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L’on assiste depuis quelque temps à une régression de l’optimisme qui a accompagné la signature de l’accord de Pékin, le 10 mars, entre l’Arabie saoudite et l’Iran dans le but de stabiliser la situation dans la région. En effet, Téhéran a posé des conditions pour traiter plusieurs questions conflictuelles, donnant par le fait même un coup de frein au processus de Pékin.

La crise entre les deux pays a repris de plus belle, en particulier après le différend entre l’Iran et l’Arabie saoudite sur le champ pétrolier de Dorra, ainsi que le différend entre l’Iran et les pays du Golfe sur les trois îles de Tounb al-Kobra, Tounb al-Soghra et Abou Moussa.

Plusieurs indicateurs négatifs contribuent à la dissipation de l’optimisme, notamment : l’arrêt des négociations multilatérales à Oman entre Washington, Téhéran, Damas et Riyad, ainsi que l’interruption de la normalisation arabe avec la Syrie, car le président Bachar al-Assad n’a pas respecté son engagement concernant la fin de l’exportation du Captagon, ce qui a entravé le retour des déplacés et compliqué le règlement de la guerre au Yémen. Dans ce cadre, l’Iran se livre à une escalade par le biais de ses agents pour maintenir les tensions dans la région.

Pendant ce temps, l’Arabie saoudite s’est engagée à respecter l’accord de Pékin, en particulier la clause concernant le " respect de la souveraineté des États, la non-ingérence dans les affaires intérieures et la promotion de la paix et de la sécurité régionales et internationales ". Cependant, l’Iran a continué à utiliser et à exploiter ses suppôts dans la région, en particulier au Liban à travers le Hezbollah, pour servir ses intérêts stratégiques.

Selon un expert militaire, la conflagration dans le camp d’Ain el-Hélwé s’inscrit dans le contexte de l’escalade iranienne, suite à un léger déclin de son influence dans la région après l’accord de Pékin.

Certains cercles politiques proches de l’axe obstructionniste estiment qu’en réaction aux pressions exercées sur l’Iran, Téhéran a renforcé sa présence politique, militaire et sécuritaire en Syrie, et a relancé des accords économiques, comme l’a annoncé le ministre iranien des Affaires étrangères, Hussein Amir-Abdollahian, après avoir reçu son homologue syrien, Fayçal Mokdad, à Téhéran, lors d’une visite qui a été perçue comme "un message" de l’Iran en réponse à la tentative d’affaiblir son influence.

Les affrontements à Ain el-Hélwé entre les " islamistes " et le Fatah s’inscrivent dans le cadre de l’escalade iranienne visant à contrôler le camp ; l’axe obstructionniste cherche à unifier les fronts et à intensifier les activités en "terres iraniennes", à savoir le Liban, la Syrie, l’Irak, le Yémen et Gaza, avec des intensités variables et conformément à un plan élaboré. D’un autre côté, certains parties placent l’escalade dans le cadre de la réconciliation inter-palestinienne, parrainée par la Turquie et l’Égypte, dans un effort visant à éliminer l’implication iranienne dans le dossier palestinien. Le but recherché sur ce plan est d’unifier les positions palestiniennes, en prévision des négociations avec Israël pour la mise en place de la solution à deux États qui permettrait de mettre fin au conflit israélo-arabe.

D’aucuns ont fait assumer la responsabilité de l’escalade au chef des services de renseignements palestiniens, le général Majed Faraj, qui a effectué une visite inopinée à Beyrouth alors qu’il était en route pour la Turquie pour participer à une réunion de réconciliation parrainée par le président Recep Tayyip Erdogan entre le président Mahmoud Abbas et le chef du bureau politique du Hamas, Ismail Haniyeh.

Certains milieux politiques proches de l’axe obstructionniste ont également accusé Israël d’avoir provoqué les affrontements dans le camp, adressant un message clair aux Palestiniens dont il ressort qu’Israël "est capable de provoquer une escalade palestinienne et de faire échouer la réconciliation". Israël pourrait également attiser les profondes divisions entre les Palestiniens, compliquant ainsi les négociations pour une solution à deux États. C’est également un message au Hezbollah, mettant en relief le fait qu’Israël peut s’infiltrer au Liban-Sud et dans le camp et couper la route du Sud au niveau de Saida. De même, Tel-Aviv chercherait à démontrer que l’Iran ne détient plus la carte palestinienne. Ainsi, Israël a enflammé le camp pour empêcher la réconciliation, car l’unité palestinienne a des implications à l’intérieur d’Israël et sur le gouvernement de Benjamin Netanyahu.

La situation à Ain el-Hélwé est une poudrière, affirme un expert militaire. Tant que la situation ne revient pas à la normale avec le démantèlement des barricades et des fortifications, l’on craint de nouvelles confrontations en dehors du camp, et l’on peut également craindre de graves développements si les islamistes prennent le contrôle des camps. La situation dans les tunnels de Naamé, Qousayya et d’autres sites palestiniens en dehors des camps est préoccupante. Les parties locales n’ont pas réussi en effet à mettre en œuvre la résolution de la conférence de dialogue de 2006 visant à désarmer les Palestiniens en dehors des camps et à les confiner à l’intérieur.

Selon un ancien ministre, la région se trouve sur la bouche d’un volcan. Deux projets s’affrontent : le projet de règlement et de paix globale, et le projet de la Moumanaa, de l’axe obstructionniste. Ce conflit a révélé une fois de plus que le Hezbollah met en avant l’agenda de l’Iran dans la région au détriment de l’agenda libanais.

C’est ce que la commission des affaires étrangères du Congrès a indiqué dans sa lettre au président Joe Biden, dans laquelle elle l’a "appelé à mobiliser tous les moyens nécessaires pour empêcher le Liban de tomber sous l’emprise de l’Iran". La lettre souligne que Nabih Berri n’est qu’un simple prolongement du Hezbollah, et il utilise les procédures parlementaires pour empêcher l’élection d’un président.

Des milieux diplomatiques occidentaux confirment qu’il n’y aura pas de président tant que le règlement régional n’aura pas muri, en dépit des indications émanant de sources américaines qui font état de "la signature d’un règlement en octobre prochain entre Israël et l’Arabie saoudite de manière à parachever l’accord de paix Abraham entre Israël et les pays arabes".

 

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