L’un des signes encourageants relevé par une personnalité chiite lors du lancement du Conseil national pour la levée de l’occupation iranienne au Liban est le choix de l’ancien ministre et député Ahmad Fatfat pour présider cet organisme, le premier du genre au Liban. Cette personnalité chiite voyait dans Ahmad Fatfat la personne la plus adaptée pour diriger le Conseil, étant donné sa flexibilité, son esprit d’ouverture et sa capacité à écouter.

L’impulsion principale derrière ce choix on la doit à son acolyte, l’ancien député Farès Souhaid, un rompu à l’action publique, notamment durant la période riche en développements historiques qui a suivi l’assassinat de l’ancien Premier ministre, Rafic Hariri, en février 2005, avec le soulèvement souverainiste du 14 Mars, ayant à son tour débouché sur le retrait de l’armée syrienne, après 30 ans d’ingérence directe dans les affaires libanaises.

Ahmad Fatfat s’est d’ailleurs montré fidèle à cette réputation d’ouverture lors du lancement du Conseil national, lundi 10 janvier, lorsqu’il s’est adressé aux autres composantes politiques libanaises qui rejoignent, in fine, les rangs de ceux qui veulent mettre fin à la mainmise iranienne sur les affaires libanaises par le truchement du " Hezbollah ". Lors de son intervention à cette réunion, l’ancien député a ainsi souligné l’importance du mémorandum conjoint présenté par les anciens présidents de la République et chefs de gouvernement, Amine Gemayel, Michel Sleiman, Fouad Siniora, Saad Hariri et Tammam Salam au secrétaire général des Nations-Unies Antonio Guterres lors de sa visite au Liban, en décembre 2021. Un texte qui fait écho à l’objectif que s’est fixé le Conseil national puisqu’il y est question de la mise en œuvre des résolutions internationales du Conseil de sécurité concernant le Liban, notamment la 1701 qui ne reconnaît que l’autorité de l’État libanais et ses armes légitimes et appelle à l’application de la résolution 1559 sur le désarmement des milices, le " Hezbollah " en l’occurrence.

M. Fatfat a également révélé que la rencontre entre Guterres et les anciens présidents et chefs de gouvernement a eu lieu autour d’un dîner organisé par l’actuel Premier ministre Nagib Mikati, ce qui montre sans équivoque où se situe ce dernier par rapport aux efforts visant à restaurer l’autorité de l’État sur tout le territoire libanais.

La présence d’une personne comme M. Fatfat à la tête du Conseil favorise un élargissement du front censé œuvrer pour libérer le Liban de l’emprise iranienne, dans la perspective d’une action commune pouvant déboucher sur des résultats concrets, estiment ses proches. Dans son discours, lundi, Farès Souhaid avait expliqué la mission du Conseil, qui est grosso modo d’œuvrer à prémunir le Liban des dangers auxquels l’exposent les équipées régionales du Hezbollah, notamment en Syrie. Il avait aussi clairement indiqué que ce Conseil ne sera pas une tribune rassemblant des candidats aux prochaines élections, tout en relevant que le scrutin sera sans utilité sans un bouleversement politique préalable.

Ce qu’il faut essentiellement aujourd’hui, selon M. Souhaid, c’est une unification du discours politique opposé à l’occupation iranienne. L’ancien député de Jbeil est persuadé que le changement n’aura pas lieu dans les urnes, mais en amont des élections, comme cela s’était produit en 2005. L’assassinat de Rafic Hariri avait été un événement fondateur, porteur d’un changement politique que personne n’avait vu venir, puisqu’il avait déclenché le soulèvement du 14 Mars et poussé Damas à retirer ses troupes du Liban. Les élections de 2005 n’ont fait que consacrer ce changement.

Le même schéma s’était produit en 1968 lorsque l’alliance formée par les Kataëb de Pierre Gemayel, le Parti national libéral de Camille Chamoun et le Bloc national du Amid Raymond Eddé avait pu gagner les élections législatives face au Nahj du président Fouad Chéhab, consécutivement à la défaite arabe durant la guerre des six jours, laquelle avait eu pour effet un affaiblissement des partisans de l’axe Syrie-Egypte-Jordanie au Liban.

Dans cet ordre d’idées, l’attention serait actuellement portée sur une modification de l’équilibre des forces, au niveau local, en prélude à un changement politique, pour reprendre les propos de Farès Souhaid. Le " Hezbollah " continue d’agir en vainqueur et de se présenter comme étant le plus fort au Liban, en dépit de l’effondrement dans lequel le Liban est plongé à cause de l’influence qu’il exerce sur le pays et qui empêche l’Etat de fonctionner normalement. Il va même jusqu’à minimiser l’importance du front qui s’est formé contre son parrain, l’Iran. Sur le plateau d’Al-Manar, la chaîne de télévision de la formation chiite, le général à la retraite Elias Farhat s’est ainsi moqué de la création du Conseil national, en affirmant il y a quelques jours : " Au Liban, certains croient qu’ils vont pouvoir résister à l’occupation iranienne. Ils sont vraiment risibles. Nous n’éprouvons aucun besoin de croiser le fer avec eux en politique. "

Peut-être parce que jusque-là les opposants au Hezbollah avancent en rangs dispersés et ne constituent pas un front commun. Dans ce contexte, la figure chiite précitée estime que les groupes de l’opposition devraient unir leurs rangs afin d’exercer une pression sur le Hezbollah et les autres pôles du pouvoir, qui ne semblent guère se soucier, dit-elle, de voir le dollar s’envoler au-dessus de la barre des 30 000 livres libanaises. " Si le Conseil national réussit à pousser les groupes de l’opposition à investir la rue à nouveau, ce sera un succès majeur. Tirons un enseignement de ce qui s’est passé récemment au Kazakhstan, où la population est descendue dans la rue, terrorisant le président qui a demandé aux forces de sécurité d’abattre les manifestants. C’est dire le niveau de terreur qui s’est emparée de lui ", commente cette personnalité en relevant que le simple fait de manifester, même pacifiquement, effraie les gouvernants. " L’importance de ce Conseil est sa capacité à mobiliser les gens pour occuper les places chaque semaine ", insiste-t-elle.

En tout cas, le Conseil national pour la levée de l’occupation iranienne du Liban commence à susciter un intérêt, d’autant que la présidence de Fatfat serait un signe indicateur d’une volonté d’élargissement du front d’opposition à l’influence iranienne. D’aucuns estiment d’ailleurs qu’Ahmad Fatfat est en mesure de forcer à cet effet des portes extérieures fermées jusque-là, devant les Libanais, comme c’est le cas avec l’Arabie saoudite.

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