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La situation explosive dans le camp de Aïn el-Héloué reflète celle de la région et le conflit entre les puissances régionales portant sur leur rôle et leur influence respective, parallèlement au dossier palestinien. Les affrontements qui reprennent entre chaque cessez-le-feu traduisent bien cette situation. Une tendance se dégage visant à mettre fin au "rôle" de Aïn el-Héloué et à déplacer ses habitants vers d’autres régions pour alléger le fardeau de la présence palestinienne, notamment après que le camp est devenu un foyer abritant les cellules terroristes dormantes et un siège pour les islamistes et les extrémistes qui l’utilisent au bénéfice de l’agenda régional de l’axe obstructionniste (Moumanaa).

L’infiltration du camp par les islamistes de Syrie "pour soutenir leurs frères contre le Fateh" reflète cette dynamique, car selon eux, le Fateh cherche à mettre fin à la présence islamiste et à "purifier" le camp sur base du principe que la coexistence est impossible avec les islamistes, d’autant que nous sommes à la veille de la reprise des négociations israélo-palestiniennes visant à parvenir à la solution des deux États.

Un ancien responsable officiel relate que lors de l’occupation israélienne du Liban en 1982, les forces israéliennes n’ont pas envahi Aïn el-Héloué mais lui ont plutôt imposé un siège rigoureux, surtout que des rapports sécuritaires faisaient état de la présence dans ce camp, déjà à l’époque, d’extrémistes fondamentalistes. Plus tard, il s’est transformé en un refuge pour les fugitifs et terroristes de différentes nationalités.

La situation sur le plan sécuritaire s’est gravement détériorée après le refus des islamistes de remettre à la justice les huit responsables du meurtre du général Abou Achraf el-Amrouchi, chef des forces de sécurité nationale palestiniennes. Une décision portant sur la nécessité de remettre ces suspects aux autorités libanaises avait été prise lors d’une réunion tenue à l’ambassade palestinienne entre des responsables du Fateh et des représentants des groupuscules islamistes. Ces derniers ont toutefois refusé de respecter le cessez-le-feu, de retirer leurs miliciens des écoles de l’UNRWA et d’éliminer les barricades et fortifications.

Par conséquent, les cessez-le-feu précaires ont volé en éclat et des confrontations ont éclaté, le tout à l’ombre d’un timing suspect, à la veille de la reprise de la mission du médiateur français Jean-Yves Le Drian, dans le cadre des efforts du groupe des Cinq (États-Unis, France, Arabie saoudite, Égypte et Qatar) qui s’est saisi du dossier de la présidentielle.

Il s’est avéré que le conflit à Aïn el-Heloué implique des non-Palestiniens, l’enjeu étant le contrôle du camp, et les islamistes auraient érigé des fortifications à l’avance dans le but d’atteindre cet objectif.

Les milieux locaux craignent que le scénario de Nahr el-Bared se répète à Aïn el-Héloué. Mais l’armée tient à réduire son rôle, à resserrer l’étau autour du camp et à intensifier les contacts pour mettre en œuvre le cessez-le-feu et prendre des mesures facilitant l’application de "l’accord de l’ambassade", tout en évitant de s’impliquer dans les combats, malgré les tentatives de l’entraîner sur cette voie.

Dans un appel au président palestinien Mahmoud Abbas, le Premier ministre sortant Najib Mikati a souligné la gravité de la situation, affirmant que "ce qui se passe ne sert en aucune façon la cause palestinienne et constitue plutôt une grave atteinte à l’État libanais en général, en particulier à la ville de Saida".

Au lendemain des affrontements, un responsable occidental a estimé que "le règlement régional n’a toujours pas mûri, et les négociations américano-iraniennes qui serviront de base au règlement régional n’ont pas encore progressé en raison de divergences sur plusieurs questions, dont la crise libanaise". Le responsable en question craint, par ailleurs, l’extension des combats à plus d’un camp et d’une région.

Dans ce cadre, un ancien responsable local n’exclut pas que les combats à Aïn el-Héloué accélèrent l’élection d’un président, et que le dossier des armes palestiniennes ainsi que d’autres dossiers en suspens soient discutés pour limiter les armes entre les mains de l’autorité libanaise.