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Les troubles politiques en cours, les violations de sécurité itinérantes, l’escalade et l’augmentation des tensions sectaires semblent pousser à une résolution rapide de la crise et à l’élection d’un président de la République, d’autant plus que la stabilité, à laquelle tout le monde est attaché, commence à vaciller et menace de rompre la trêve fragile, aussi bien en termes de sécurité que sur les plans politique, économique et populaire.

C’est ainsi que se présente la situation actuelle au Liban, dictée par les circonstances régionales, alors que les scénarios prometteurs prennent un tournant négatif, au vu des conflits et de la tension qui prévaut à plus d’un niveau. Dans ce contexte, est-ce que cette nouvelle dynamique précipitera le règlement des problèmes et la réalisation des échéances au cours de cette année, ou bien, comme s’interroge l’opposition, l’élection d’un président sera-t-elle tributaire du grand règlement régional?

Des cercles politiques arabes font valoir que les événements régionaux ont conduit à un désaccord sur le rôle et l’influence de l’Iran dans la région, à la suite du refus des pays arabes de toute influence non arabe dans la région. Cela s’est notamment manifesté par le refus d’inclure l’Iran dans la réunion du groupe des Cinq de Paris pour résoudre la crise au Liban. Les pays arabes ont ainsi décidé de gérer leurs propres affaires et de résoudre leurs crises activement. Cela a contribué à renforcer le rôle de certaines nations, dont l’Arabie saoudite, en tant qu’acteur régional et international, à travers diverses conférences, dont la plus récente a été la conférence internationale pour la paix en Ukraine.

Ces développements ont également entravé les négociations sur le nucléaire, ce qui a incité les États-Unis à revenir dans la région en renforçant leur présence militaire le long de la frontière syro-irakienne, en fermant les voies de communication iraniennes avec le Liban via le passage syrien al-Tanf et en empêchant l’acheminement d’armes au Liban. Selon certains observateurs, l’arrivée de la Cinquième Flotte et de navires de débarquement transportant des hélicoptères d’attaque vise à placer la région en phase avec l’agenda américain.

Une nouvelle phase a été entamée, visant à délimiter les "frontières" politiques et l’influence des États dans la région et à accélérer la finalisation des accords d’Abraham entre les pays arabes et Israël pour renforcer le climat de stabilité dans la "zone pétrolière et gazière" qui s’étend de l’Égypte à la Grèce. L’objectif est de maintenir la sécurité et le calme dans cette région, tout en assurant le transport du pétrole et du gaz des pays de cette zone vers l’Europe; cette dernière tente en effet de se libérer définitivement de sa dépendance au pétrole russe. C’est ainsi que la présence militaire américaine a été renforcée en mer Méditerranée, dans le golfe Arabo-Persique ainsi que dans les détroits, afin d’assurer la sécurité de la navigation maritime.

Dans ce contexte fluctuant, après l’échec de l’accord de Pékin et la résurgence des accords d’Abraham, le Liban est tiraillé entre deux projets: le projet de la "Moumanaa" ou l’axe obstructionniste, et celui de la solution globale visant à mettre fin aux conflits, en commençant par le règlement de la question palestinienne via une solution à deux États. Cela explique l’urgence de la réconciliation palestinienne pour entamer les négociations en septembre, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies, comme l’ont indiqué des sources bien informées.

Partant, selon des sources de l’opposition, la récente confrontation dans le camp de Aïn el-Héloué, orchestrée par l’Iran, avait pour objectif d’adresser aux acteurs régionaux et internationaux un message dont il ressort que la question palestinienne demeure au cœur de l’agenda iranien et que le Liban est un élément clé de cette stratégie. La visite d’un responsable iranien au président Nabih Berri et au Hezbollah s’inscrit notamment dans ce contexte.

Les Cinq de Paris souhaitent que le Liban reste en dehors des tensions et devienne un État neutre qui n’intervient pas dans les conflits régionaux et se limite à la déclaration de Baabda et à la politique de non-alignement. Ces jours-ci, il est énormément question de délimiter les frontières au Liban sud après la finalisation des frontières internationales maritimes. L’objectif est de permettre au Liban de retrouver son rôle distinctif en tant que modèle de coexistence entre différentes civilisations et religions, un espace de dialogue et un message, comme l’a souligné le pape Jean-Paul II.

Le Liban réussira-t-il ainsi à sortir de l’ombre de la "Moumanaa"?

Les tensions actuelles et les positions rigides en disent long sur la question. Le Hezbollah répond à toutes les situations en réaffirmant son soutien à la candidature de Sleiman Frangié, estimant qu’il ne le trahira pas, comme l’affirment les dirigeants du parti. En effet, le Hezbollah craint l’arrivée d’un président dont il n’aurait pas les faveurs.

Par ailleurs, certains observateurs estiment que la période à venir, après la décision du Conseil de sécurité de renouveler le mandat de la Finul, sera marquée par des développements importants qui pourraient orienter le Liban vers une nouvelle direction. Des cercles politiques occidentaux évoquent également une implication diplomatique régionale et internationale dans le nouveau processus qui pourrait aider le Liban à sortir de sa crise.

Les récents développements, en particulier sur le plan sécuritaire, auront des répercussions sur la mission de l’émissaire français, l’ancien ministre Jean-Yves Le Drian, à la suite de la résolution internationale portant sur la Finul, attendue à la fin du mois d’août. Est-ce que cela facilitera ou compliquera sa mission, qui vise à élire un président, en fonction de la nature et de la complexité de cette étape? La décision de mettre fin aux conflits régionaux a été prise et est en cours d’application, mais aucune partie, locale ou étrangère, ne peut contrôler le timing et les délais.

En fait, tout le monde attend de savoir ce que les efforts internationaux, en particulier américano-iraniens, donneront, notamment en ce qui concerne la libération de cinq prisonniers américains et le déblocage de milliards de dollars en faveur de l’Iran, malgré la suspension des négociations nucléaires.

Des efforts sont déployés pour relancer ces discussions à Doha lors de réunions séparées. Cette étape contribuera-t-elle à la reprise des négociations nucléaires et ouvrira-t-elle une nouvelle voie pour parvenir à un accord qui définira les choix, la trajectoire et l’influence des parties en présence, ce qui mènera la région à la stabilité? Ou bien y aura-t-il des obstacles, à l’ombre du maintien de la tension à travers des opérations sécuritaires et militaires limitées? La région est en ébullition, et le Liban se trouve dans une situation tendue, oscillant entre une solution diplomatique et une solution militaire.