proches reste une enquête internationale impartiale. Et pour cause: entre l’enquête locale qui piétine et les appels internationaux pour la poursuite de l’enquête, les questions qui se posent sont les suivantes: où en est l’enquête? Quel est le sort des pétitions lancées et adressées à la communauté internationale?

Dans un entretien accordé à Houna Loubnan, Georges Okais, député du bloc parlementaire la "République forte", confirme que le "bloc reste inflexible quant à sa demande initiale et fondamentale de mettre en place une commission d’enquête internationale, sous l’égide du secrétaire général des Nations unies ou du Conseil des droits de l’homme. Cette requête s’est d’ailleurs vue légitimée au fil du temps. En effet, près de 17 députés ont signé une pétition le 17 août 2020, quelques jours après l’explosion."

M. Okais considère que la première pétition n’a pas abouti en raison du manque de preuves et d’une enquête locale entravée à l’époque, voire au point mort! Cependant, à la suite des difficultés auxquelles le juge Bitar a été confronté dans sa poursuite de l’enquête et aux recours en dessaisissement et en récusation formulés à son encontre, la perception de la communauté internationale a tout bonnement changé. En 2021, une deuxième pétition a été déposée auprès du Conseil des droits de l’homme en collaboration avec les familles des victimes et les organisations humanitaires.

Le député Okais ajoute qu’"une déclaration commune a été émise à la suite d’une recommandation de l’Australie au Conseil des droits de l’homme, invitant le gouvernement libanais à poursuivre l’enquête locale. L’obstruction actuelle de l’enquête locale est la raison pour laquelle une enquête internationale est devenue nécessaire; la résolution du Parlement européen est la première résolution internationale à recommander explicitement la création d’une commission d’enquête. Il s’agit d’un développement majeur qui peut constituer une base solide pour l’étape suivante, d’autant plus que cela répond aux demandes des familles des victimes, que nous soutenons."

Par ailleurs, M. Okais appelle à persévérer dans la lutte et la résilience, car la quête de vérité sur l’explosion du port reste une demande libanaise constante à laquelle on ne peut renoncer quelles que soient les circonstances ou les justifications, tout en insistant sur l’importance de ne pas céder au désespoir.

Selon Antonella Hitti, la sœur de Charbel Hitti, trois ans après l’explosion, les familles des victimes ont toujours l’impression que l’enquête en est toujours au stade initial, tandis que l’ironie réside aujourd’hui dans la libération des accusés.

Elle souligne que "l’obstruction à l’enquête a suscité un désespoir, incitant les familles des victimes à solliciter l’intervention d’une commission d’enquête internationale".

"Nous sommes tous conscients de la corruption qui gangrène toutes les sphères de l’État, ajoute-t-elle avec conviction. Toutefois, les consciences éclairées et dotées d’une responsabilité morale, ainsi que la détermination à nous soutenir pour que la vérité éclate, nous motivent à surmonter les obstacles. En dépit de tout, nous gardons l’espoir que le juge Bitar ne nous décevra pas. Nous continuons d’apporter notre soutien au système judiciaire libanais, malgré toutes les difficultés, pour faire éclater la vérité."

De plus, Mme Hitti estime que "le principal obstacle entravant l’enquête réside sans aucun doute dans l’entité criminelle qui redoute la révélation de la vérité et s’efforce de la dissimuler", pointant du doigt également ceux affiliés au Hezbollah, dont les députés ont catégoriquement refusé de souscrire aux pétitions liées à l’enquête internationale.

En ce qui concerne les recommandations du Parlement européen concernant l’instauration de sanctions aux individus entravant l’enquête, la sœur du défunt a souligné que c’est une étape internationale cruciale qui soutient les efforts des familles visant à mettre en place une commission d’enquête internationale. Cependant, elle émet des réserves quant à la libération des accusés, estimant qu’une telle mesure pourrait rendre la situation plus complexe, tout en espérant voir les suspects et tous les acteurs impliqués dans ce crime sous les verrous.

Elle conclut en affirmant: "Depuis le jour de l’explosion, avec la visite du président français qui a exprimé son soutien à l’enquête sans prendre de mesures concrètes, et jusqu’à aujourd’hui où les pays européens s’attellent au dossier de l’enquête, le Parlement européen a récemment réaffirmé son engagement envers les familles des victimes et la quête de vérité qui nous appartient. Nous refusons de revivre un nouveau 4 août."