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Amos Hochstein, conseiller du président américain, Joe Biden, pour les affaires énergétiques ayant joué un rôle clé dans la facilitation de l’accord délimitant la frontière maritime entre le Liban et Israël, est attendu mercredi à Beyrouth pour une nouvelle mission tout aussi complexe: faire progresser les pourparlers sur la délimitation des frontières terrestres.

L’envoyé américain œuvrera ainsi à régler les questions en suspens, notamment celle relative aux 13 points litigieux le long de la Ligne bleue. Celle-ci s’étend sur 120 km tout le long de la frontière sud, de Ras el-Naqoura, à l’ouest, jusqu’à la ville de Ghajar, à l’est.

Sept des 13 points litigieux auraient fait l’objet d’un accord et ne nécessiteraient pas davantage de discussions. Ce qui n’est pas le cas des six autres points qui devraient faire l’objet de nouvelles négociations. Au nombre de ceux-ci, se trouvent les trois points les plus controversés, en l’occurrence: le village de Ghajar, les collines adjacentes de Kfarchouba et les fermes de Chebaa, tous trois situés à la frontière du Liban avec le plateau du Golan, en Syrie, occupé par Israël depuis 1967.

"Nous avons marqué plus de 50% de la Ligne bleue, mais plusieurs points manquent encore, explique à This is Beirut Andrea Tenenti, porte-parole de la Finul. C’est la raison pour laquelle nous devons pousser les parties à trouver un accord sur les points en suspens." Il rappelle à cet égard que le Liban avait exprimé des réserves sur au moins 12 points, et que Ghajar, le 13ᵉ point, constitue une "violation persistante" de la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies.

"Ghajar est une violation claire, poursuit M. Tenenti. Les Israéliens savent qu’ils doivent se retirer de la partie nord du village. Les autres points comprennent des endroits tels que Kfarchouba et Bastara. Certains de ces points ne font que quelques mètres de large, alors que d’autres sont beaucoup plus grands, comme c’est le cas de Ghajar."

La Ligne bleue, contestée par le Liban, est une "ligne de retrait" tracée par les Nations unies en 2000 dans le but pratique de confirmer le retrait des forces israéliennes du Liban-Sud.

Cette "ligne temporaire", qui reste valable en l’absence d’une frontière sur laquelle les deux pays seraient convenus, est basée sur diverses cartes historiques, dont certaines remontent à près de cent ans. Elle n’est pas toujours claire sur le terrain.

Le général Khaled Hamadé, officier de l’armée à la retraite et directeur général du Forum régional de consultations et d’études (Regional Forum for Consultancy and Studies – RFCS), explique à This is Beirut que la frontière terrestre avec Israël a été délimitée, il y a longtemps, sur la base du traité d’armistice de 1949. Il reconnaît toutefois que cette frontière est quelque peu confuse dans certaines zones.

"La Ligne bleue n’est pas la référence pour la démarcation officielle de la frontière, ajoute-t-il. Il existe des points litigieux parce que cette ligne, qui n’a pas de valeur juridique, s’aligne sur la démarcation de la frontière officielle dans certaines parties et pas dans d’autres." Il a noté à cet égard que Ghajar ne fait pas partie du territoire libanais. C’est un village syrien occupé par Israël, en même temps que le plateau du Golan, depuis 1967.

"Il n’y a pas de partie libanaise de Ghajar, affirme M. Hamadé. Le Liban n’a pas le droit de revendiquer ce village." Il explique que les habitants syriens de Ghajar, détenteurs aujourd’hui de la nationalité israélienne, ont progressivement empiété, durant l’occupation israélienne, sur la périphérie du village libanais voisin, Almari. "Nous n’avons pas de différend frontalier avec Israël au sujet de Ghajar, fait remarquer M. Hamadé. La population israélienne d’origine syrienne occupe une partie de la périphérie d’Almari."

Alors que Ghajar est syrien, les fermes de Chebaa et les collines de Kfarchouba, qui bordent le plateau du Golan, font partie du territoire libanais. M. Hamadé note dans ce cadre qu’avant 1967, le Liban et la Syrie avaient entamé des négociations en vue de délimiter la frontière et d’inclure Chebaa et Kfarchouba au Liban. Damas n’était toutefois pas favorable à cette idée. Lorsque Israël a occupé la région, Chebaa et Kfarchouba étaient occupés par les troupes syriennes et, à ce titre, considérés comme faisant partie du territoire syrien.

Selon le général à la retraite, les cartes ont été falsifiées à la demande de la Syrie pour montrer que Chebaa et Kfarchouba se trouvent au Liban, et ce, dans l’objectif de forcer Israël à se retirer de ces villages conformément à la résolution 425 du Conseil de sécurité de l’ONU. Tel-Aviv a rejeté l’argument libanais, soulignant que selon les cartes qui existaient avant 1967, la région est considérée comme un territoire syrien. "La falsification des cartes vise manifestement à donner au Hezbollah une excuse pour (conserver ses armes) et poursuivre sa prétendue résistance contre l’occupation israélienne", constate M. Hamadé.

La délimitation de la frontière terrestre entre Israël et le Liban, qui a connu de nombreux épisodes de tension ces derniers mois, est une clé pour la paix dans la région.

Le moment est-il venu d’agir? Les deux parties feront-elles une nouvelle fois preuve d’un rare pragmatisme en engageant des négociations sur la délimitation de la frontière terrestre, comme elles l’ont fait l’année dernière pour leurs frontières maritimes, qui ont ouvert la voie à l’exploitation des ressources gazières du sous-sol méditerranéen par les deux parties? C’est ce que Hochstein découvrira bientôt.