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C’est à un remake auquel ont eu droit samedi après-midi les Libanais à l’occasion du discours du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah – le second en une semaine. La très longue allocution du leader du parti chiite n’a certes rien apporté de vraiment nouveau, pour l’essentiel, mais une analyse plus pointue de la forme et de la structure du speech n’est pas totalement dépourvue d’intérêt.

Le leader du parti pro-iranien a tenu à présenter un panorama régional global des développements militaires en cours, de manière à sortir du cadre étroit de Gaza ou du Liban-Sud. Cette approche vise à atteindre trois objectifs précis, lesquels illustrent et permettent d’affirmer la stratégie transnationale des mollahs iraniens. Une stratégie fondée sur les visées expansionnistes des Gardiens de la révolution – les pasdarans – et sur les velléités de l’État iranien de s’imposer comme puissance régionale incontournable au Moyen-Orient.

Le premier objectif qui se dégage de l’intervention de ce 11 novembre est la volonté de Hassan Nasrallah – perceptible déjà dans le discours du 4 novembre – de se donner une stature régionale de chef d’orchestre de toutes les organisations créées par Téhéran dans plusieurs pays du M.O. L’Iran a besoin d’abord d’un tel rôle (après la liquidation de Kassem Souleimani) afin de cimenter dans un cadre cohérent ses instruments de domination installés ici et là. Dans cette optique, le chef du Hezbollah a besoin plus que jamais de redorer son blason à l’échelle régionale après le discrédit qui a fortement frappé le parti du fait de son implication directe dans la guerre en Syrie et sa contribution active aux débordements d’un régime qui a massacré son peuple, allant jusqu’à se livrer à l’exode forcé, au tri démographique et à l’utilisation des armes chimiques contre sa propre population.

Le deuxième but recherché visiblement dans le discours de samedi est de "faire avaler la pilule" à la population du Liban-Sud, de l’amener à accepter les épreuves qu’on lui fait subir une nouvelle fois, en les présentant comme une partie d’un tout beaucoup plus global, s’inscrivant dans le cadre d’un grand enjeu géostratégique qui dépasse largement le Liban et qui justifie par conséquent les sacrifices requis. Cela explique le panorama exhaustif dressé longuement, et argumenté, par le chef du parti pro-iranien. D’où la vision de "fronts de soutien" présentée dans le discours…

Hassan Nasrallah a bien pris soin sur ce plan d’exposer en détail les "contributions" de ces différents "fronts de soutien" dans le cadre de la lutte globale. Dans son énumération, il a commencé par l’apport des Houthis du Yémen (par le biais de missiles lancés en direction d’Israël); il a évoqué ensuite le rôle de la "mobilisation populaire" en Irak (milice pro-iranienne qui se distingue, a souligné le chef du Hezbollah, par ses attaques contre les positions américaines en Irak et en Syrie) ; il a enchainé par la suite avec le régime syrien (en louant sa "position politique claire"), puis avec les Palestiniens de Cisjordanie, et même… l’Iran, pour mettre l’accent sur son indéfectible aide "financière, militaire, logistique, politique"…

Ce n’est qu’à la fin, au bas de la liste des "fronts de soutien", que le cas du Liban-Sud a été exposé, de manière que la population libanaise n’ait pas le sentiment qu’elle est seule à subir le combat ainsi mené. C’est alors que Hassan Nasrallah a expliqué que sa formation a effectué un saut qualitatif dans sa confrontation avec Israël, tant au niveau de l’armement utilisé que de l’extension géographique des opérations militaires, atteignant en profondeur le territoire israélien.

Le troisième fait marquant du discours est le souci manifeste du leader du Hezbollah de ménager les sentiments de ses partisans et de sa base populaire en évitant de trop mentionner le mouvement Hamas et en insistant plutôt sur le rôle de la "résistance". Les combattants du Hezb n’ont pas encore oublié, en effet, que c’est ce même Hamas qui a mené des batailles meurtrières contre eux en Syrie pendant plusieurs années, et ce n’est que tout récemment que ce mouvement fondamentaliste sunnite a été récupéré par l’Iran.

Mais le plus grave sans doute dans l’allocution de samedi – à l’instar de celle du 4 novembre – est que Hassan Nasrallah se place dans une logique de guerre d’usure, montrant encore une fois qu’il se permet de disposer ainsi du pays et des Libanais, sur base d’une démarche unilatérale percevant le Liban comme sa propriété privée acquise à la faveur d’une OPA publique ! Dans cette optique, la notion de "fronts de soutien" qui se substitue aux appels à "l’unification des fronts", lancés à plusieurs occasions par le camp pro-iranien, illustre dangereusement une volonté d’entrainer la population libanaise dans une guerre d’usure dont la seule perspective est de servir la "Raison d’Etat" de l’Iran. Avec comme bonus, largement dévastateur, l’émergence de groupuscules palestiniens armés qui paradent et jouent à la guerre en toute liberté dans les zones méridionales du pays. 

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