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Les altercations entre Libanais et Syriens survenues à Dora dans la soirée du jeudi font écho à une montée récente des tensions au niveau du dossier de la migration syrienne au Liban, qui a poussé plusieurs parties officielles à prendre des mesures restrictives à cet égard.

Les altercations entre citoyens libanais et déplacés syriens qui ont eu lieu dans la soirée du jeudi à Dora sont survenues dans un contexte de tensions croissantes vis-à-vis de la présence syrienne au Liban.

La scène locale a connu récemment une montée en puissance des mesures prises par plusieurs instances officielles vis-à-vis des migrants syriens, provoquant ainsi des changements significatifs dans ce dossier.

D’une part, le ministre sortant de l’Intérieur, Bassam Maoulaoui, a pris une série de décisions relatives aux déplacés syriens. Il a adressé jeudi des notes officielles à la direction générale des Forces de la sécurité intérieure (FSI) ainsi qu’aux municipalités et aux mohafez (gouverneurs). Il a appelé les premiers à saisir les motos conduites par des Syriens ne détenant pas de permis de résidence libanaise et les autres à refuser les assistances accordées aux déplacés syriens. Il a aussi demandé aux notaires de ne pas conclure de contrats avec les réfugiés qui ne sont pas en possession de documents légaux. Par ailleurs, il a exigé que des rapports sur les actions entreprises concernant la présence syrienne soient présentés au ministère par les municipalités et les maires tous les 15 jours. Enfin, il a demandé l’intensification des patrouilles de police dans les rues de la capitale, dans le but de lutter contre le phénomène de mendicité des enfants non libanais.

D’autre part, la Sécurité de l’État a annoncé jeudi une campagne de démantèlement de tentes illégales à Nabatiyé.

Parallèlement, plusieurs services de sécurité ont arrêté durant les derniers mois des migrants syriens pour différents crimes tels que trafic de drogue, usage d’armes à feu, vols ou encore enlèvements, et ce, dans plusieurs régions libanaises. Dans ce contexte, M. Maoulaoui a déclaré mercredi que plus de 30 % des crimes au Liban sont commis par des Syriens.

Concernant la règlementation du travail des Syriens, la Sûreté générale avait déjà appelé en septembre les employeurs à ne pas recruter de main d’œuvre étrangère d’une manière qui ne respecte pas les règlementations du travail dans le pays, sous peine de poursuites judiciaires.

Par ailleurs, les municipalités ont mis en place plusieurs mesures visant à contrôler la présence syrienne dans les différentes régions libanaises allant de l’interdiction aux ressortissants syriens de circuler après une heure précise, ou encore le boycott des restaurants et des magasins qui emploient des livreurs étrangers, jusqu’à la répression des infractions et la démolition des constructions illégales.

À ce propos, les moukhtars des régions du Metn (Jdeideh, Baouchrieh et Sadd) ont adressé vendredi une note à la direction générale de la Sûreté générale demandant la fermeture de tous les commerces illégaux exploités par des personnes non libanaises.

Il n’en reste pas moins que l’armée libanaise lutte par tous les moyens dont elle dispose contre l’immigration syrienne clandestine. Elle a réussi à arrêter et à refouler plus de 22.000 Syriens au cours de l’année 2023, selon les statistiques du commandement de l’armée.

Sur le plan politique, les parties semblent s’être accordées sur la nécessité d’une décision politique unifiée, en vue d’accélérer le retour des déplacés syriens dans leur pays.

La commission parlementaire de l’Administration et de la Justice, qui regroupe des membres de tous les blocs politiques, a décidé lors d’une réunion tenue mardi d’élaborer une proposition de loi visant à préserver la souveraineté libanaise à l’égard du dossier de la présence syrienne au Liban. Les députés ont appelé les ministères de l’Intérieur, de la Défense et de la Justice à se mobiliser pour la fermeture des frontières avec la Syrie face à la migration clandestine.

La commission a aussi rappelé le mémorandum d’entente signé en 2003 avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), qui stipule que le Liban est un pays de passage et non un pays d’asile pour les réfugiés, demandant au HCR de verser les aides financières aux déplacés en Syrie et non au Liban.

M. Maoulaoui et le général Baissari s’en sont également pris au HCR qui n’a toujours pas remis à la Sûreté générale les données relatives aux déplacés syriens.

Plusieurs responsables, politiques et religieux, avaient déjà tiré la sonnette d’alarme concernant ce dossier, dénonçant le "danger existentiel" qu’il représente pour la structure démographique du Liban. Dans ce cadre, le directeur général de la Sûreté générale, Elias Baissari, a affirmé jeudi que 42% des habitants du Liban sont Syriens.

Les appels au rapatriement sont ainsi devenus de plus en plus pressants, et ce, de façon presque unanime dans tous les milieux. Le camp de l’opposition souverainiste met actuellement en œuvre un "plan" pour organiser le retour des migrants syriens chez eux.

Dans un contexte de crise économique particulièrement exacerbée, cette montée des tensions entre Libanais et Syriens est devenue une bombe à retardement au Liban.

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