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Le Liban officiel était en émoi jeudi à la suite de l’attaque nocturne à l’arme automatique contre le siège de l’ambassade américaine à Aoukar.

Une attaque-message, s’accorde-t-on à commenter dans divers milieux politiques, d’autant qu’elle semble bien planifiée et non pas l’œuvre d’amateurs. Une attaque dans laquelle le Premier ministre sortant, Najib Mikati, a vu "un retour aux vieilles méthodes pour faire parvenir des messages politiques".

Selon les premières informations relayées, des inconnus à bord d’un 4×4 sans plaque d’immatriculation ont tiré des coups de feu contre l’entrée, en même temps qu’un individu caché dans les bois, face au siège de la chancellerie.

Quinze balles, au total, ont été tirées, sans faire de victimes, vers 22h37, a indiqué à l’AFP un responsable de sécurité libanais, qui a requis l’anonymat. "Certaines ont atteint la barrière métallique de sécurité et d’autres les murs en béton" entourant l’ambassade, a-t-il ajouté, soulignant que l’assaillant a "abandonné sur place une sacoche contenant deux chargeurs de fusil d’assaut Kalachnikov".

Le porte-parole de l’ambassade, Jake Nelson, qui a confirmé les tirs la matin, a affirmé que "les contacts sont maintenus avec les autorités chargées de veiller sur l’application des lois dans le pays hôte".

L’incident a coïncidé avec la trente-neuvième commémoration de l’explosion d’une voiture piégée, le 20 septembre 1984, devant l’ambassade américaine à Aoukar. L’attentat avait fait 11 morts et des dizaines de blessés. L’explosion avait été attribuée par l’ambassade au Hezbollah.

L’attaque de la nuit de mercredi à jeudi intervient deux jours après la réunion du groupe des cinq (France, États-Unis, Arabie saoudite, Égypte et Qatar) au sujet du Liban, en marge de l’Assemblée générale de l’ONU. S’agit-il d’un message aux Américains alors que des informations font état de dissonances entre Paris et Washington au sujet du dossier libanais? S’agit-il d’une réponse à la visite de l’émissaire américain, Amos Hochstein, en août dernier, à Baalbeck? La visite touristique inopinée de M. Hochstein dans cette région sous contrôle du Hezbollah, en compagnie de l’ambassadrice des États-Unis, Dorothy Shea, avait été interprétée comme un message adressé au Hezbollah, laissant entendre qu’ils peuvent se rendre là où ils le souhaitent. Les assaillants ont-ils voulu adresser le même message aux Américains? Ces questions, et plusieurs autres, se posent.

Assurances libanaises

Toujours est-il que le Premier ministre sortant, Najib Mikati, a reconnu qu’il s’agit d’un message politique. "La protection des missions diplomatiques au Liban ne peut faire l’objet d’aucun laisser-aller", a-t-il assuré de New York où il se trouve. Et d’ajouter: "Il est inadmissible de revenir aux vieilles méthodes, à cause desquelles le Liban a énormément souffert, pour faire parvenir des messages politiques."

M. Mikati, qui a pris contact avec les responsables de sécurité pour s’enquérir des tenants de cette affaire, a souligné que l’ensemble des services de sécurité sont mobilisés pour élucider les circonstances de cet incident et arrêter les auteurs des tirs.

Le ministre sortant de l’Intérieur, Bassam Maoulaoui, a également pris contact avec Mme Shea pour dénoncer l’attaque et l’assurer que les services de sécurité mènent des investigations "minutieuses" pour arrêter les malfaiteurs.

Le ministre sortant des Affaires étrangères, Abdallah Bou Habib, a également appelé Mme Shea. Il a notamment affirmé l’engagement du Liban à "assurer la protection nécessaire aux sièges des missions diplomatiques".

Son collègue de la Défense, Maurice Slim, a à son tour, souligné, durant un entretien téléphonique avec l’ambassadrice américaine, que "des mesures ont été prises pour empêcher de nouveaux incidents similaires, d’autant que la protection des sièges diplomatiques relève de la responsabilité des services libanais de sécurité".

Plusieurs autres parties politiques et religieuses ont réagi à l’affaire des tirs.

Sur son compte X, le bloc du Renouveau (Tajaddod, comprenant les députés Michel Moawad, Achraf Rifi, Fouad Makhzoumi et Adib Abdel Massih) a stigmatisé "un acte suspect qui porte surtout atteinte à la sécurité et au Liban en général". Il a souligné la responsabilité de l’État "qui se doit d’identifier les coupables".

Également sur X, le député Razi el-Hajj (Forces libanaises) a dénoncé "un jeu flagrant mené par ceux qui se sont spécialisés dans la destruction des relations du Liban avec des États amis", en allusion au Hezbollah. "Au lieu de remercier les États-Unis pour leurs aides à l’armée et aux forces de sécurité, les parties lésées essaient d’envoyer des messages suspects et rancuniers mettant en danger le Liban à travers des forces occultes".

Proche du Hezbollah, le mufti jaafari, cheikh Ahmad Kabalan, a "stigmatisé toute exploitation sécuritaire du Liban, dont les tirs contre l’ambassade américaine".  Dans un communiqué, il a estimé que "le pays ne supporte pas des scénarios prémédités. Toute atteinte à la sécurité est interdite", a-t-il dit.

Le chef des Kataëb, Samy Gemayel, a mis en garde contre "la gravité de tels incidents qui ne sont dans l’intérêt de personne, notamment ceux qui les commettent".

De son côté, Ziad Hawat, membre du bloc parlementaire de la République forte (Forces libanaises), a estimé que ces incidents ont pour objectif d’"exacerber les tensions sécuritaires". "Attention de jouer avec le feu en cette période critique, a-t-il écrit sur son compte X. Le Liban ne peut plus assumer le rôle de boîte à lettres pour servir les intérêts de forces étrangères."

Quant au Parti national libéral, il a estimé que ces incidents constituent "un message dangereux et un indice du retour à l’intimidation à laquelle ont recours certaines parties qui insistent à transformer le Liban en un terrain pour les conflits régionaux".

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