La violence s’aggrave de jour en jour à notre frontière sud. «L’instrumentalisation hezbollahie du Hamas» se poursuit, alors que l’armée libanaise n’est pas épargnée par les frappes israéliennes. C’est ce moment de confusion et d’interrogations qu’a choisi le patriarche Raï pour lancer un message de paix et de solidarité; il l’a fait à partir de Tyr, ville à portée de canon d’Israël et néanmoins accueillant de plus en plus de déplacés des régions environnantes.
À Beyrouth, en revanche, le chef du parti Kataëb, Samy Gemayel, et la coordinatrice spéciale des Nations unies, Joanna Wronecka, réitèrent la nécessité d’appliquer la résolution 1701 du Conseil de sécurité, alors que le juge Souheil Abboud, président du Conseil supérieur de la magistrature, met en garde contre l’effondrement complet du système judiciaire. Quant au système bancaire, dispensateur de crédits, il est sens dessus-dessous et, de son côté, le Conseil central maronite plaide pour le maintien du général Joseph Aoun à son poste.
Cerise sur le gâteau, et comme pour souligner l’imminence de la catastrophe qui va s’abattre sur nous, une nouvelle mission politique française va se porter à notre chevet. Sur ce, le président de la Chambre, M. Nabih Berry, saisi d’un zèle patriotique, a convoqué en un sursaut salutaire le bureau de la Chambre à une réunion.
Comment peut-on se retrouver dans ce maëlstrom et là, je n’ai fait que reproduire les titres de la presse de Beyrouth?
Tout a toujours un prix
Dernièrement, on nous a ressorti du placard la question de l’application intégrale de la résolution 1701, qui stipule qu’aucune force paramilitaire, pas plus le Hezbollah qu’une autre, ne peut se cantonner au sud de la rivière Litani. Or, depuis 2006, cette résolution avait été allégrement transgressée et détournée de sa finalité. À l’évidence, le parti iranien allait renforcer sa présence sous les yeux de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul), dans une zone qui était censée lui être interdite. Les Casques bleus, qui auraient dû appliquer la formule «tolérance zéro», ont laissé faire: ils en ont malheureusement et souvent payé le prix!
Car tout a toujours un prix. Dans les années soixante-dix du siècle dernier, on attribuait à Henry Kissinger ces propos perfides: «Donnez le Liban à la Syrie et vous aurez réglé le problème palestinien.» C’était payer cher notre indépendance et souveraineté! Se trompent aussi ceux qui, aujourd’hui, croient qu’un retrait du Hezbollah, ce faire-valoir de l’Iran, au-delà du fleuve Litani, va se faire à l’œil. De même, il serait vain de songer que le «parti de Dieu» va renoncer à exercer son chantage pour accéder aux demandes de la France, avec laquelle il entretient de franches relations.
L’histoire raconte que les deux parties ont vu le panneau et ont suivi les directives. Credits : Joseph Eid/AFP
Le Liban, mais qui en voudrait?
Résumons-nous, la France veut parer au plus pressé: elle veut épargner au Liban les affrontements si destructeurs de 2006; elle cherche à désamorcer la crise et se contenterait d’une saine application de la résolution 1701, sans aller jusqu’à réclamer le désarmement du Hezbollah. Ce dernier, qui ne veut pas se laisser entraîner dans une guerre ouverte, mais tenant le pays en otage, ne va pas calmer le jeu pour les beaux yeux de la princesse.
Que difficile sera la mission des émissaires de la paix! L’Iran et son affidé libanais ne font preuve de bon sens qu’en fonction de leur évaluation des rapports de force qui prévalent. Et, pour preuve, la résolution 1701 n’a été acquise, dans des termes qui excluaient le Hezbollah du Liban-Sud, qu’en raison du fait que ce dernier ne pouvait plus poursuivre sa folle équipée, tant il était épuisé militairement et tant la population chiite criait «assez».
Et puisqu’il faut battre le fer pendant qu’il est chaud, le prix, que ne cesse d’exiger le parti des ayatollahs, est à régler sur le plan intérieur et domestique, la libération de la Palestine n’étant qu’un prétexte, comme l’est d’ailleurs la libération des fermes de Chebaa. Certes, le Hezbollah cherche depuis un moment à assurer l’accession de son candidat à la magistrature suprême, mais c’est en fait à la parité entre chrétiens et musulmans qu’il en veut. C’est l’accord de Taëf qu’il veut réviser, sinon jeter à bas et invalider.
Le «parti de Dieu» va devoir toiser les «envoyés extraordinaires», ces porteurs occidentaux de la bonne parole, de l’air de dire: «On me veut au nord du Litani, qu’on me donne donc le nord du Litani»*!
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* En d’autres termes, le Hezb va plagier Kissinger en exigeant carte blanche au Liban pour assurer une zone tampon pacifique à la frontière nord d’Israël.
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