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C’est à un étrange soubresaut que s’est livré il y a quelques jours le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou. Le chef du Likoud a cru bon réitérer publiquement son opposition aux accords et à l’esprit d’Oslo, qui étaient le fruit d’une décision audacieuse et historique prise en 1993 par l’Organisation de libération de la Palestine (sous la conduite de Yasser Arafat) et par le parti travailliste israélien visant à lancer sur des bases pragmatiques un solide processus de paix au Proche-Orient. Ce règlement politique fut saboté en 1994 et 1995 aussi bien par le Hamas et autres extrémistes palestiniens que par la droite israélienne, M. Natanyahou en tête.  

Réagissant sans doute à chaud aux tractations entreprises au niveau de la communauté internationale en vue de paver la voie à un règlement régional global, dans le sillage du conflit qui ensanglante actuellement la bande de Gaza, le chef du gouvernement israélien a non seulement fustigé le processus d’Oslo, mais il a surtout réaffirmé son rejet de la solution à deux États, prônée par l’ensemble des grands décideurs arabes et internationaux, et qui a été fortement remise sur le tapis après l’attaque meurtrière du 7 octobre dernier.

Contre vents et marées, et malgré toutes les épreuves endurées par les populations de la région au cours des dernières décennies, le leader du Likoud persiste et signe, donc, et nage à contre-courant en essayant de torpiller une fois de plus l’esprit du processus de paix enclenché dans les années 1990 (avec aussi, avant Oslo, la conférence de Madrid). Là où le bât blesse, c’est qu’il ne propose aucune solution de rechange viable. Bien au contraire, il multiplie au fil des ans les initiatives qui torpillent les efforts de paix.

Comme pour illustrer sa ligne de conduite obstructionniste, M. Natanyahou a soutenu d’une manière à peine voilée le… Hamas, sous prétexte d’affaiblir l’OLP, en "parrainant", notamment, le financement massif de l’organisation fondamentaliste palestinienne par le Qatar. Comble du cynisme: ce financement, effectué mensuellement à coups de dizaines de millions de dollars qui transitaient par les autorités israéliennes, permettra à ce même Hamas de construire, avec l’aide iranienne (un autre "paradoxe"!), la vaste infrastructure militaire sous-terraine de Gaza à laquelle est confrontée aujourd’hui l’armée israélienne. Cette infrastructure militaire, qui ne comporte – soit dit en passant – absolument aucun abri pour les civils, permet depuis le 7 octobre aux miliciens palestiniens de mener des opérations de guérilla contre les forces de l’État hébreu.

Parallèlement, le Likoud a renforcé ces dernières années la politique d’implantation de colons israéliens en territoire palestinien, transformant la Cisjordanie en une véritable bombe à retardement (un nouveau "Gaza") et, surtout, en un terrain fertile pour… le Hamas, désormais instrumentalisé par la République islamique iranienne dans son combat pour s’imposer, manu militari et par le biais d’une stratégie de déstabilisation générale, comme puissance régionale.

Le Likoud et le Hamas: ennemis, mais objectivement et implicitement alliés pour faire échec au processus d’Oslo ainsi qu’à "l’initiative arabe de paix" qui avait été adoptée lors du sommet arabe de Beyrouth, en 2002, sous l’impulsion de l’Arabie saoudite. Cette stratégie de l’irrationnel, les Libanais – et les populations de la région – en font les frais depuis plus de trois décennies, depuis le torpillage d’Oslo. Trente ans de blocage, d’attentats terroristes, de massacres, de manifestations provocatrices, de guerres stériles… Le tout pour rien, sans aucun enjeu concret, sans buts précis bien déterminés… De la gesticulation populiste et meurtrière, sans aucun horizon, sauf celui, récemment (dans le cas du Hamas et alliés), de servir les intérêts supérieurs de… l’Iran.  

Un double obstructionnisme qui a ainsi sapé les efforts de paix des travaillistes israéliens, de l’OLP de Yasser Arafat, des rois et chefs d’État arabes réunis à Beyrouth en 2002. À l’ombre de cette amère réalité, et après de longues décennies de peines perdues, comment peut-on encore reprocher aux Libanais, comme le font les nostalgiques de la cause palestinienne, leur refus de subir davantage d’épreuves pour défendre une cause devenue chimérique, parce que réduite à un simple instrument de conquête aux mains du nouvel empire perse?